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L'épidémie du coronavirus impacte fortement l’économie algérienne connectée à l’économie mondiale

02-03-2020 15:38  Pr Abderrahmane Mebtoul

Comme je viens de le démontrer  dans plusieurs contributions nationales/internationales et dans un long entretien  avec Algérie Radio Internationale  (diffusion  Alger-RAI 01/03/2020), l’épidémie du  coronavirus  a un impact négatif sur l'économie, mondiale et l’ampleur  dépendant  de la durée de la crise.  Cela a un impact sur le devenir  de l’actuel modèle de croissance mondial, devant synchroniser  la sphère financière et la sphère réelle,  la dynamique économique et la dynamique sociale afin d’éviter   l’accroissement des inégalités donc devant repenser l’architecture internationale. La prévision de l’économie mondiale du FMI    était de    3,3%  en 2020  alors que  l’OCDE    fin  février 2020   prévoit 2,4% soit une perte minimale d’environ 850 milliards   de dollars affectant surtout les pays mono exportateurs.  Cela interpelle  la  société algérienne,  fortement connectée à l’international via les hydrocarbures (98% de ses recettes en devises) avec les impacts économiques,  sociaux  et sécuritaires. Cela explique   la  réunion d’urgence du conseil de sécurité présidé  par le Président  de  la république le 01 mars 2020.

1.-. Le poids de la Chine dans le PIB mondial en 2019  est de près de 16%   ayant été multiplié par plus de 200 depuis 1960, d’après des données de la Banque mondiale, contre  moins de 2% en 1979, ce qui en fait la deuxième économie mondiale derrière les Etats-Unis et la troisième derrière toute l’Europe. A titre de comparaison l’Europe  a  un PIB nominal en 2018 de 18.750 milliards de dollars contre 20.494 pour les USA et 13.407 pour la Chine, sur un total mondial de 84.740. En 2019 selon le FMI les dix premiers pays les plus riches du monde sont par ordre, PIB  nominal :

-USA -21.345 milliards de dollars

-Chine – 14.217 milliards de dollars

-Japon -5.176 milliards de dollars

-Allemagne -3.964 milliards de dollars 

-Inde- 2972  milliards de dollars

-Royaume Unis-2.829 milliards de dollars

-France -2.762 milliards de dollars

-Italie- 1.960 milliards de dollars

-Brésil- 1.960 milliards de dollars

-Canada -1.739 milliards de dollars

Cependant pour toute comparaison objective, il faut ramener le PIB par rapport à la population, la  population des USA  étant estimée à 330,25 millions, la Chine 1,384 milliard, l’Inde 1,339 milliard, le Brésil 209,30 millions  et toute l’Europe 741,40 millions  dont la Grande Bretagne incluse 66,44 millions

2.- La raison des tensions économiques actuelles, est que la Chine a contribué à environ 40% de la croissance de l’économie mondiale entre 2010/2020, étant  devenue  un maillon central des chaînes de valeur,  le premier consommateur de la plupart des produits de base et le premier partenaire commercial de nombreux pays.  Prenons à titre d’exemple quelques segments stratégiques mesurant le poids de la Chine.

- dans le textile-cuir-habillement sa part  dans la demande finale mondiale  de la  Chine est  près de 40%,

-  dans la sidérurgie et la métallurgie environ  de 29%,(dans la sidérurgie  la moitié des capacités de production mondiales sont en Chine),

- dans le secteur des machines 28%,

-  dans la chimie   et les produits minéraux non-métalliques 24%,

- dans la  filière chimie-pharmacie 16%, représentant  60% de la production mondiale de paracétamol, 90% de la production de pénicilline et de 50% de l'ibuprofène,

 -  environ 70% des Smartphones vendus dans le monde ,

  -dans l'automobile, près de 20% de la valeur ajoutée de la demande mondiale finale, C’est que la Chine est devenue fournisseur de composants pour toute la filière mondiale, exportant en 2019 pour environ 70 milliards de dollars de pièces détachées et accessoires automobiles,

 -ayant misé sur le développement des énergies renouvelables, elle  domine  l'industrie des batteries, étant  devenue incontournable dans les composants  des véhicules électriques.

