Certains faits et gestes renseignent parfois plus que des ouvrages sur la mentalité d'une époque et prennent même, avec le temps, une dimension tragi-comique.
En mars 1968, un journaliste du bureau de l'APS (Algérie Presse Service) de Tlemcen, a interviewé pendant deux longues heures, l'écrivain Mohammed Dib qui effectuait une visite privée dans sa ville natale.
L'auteur de la célèbre trilogie "Algérie" a parlé exclusivement de littérature avec le journaliste de l'APS. Il a évoqué ses différents projets, ses romans en chantier. Il a aussi confié son amour pour l'Algérie.
Après plusieurs jours d'attente et ne voyant toujours pas son entretien publié, le journaliste appela sa rédaction générale, à Alger, pour s'enquérir du sort réservé à son texte.
Mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'il s'entendit rétorquer que l'interview qu'il avait réalisée "ne sera jamais publiée car Mohammed Dib avait la nationalité française!".
Que faut-il penser après-coup de cette anecdote lorsqu'on apprend aujourd'hui que des cadres ayant exercé, ces dernières années, des responsabilités à Alger, étaient soit des bi-nationaux soit ont acquis, par la suite, une nationalité étrangère ?
Et surtout qu'a dû penser Mohammed Dib lui-même lorsqu'il a su que son interview où il déclarait son amour pour l'Algérie, a été censurée parce qu'il "était de nationalité française" ?interview