L'échec retentissant au Congrès d'un texte de loi sur les armes représente un coup dur pour Barack Obama, qui avait mis tout son poids dans la balance après le massacre de Newtown, et jette un doute sur sa capacité à concrétiser les ambitions de son second mandat.
Avec ce revers, cinq mois seulement après sa réélection, le bilan législatif du président reste squelettique, à part un accord arraché de haute lutte début janvier sur une hausse des impôts des plus riches, mais assombri depuis par une cure d'austérité forcée.
«A chaque fois qu'il échoue, (M. Obama) perd de son poids politique avec les membres du Congrès et le public. Et pourtant, il lui faut obtenir des succès législatifs lors de son second mandat», remarque Kareem Crayton, professeur de sciences politiques à l'université de Caroline du Nord.
Dans une rare démonstration de colère, le président a qualifié mercredi le rejet par le Sénat - où ses alliés démocrates sont pourtant majoritaires - d'une réforme de l'encadrement des armes à feu de «jour de honte pour Washington», et mis en cause «le lobby des armes et ses alliés».
M. Obama et son administration, depuis que 26 personnes dont 20 jeunes enfants ont été tuées dans l'école Sandy Hook de Newtown dans le Connecticut (nord-est) par un assaillant armé à la mi-décembre, s'étaient engagés avec ferveur pour une remise à plat de la réglementation.
Le président a assuré qu'il ne s'arrêterait pas là. «Pour moi, c'est seulement le premier round», a-t-il affirmé mercredi, tandis que son porte-parole Josh Earnest promettait jeudi que M. Obama allait «continuer à mobiliser» les Américains dans ce dossier, où selon lui «il a l'opinion publique avec lui».
Mais ce vote semble avoir confirmé l'idée, enracinée depuis une vingtaine d'années au Congrès, que réformer les lois sur les armes à feu représente un exercice à haut risque, vu notamment la puissance du lobby des marchands d'armes.
Objectif 2016 pour les républicains
Le texte, réduit comme peau de chagrin par rapport aux réformes souhaitées par M. Obama dans la foulée de Newtown, était considéré comme ayant les meilleures chances d'être adopté. Si le chef des sénateurs démocrates Harry Reid a promis de revenir à la charge, l'épisode de mercredi pourrait avoir refroidi les ardeurs de certains élus inquiets pour leur réélection.
«Si les sénateurs ont peur d'un retour de bâton des électeurs, ils pourraient être moins enclins à soutenir les propositions du président au deuxième ou troisième essai», explique M. Crayton à l'AFP, alors que se profilent déjà les législatives de la mi-mandat, fin 2014.
Vu la rapidité des cycles électoraux et la lenteur du processus législatif, le temps va commencer à presser pour les priorités du second mandat énoncées par M. Obama: la réforme de l'immigration, la lutte contre le réchauffement climatique et une revitalisation de la classe moyenne par un programme d'infrastructures et d'incitations fiscales.
«L'immigration semble toujours être sur les rails, d'abord en raison de la fragilité électorale des républicains», qui ont commencé à évoluer sur une telle réforme après avoir subi en novembre dernier une désaffection massive des minorités dans les urnes, note Thomas Mann, expert à l'institut Brookings.
En revanche selon lui, «des progrès sur le front économique et du budget restent incertains», alors que les escarmouches au Congrès depuis qu'une majorité républicaine s'est installée à la Chambre début 2011 ont conduit les Etats-Unis au bord de la paralysie institutionnelle.
«Les républicains ont des raisons de coopérer, mais cela pourrait être tempéré par leur refus d'aider Obama à construire son bilan» de huit années au pouvoir, résume pour sa part M. Crayton. «Beaucoup de républicains ont les yeux rivés sur la fin de cette administration» et pourraient décider d'attendre la campagne présidentielle de 2016, selon lui. (Afp)