  Selon une étude du mois de février 2020 parue dans Echos.fr, le pays représente au sein de l’économie mondiale,

- en dépenses du tourisme 20%

-, pour la  production de biens 19,7%,

- pour  l’encours de crédit 19,6%,

  -pour le commerce 13%

  Selon une étude du mois de février 2020 parue dans Echos.fr, le pays représente au sein de l’économie mondiale,

- en dépenses du tourisme 20%

-, pour la  production de biens 19,7%,

- pour  l’encours de crédit 19,6%,

  -pour le commerce 13%

3.-  Du fait de l’épidémie, les perspectives de croissance de la Chine, pour 2020, prévue à + 6 %, taux déjà en retrait par rapport à 2019, il y a une probabilité d’une baisse au moins à un point de croissance, ce qui ramènerait la croissance du PIB chinois 2020 au-dessous de  5 %. D’après une étude menée par l’Association des petites et moyennes entreprises de Chine, le 14 février 2020, les PME chinoises (dont la définition inclut, selon les secteurs, des structures qui emploient jusqu’à 3 000 personnes) contribuent à  60 % du produit intérieur brut –PIB- et de 80 % des emplois en Chine. Les mesures  des autorités pour atténuer  les effets de la crise, comme la  baisse du  taux d’intérêt,  et aux banques publiques  d’assurer plus de liquidités suffiront –elles en cas de prolongation de  l’épidémie, d’autant plus qu’un tiers des patrons estiment que leur société ne peut survivre qu’un mois dans les circonstances actuelles, et un autre tiers,  deux mois? La baisse de la production en Chine perturbe les chaînes d’approvisionnement du monde entier, l’épidémie freinant  la consommation, contribuant au  ralentissement  des flux touristiques dont  le nombre a décuplé depuis 2003, dépensant 130 milliards de dollars chaque année à l’étranger. Si l’épidémie du coronavirus venait à s’accentuer, outre les couts importants des dépenses pour contrer cette maladie, nous assisterions à des répercussions en chaine sur tous les segments de l’économie mondiale  et notamment sur les cours mondiaux du pétrole et des matières premières affectant bon nombre de pays du tiers monde , mono -exportateurs de matières premières. Comme, devront être analysés minutieusement les  effets psychologiques (psychose), difficilement  quantifiables   qui influent sur les comportements tant des ménages que des managers.  Le cuivre, thermomètre de l’économie mondiale, a perdu de sa valeur 10 % depuis la mi-janvier,  le zinc, et l’aluminium 7 %, sans compter l’acier, le plomb, le nickel.. Parmi les métaux, seul l’or, valeur refuge a connu une relative stabilité. Selon S & P Global Platts, les raffineries chinoises aurait réduit  leur consommation de 1 million de barils par jour en février. Chez Goldman Sachs, l’économiste Jeff Currie estime la baisse de demande chinoise entre 2 et 3 millions de barils par jour,  le pire choc sur la demande en dix ans ».Alors que la  Chine, selon le bureau d'Etat des Statistiques (BES), pour 2019, a importé pour 506 millions de tonnes de pétrole brut, 9,5% au-dessus du niveau de 2018, selon les données de l'Administration générale des douanes, équivalent à 10,12 millions de barils par jour (b / j), selon les calculs de Reuters basés sur les données et les importations de gaz GNL et pipelines ont augmenté de 6,9% pour atteindre 96,56 millions de tonnes. La Chine consomme en moyenne 14 millions de barils de pétrole par jour, soit 15 % de la demande mondiale, avec une demande de pétrole estimée à environ 11/12% sur une demande mondiale en 2019 de 99,77 millions barils/jour (prévision en 2020 avant l’épidémie 100,98 millions de barils/j), fonction de sa croissance entre 10/11 millions de barils jour. C’est une demande presque équivalente à la production russe ou celle de l’Arabie Saoudite.

