Pourquoi les Algériens donnent-t-ils parfois l’impression d’être, dans une proportion assez importante, des citoyens au tempérament plutôt indiscipliné, doués si on peut dire pour une sorte de désordre ordinaire, rétifs au respect naturel des règlements et des recommandations, et même peut-être réfractaires, au moins partiellement, à la notion de civisme et à la culture des bonnes manières ?
L’argument selon lequel la population algérienne est constituée en grande partie de jeunes et donc de citoyens frondeurs ou dissipés par nature, récalcitrants à un certain sens de l’organisation dans la vie, et portés vers une rébellion parfois agressive, pour expliquer cet état de fait regrettable, ne tient pas la route, car selon une étude réalisée par des chercheurs du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (CREAD), les jeunes Algériens qui ont l’âge entre 15 ans et 29 ans ne représentent (en 2019) que 23% de la population de notre pays. Donc l’explication de ce qui peut s’apparenter à un «manque de tenue», à un laisser-aller préoccupants est à chercher ailleurs et ses causes seraient imputables à toutes les tranches d’âge de la population, seraient multiples et imbriquées les unes les autres.
Les analystes avancent plusieurs raisons qui auraient favorisé à la longue ces petits et grands manquements à la civilité quotidienne, à l’intérêt général et à la vie harmonieuse en société ainsi que cette espèce de petit ou grand «ensauvagement» de notre environnement et qu’un trop grand laxisme de l’autorité publique ne contribuerait, à défaut de prévention, qu’à encourager davantage.
Toute régression est le produit d’un échec, et dans le cas qui nous intéresse ici, c’est celui, entre autres, de l’école, de la famille, de la mosquée algériennes qui ont échoué à transmettre et promouvoir des valeurs et des règles positives individuelles et collectives mais aussi celui des élites politiques au sens large qui n’ont pas toujours été des modèles d’exemplarité et d’irréprochable «bonne conduite» auxquels pouvaient s’identifier moralement et «psychologiquement» une majorité de citoyens.
Une scène de la vie quotidienne dont nous avons été le témoin lors d’un passage dans une ville du sud de l’Espagne devrait peut-être tous nous interpeller : un homme qui paraissait ne pas avoir toute sa tête à lui, vu qu’il était vêtu d’un manteau de grosse laine alors qu’il faisait 35 degrés à l’ombre, buvait debout de l’alcool au goulot, mais une fois sa bouteille vidée, il traversa tout un boulevard pour aller la jeter dans la poubelle la plus proche. Ivre et aliéné mental pourtant, les normes collectives unanimes dans lesquelles il évoluait lui interdisait inconsciemment de balancer sa bouteille vide dans la nature !