1.-Selon la majorité des institutions internationales, ( avril 2020), l’AIE, la Banque mondiale, l'OCDE et le FMI, le cours moyen du pétrole, dans une hypothèse optimiste d’une relance timide de la croissance mondiale (prévision croissance négative moins 5%, la Chine entre ½% ), le second semestre 2020, fluctuerait entre 30/35 dollars et moins en cas de persistance de l’épidémie (moins 8%) avec des ondes de choc négatives pour l’année 2021. Le cours du pétrole a été coté en clôture le 02 mai 2020, date de l’application de l’accord de réduction de 9,7 millions de barils/jour décidée par les pays Opep ( environ 40% seulement de la production commercialisée mondiale) et non Opep, à 26,27 dollars le Brent ( 23,90 euros), le Wit 19,41 dollars (17,60 euros), et le gaz naturel sur le marché libre flutant entre 1,52 et 1,97 dollar le MBTU. Le résultat est mitigé du fait d’une décroissance de l’économie mondiale, d’un stockage sans précédent (USA- Chine, Inde, Europe, voir nos interviews le 23/04/2020 à France 24 et à American Herald Tribune USA) qui a un coût croissant, et d’une demande mondiale en baisse entre 40/50%, certaines estimations donnant plus de 30 millions de barils jour d’excédent. Pour l’Algérie, la baisse d’un dollar des hydrocarbures lui fait perdre en moyenne annuelle entre 450/600 millions de dollars, qui a été conjuguée avec la baisse en volume des énergies primaires exportables entre 2005/2019, à dominance de pétrole et gaz brut et semi brut. Dès lors, l’économie algérienne avec des recettes en devises provenant des hydrocarbures, subit de plein fouet cette crise.
2.-. A 66 dollars, moyenne annuelle, les recettes brutes de Sonatrach ont été de 34 milliards de dollars. Selon la majorité des analystes internationaux, à 40 dollars le baril, moyenne annuelle, pour 2020, hypothèse la plus optimiste, le chiffre d’affaire serait de 20 milliards de dollars. A 30 dollars le baril, hypothèse médiane, le chiffre d’affaire serait de 15 milliards de dollars. Et dans une hypothèse pessimiste, à 25 dollars le chiffre d’affaire, de Sonatrach serait de près de 13 milliards de dollars et à 20 dollars le chiffre d’affaire serait de 10 milliards de dollars, plus de 70/80% des gisements dont les amortissements non arrivés à terme, ne seront plus rentables à l'instar de certains pays pétroliers comme le Nigeria, l'Angola ou les gisements de schistes américains. Pour tous ces scénarios il faudrait soustraire la baisse du quota entre 240.000/145.000 barils jour suivant les trois phases de réduction), 20/ 25% de charges et la part des associés, pour avoir le profit net. Mais n’oublions pas le gaz naturel qui en 2019 représente en valeur 33% des recettes de Sonatrach dont le prix sur le marché mondial a chuté de plus de 50% en référence à 2008/2009. En volume physique, la structure des exportations représente en moyenne entre 2018/2019 pétrole brut 36,0%, le gaz naturel 46,9% ( en volume 17/18% pour le GNL, 25% en valeur ) le condensat 6,3%, le GPL 10,8% et en valeur 33% gaz et 67% pétrole et dérivées. C’est dans ce cadre que la banque mondiale dans son rapport d’avril 2020, de suivi de la situation économique de l’Algérie estime qu’à 30 dollars le baril de pétrole en 2020, les recettes ne dépasseront pas 21 milliards de dollars. Cela impactera les recettes d’exportation (-51%) avec un déficit commercial de 18,2% du PIB et une détérioration du déficit du compte courant qui atteindrait le niveau record de 18,8% du PIB en 2020, malgré les mesures prises pour limiter les importations . Le risque pour la banque mondiale est que les réserves seraient ramenées à 24,2 milliards de dollars, soit environ 6,1 mois d’importations à fin 2020, les réserves pourraient s’épuiser en 2021 et des engagements hors bilan sont imminents avec la dette qui pourrait augmenter à 56,2% du PIB en 2020, puis à 67,1% du PIB en 2021, pour atteindre 75,7% du PIB en 2022.