4.-  Comme conséquence  de la récession chinoise  depuis le  coronavirus, le  Brent a   été coté le  01 mars 2020  dans  la matinée  à 51,33 dollars (46,51 euros) ,  le Wit 44,44 dollars (46,37 euros) après avoir chuté à moins de 50 dollars le 28/02/2020.   Le cours du gaz naturel  sur le marché libre en chute libre  est coté entre 1,64 et 1 ,75  dollar le MBTU,   en baisse par rapport au 25/02/2020 de 3,88%  une  baisse de plus de 60%  en référence à 2008.  Selon Magazine/Energie, uniquement  pour 2019,  les prix ont reculé de 25% pour le marché américain et de 50% en Asie et en Europe  et  pour le GNL hors transport fluctuant entre 3/5 dollars le   MBTU selon les zones géographiques,   Pour sa part, l’OPEP a fortement revu à la baisse de 19% dans son rapport mensuel, sa prévision de croissance de la demande mondiale de pétrole brut : en 2020. Les importations chinoises sont passées d’environ 11 millions de barils jour à 8 millions et pourrait descendre à 7 selon des agences internationales. Avec les impacts indirects si l’on prend les prévisions de l’OPEP la demande Chine et hors Chine baisserait de 19 millions de barils par jour. L’Arabie saoudite est le premier fournisseur de la Chine, environ le quart de ses exportations, suivi de la Russie selon les statistiques douanières chinoise, le plus gros producteur au sein de l’organisation (environ 10,5 -11 millions de barils/jour) étant l’Arabie Saoudite, des pays comme l’Algérie, ayant peu d’influences, avec environ 1 million de barils jour étant marginal.  Dans tous les cas de figure, l’OPEP représentant environ 40% de la production commercialisée, est impuissante face à cette baisse de la demande d’autant plus que certains pays ne  respectent pas le quota  fixé  et que 60% se faisant hors OPEP, avec deux acteurs stratégiques les USA devenus premier producteur mondial en 2019 (pétrole/ gaz de schiste) et la Russie, sans compter les nombreux producteurs nouveaux qui sont entrés sur le marché. En raison du  coronavirus  impactant la croissance mondiale, l’OPEP assiste  impuissante à la baisse vertigineuse du cours du pétrole, baisse plus importante pour le  gaz naturel, chaque pays OPEP et hors OPEP ne voulant pas perdre des parts de marché dans une conjoncture fluctuante et imprévisible.  Qu’en sera t –il de la réunion de L’OPEP prévu  en principe les 5/6 mars 2020, la  Russie  n’étant   pas partie prenante estimant  qu’une réduction dans  la conjoncture pourrait ne pas avoir les effets escomptés sur la demande pétrolière , pour le président  Vladimir Poutine , les cours actuels du pétrole étant acceptables pour le budget de  la Russie, qui  a suffisamment de ressources pour faire face à une plus grande détérioration de l’économie mondiale. Et mauvaise nouvelle pour le cartel : la Chine s’est engagée depuis la mi janvier 2020 dans le cadre de l’accord commercial USA/ Chine, à acheter pour 200 milliards de dollars de produits américains supplémentaires entre 2020/2021, dont une fraction concerne le pétrole et gaz de schiste. 

4.-Qu’en est –il pour l’Algérie où ses  partenaires commerciaux  sont les pays qui subissent l’impact du coronavirus influant  sur  la demande en hydrocarbures qui ont représenté l’essentiel des exportations/importations algériennes en 2019 :  92,80% du volume global des exportations, en s’établissant ainsi à 33,24 mds usd, contre 38,87 mds usd, en 2018, enregistrant un recul de 14,48%, les exportations hors hydrocarbures,   2,58 mds usd, mais étant composées des demi-produits, avec 1,95 md usd  donnant au total avec les dérivées 98% des recettes en devises provenant des hydrocarbures. En 2019, selon les statistiques  douanières, les cinq premiers clients du pays ont représenté 50,85% des exportations algériennes. La France, maintient sa place de principal client du pays avec 5,05 mds usd d’exportations algériennes, (14,11% du montant global des exportations)), suivie de l’Italie avec 4,62 mds usd (12,90%), l’Espagne avec 3,99 mds usd (11,15%), la Grande Bretagne avec 2,29 md usd (6,42%) et la Turquie avec 2,24 mds usd (6,27%). En ce qui concerne les principaux fournisseurs de l’Algérie, les cinq premiers ont représenté 50,33% qui sont  la Chine,  avec 7,65 mds usd , suivie de la France avec 4,27 mds usd (10,20%), de l’Italie avec 3,41 mds usd (8,13%), de l’Espagne avec 2,93 mds usd (6,99%) et de l’Allemagne avec 2,83 mds usd (6,76%).  Donc l’Algérie, avec  plus de 44 millions d’habitants au 01/01/2020, exportant essentiellement les hydrocarbures fonction de la croissance mondiale,   devra être donc attentive à l’évolution du cours du pétrole et du gaz n’exportant presque rien hors hydrocarbures.  Or les exportations de gaz   représentent 33% des  recettes de Sonatrach , 24% GNL et 76% GN via Transmed  via Italie et Medgaz  via Espagne, l’Algérie  dépendant principalement du marché européen,  étant presque une impossibilité de pénétrer le marché de l’Asie au  vu de la problématiques des  couts  y compris le transport et donc   de la rentabilité des complexes . Avec un baril d’une moyenne de 52/55 dollars, les recettes de Sonatrach en 2020 , remettant en cause toutes les prévisions, fluctueront entre 25/28 milliards de dollars, devant retirer 25% des couts restant  moins de  20 milliards de dollars alors que  dépendant à 98% des hydrocarbures avec les dérivées, les  importations incompressibles de biens  ( 40/42 milliards de dollars)  et services( 9/10 milliards de dollars/an)  en 2020 dépasseront 50 milliards de dollars, accélérant l’épuisement des réserves de changeCar, outre le bas prix, mauvaise nouvelle pour l’Algérie la demande européenne principal client pour la gaz a baissé substantiellement face tant à l’épidémie qu’à une concurrence acerbe, Transmed et Medgaz fonctionnant en sous capacités. Mais cela n’est pas propre à l’Algérie puisque selon le site spécialisé dans l’énergie, interfax-energy, les flux de gaz canalisé de l’Afrique du Nord vers l’Europe ont diminué depuis le début 2020 de 19,4% sur une base hebdomadaire et de 41,7% sur une base annuelle pour  atteindre 412,82 millions de mètres cubes (MMcm). 

En résumé, sans verser dans l’alarmisme  et  la psychose, en plus des questions sécuritaires aux frontières, l’épidémie du   coronavirus impactant fortement   l’économie algérienne,  mais également les impacts sociaux, explique la  réunion d’urgence du conseil de sécurité présidé  par le Président  de  la république le 01 mars 2020l. Devant   éviter de naviguer à vue, avoir une vision stratégique,  pour atténuer les chocs, l’économie algérienne selon le FMI pour les lois de finances 2019/2020  fonctionnant  entre 95/100 dollars le baril, implique une nouvelle gouvernance, une nouvelle politique économique et une lutte contre la corruption, passant par la refondation de l’Etat.

NB-Débat au Sénat français le 27/02/2020 sur les questions économiques et géostratégiques  l’impact du  coronavirus sur l’économie mondiale 

Le professeur Abderrahmane Mebtoul   expert international a été invité par le professeur Emile  Malet, un grand ami  de l’Algérie,  Président du Forum mondial du développement durable, ambassadeur français itinérant au Tchad, directeur de la revue internationale « passages »,  dont il est  membre du conseil scientifique, au Sénat  français le 27 février 2020 de 20h à 22h30, pour un diner/débat animé par le docteur Nokolaus Meyer –Landrut,  ambassadeur d’Allemagne en France  en présence de 80 personnalités. Les questions du Professeur Abderrahmane  Mebtoul  ont  porté sur quatre axes : -l’impact des tensions commerciales entre les USA  et la Chine sur la croissance  de  l‘économie mondiale, -l’impact du coronavirus : en raison du poids de Chine, sur l’Allemagne  et sur la  décroissance de  l’économie mondiale, -comment l’Allemagne entrevoit l’impact du Brexit anglais sur  la dynamique européenne, - l’Allemagne qui a porté par le passé  ses relations  avec les pays de l’Est  semble récemment s’intéresser au Maghreb et à l’Afrique ayant   été co-partenaire avec  la France lors de la dernière réunion à Marseille en juin 2019 sur les 5+5 de la société civile, dont l’Algérie a eu l’honneur en ma personne de présider l’important dossier de la transition énergétique. Comment l’Allemagne entrevoie  la coopération au niveau du bassin méditerranéen pour un faire un lac de paix de  prospérité partagé,  un pont entre l’Europe et l’Afrique, notamment sa participation face aux  tensions géostratégiques sécuritaires  au niveau de cette région,  comme son initiative  récente à Berlin, pour la résolution de la crise libyenne.  Un  large débat s’en est suivi ayant  abordé bon nombre de questions économiques, politiques et sécuritaires  de l’heure intéressant à plus d’un titre l’Algérie.

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