3.- L’ensemble de ces données ont un impact macro-économique et macro- social dont je recense six impacts sur la société algérienne de la baisse des recettes des hydrocarbures. Premièrement : sur le niveau des réserves de change qui étaient de 194 milliards de dollars fin 2013 et qui risquent d’être inférieures à 45/50 milliards de dollars fin 2020. Deuxièmement : sur le niveau de la balance des paiements, document de référence au lieu de la balance commerciale , incluant les sorties de devises des services avec un accroissement du déficit budgétaire que l’on peut combler artificiellement par une dépréciation du dinar en référence au dollar et à l’euro ( gonflé en dinars pour la fiscalité pétrolière et les importations de biens, pour ce dernier supporté en final par le consommateur. Troisièmement : sur la valeur du dinar corrélée à 70% aux réserves de change via les hydrocarbures, voilant l'importance réelle du déficit budgétaire . Avec des réserves de change de 10/20 milliards de dollars le cours officiel du dinar algérien dépasserait 200 dinars un euro, en cas d’une non dynamisation des sections hors rente, la valeur d ‘une monnaie reposant avant tout sur la production et la productivité. Quatrièmement : nous aurons un impact sur le rythme de la dépense publique qui détermine fondamentalement le taux de croissance avec les effets indirects à 80% important 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%. Environ 83% de la superficie économique est constituée de petits services/commerce, et le secteur industriel pesant moins de 6% du PIB). Cinquièmement : sur le niveau d’inflation qui est actuellement compressé par les subventions, la cohésion sociale étant assurée par les transferts sociaux, mais intenable dans le temps sans le retour à la croissance. Sixièmement : l’impact sur le niveau de création d’emplois pouvant conduire à d’importantes tensions sociales, voire politiques ayant privilégié jusqu’à présent non les emplois productifs et mais les emplois rente,avec la pléthore dans les administrations, les sureffectifs dans les entreprises publiques et les emplois temporaires en partie improductifs comme faire et refaire des trottoirs. Car, le taux d’emploi étant fonction du taux de croissance et des structures de productivité , devant s’attendre à un accroissement du taux de chômage ( plus de 15% en 2021 selon le FMI) , en tenant compte que sur plus de 12 millions de la population active en avril 2020, plus de 40% de l’emploi est dans la sphère informelle souvent sans protection sociale, devant créer plus de 300.000 emplois par an qui s ‘ajoute au taux de chômage actuel nécessitant annuellement sur au moins cinq années un taux de croissance de 8/9%.
4.-La crise mondiale actuelle n'est pas la seule explication de la léthargie de l’appareil productif algérien, 07% de croissance du PB en 2019, selon le FMI, 0,8% selon le gouvernement , avec une prévision négative moins de 5% pour 2020, selon le FMI, le secteur industriel représentant moins de 6% du PIB avec la dominance du commerce-services –administration peu performants. Pour sa part, les prévisions de la banque mondiale dans son dernier rapport, tablent sur une contraction de 3% du PIB en 2020 suite à la chute des investissements publics, qui représentent 44% de la totalité des investissements, les efforts visant à stimuler l’investissement privé, comme l’abrogation de la règle 51/49 pour les secteurs non stratégiques, étant entravés par des incertitudes nationales et mondiales De ce fait le taux de chômage devrait s’accroitre en raison de la cessation d’activité de plusieurs entreprises, notamment dans le secteur du BTPH et la rupture des approvisionnements en provenance de Chine et d’Europe en raison de l’épidémie de Covid-19, qui représentent plus de 80 % des importations algériennes, pourrait entraîner une hausse les prix des importations, notamment dans le domaine céréalier dont l’Algérie est un grand importateur au niveau mondial Concernant l’intégration de la sphère informelle au sein de la sphère réelle, connaissant bien le dossier, ayant j’ai eu à diriger l pour le 4ème Think Tank mondial l’Institut des relations internationales IFRI,-Paris, décembre 2013, c’est un dossier complexe, devant distinguer la partie dinars de la partie devises l’étranger devant méditer l’expérience des mesures passées qui ont été un véritable échec selon l’avis de la majorité des experts financiers, dont certains oligarques rentiers en ont profité ayant joué sur la distorsion des taux d’intérêt banques faible /Trésor ,plus élevé, puisant non dans leurs fonds mais dans celui des banques publiques, n’ayant pas réussi à intégrer le capital argent de la sphère informelle. En période de crise et c’est une loi universelle applicable à tous les pays, cette sphère s’étendant et son intégration dépend fondamentalement du retour à la confiance et d’une nouvelle régulation d’ensemble tant de la société que de la politique socio-économique.
En résumé, les raisons de la faiblesse de l’appareil productif sont essentiellement dues au manque de vision stratégique, de visibilité dans la démarche de la politique économique à travers, le mauvais choix dans l’allocation des ressources. Pour preuve les entrée de devises ont été entre 2000/fin 2018 de plus de 1000 milliards de dollars, une importation de 935 milliards de dollars de biens et services pour avoir un taux de croissance dérisoire entre 2/3% : mauvaise gestion, corruption ou les deux à la fois. Nous avons également l’instabilité juridique perpétuelle couplé au système bureaucratique local et central sclérosant qui freine les énergies créatrices, de l’’inadaptation des différentes structures du Ministère des finances (banques, domaine, fiscalité, douane,) lieu de distribution de la rente) et enjeu énorme du pouvoir et du système socio-éducatif à l’évolution du monde, sans oublier l’épineux problème du foncier. En résumé l’Algérie a les potentialités de sortie de crise sous réserve de changer la trajectoire économique pour une véritable transition économique et énergétique dans le cadre des valeurs internationales supposant une refonte de l’Etat sur la base d’une gouvernance renouvelée avec le primat du savoir sur les relations de clientèles.