La contestation par l'opposition des résultats de la présidentielle du 14 avril au Venezuela, qui a vu Nicolas Maduro l'emporter d'une courte tête, a placé le pays au bord d'une crise politique.
Elle met face à face un pouvoir qui continue de radicaliser son discours et une opposition déterminée à épuiser tous les recours possibles pour fragiliser la position du successeur de Hugo Chavez.
Que cache l'agressivité du discours de Nicolas Maduro?
Contesté par l'opposition, l'héritier politique du charismatique Hugo Chavez (1999-2013) a rompu avec son image de modéré en conservant un discours offensif à l'égard de ses adversaires et de certains pays étrangers comme les Etats-Unis. Chaque jour, il gratifie ses opposants d'invectives et d'accusations de tentative de déstabilisation du pays.
"La radicalisation (de Maduro) est une réaction à un environnement rendu hostile par le très faible écart (1,49% des voix) par lequel il l'a emporté et par les protestations de l'opposition, explique à l'AFP Luis Vicente Leon, politologue et président de l'institut Datanalisis.
Le sociologue Ignacio Avalos estime également que le "quasi match nul technique" aux élections face à l'opposant Henrique Capriles "complique la position de Maduro, qui doit faire en sorte que ses partisans, ses fidèles", continuent de le soutenir.
Il doit en outre éviter les divisions qui pourraient surgir dans le camp présidentiel après le décès le 5 mars de celui qui a régné sans partage sur le parti au pouvoir PSUV (socialiste) pendant 14 années.
Pour M. Leon, Maduro doit faire attention car "il n'a ni la légitimité ni le charisme de Chavez". S'il est difficile de prévoir jusqu'où ira la radicalisation de son discours face à l'opposition et à "l'ennemi venu de l'extérieur", M. Maduro devra surtout faire preuve de pragmatisme pour préserver son autorité dans un pays en proie à une forte inflation, à des pénuries alimentaires et à un tarissement des devises.
"En matière économique, il est obligé de chercher un terrain d'entente et des canaux de communication avec le secteur privé", constate l'analyste John Magdaleno, de l'institut Polity.
"Les négociations vitales pour le gouvernement de Maduro se situeront sur le plan entrepreneurial et non politique", abonde Luis Vicente Leon.
Quelle est la stratégie de l'opposition?
Même si M. Capriles et la Table de l'unité démocratique (MUD, principale coalition de l'opposition) savent que leurs différents recours devant la justice locale et internationale ne déboucheront jamais sur de nouvelles élections, ils devraient mener ce combat jusqu'au bout et tenter ainsi de capitaliser sur cette percée électorale.
Le jeune Capriles est d'ailleurs devenu beaucoup plus agressif contre M. Maduro qu'il ne l'était face à son prédécesseur. "L'opposition profite de ce moment pour tenter de démontrer au monde qu'au Venezuela il n'y a qu'une démocratie de façade", estime M. Leon.
Une analyse partagée par M. Magdaleno, selon lequel la MUD tente d'instiller "un doute raisonnable" dans l'esprit des gens sur les résultats de l'élection, mais selon lui elle doit aussi songer à d'autres formes de contestation.
La prochaine étape pourrait être la convocation d'un référendum révocatoire contre M. Maduro en 2016, lorsqu'il aura effectué la moitié de son mandat.
L'opposition devra pour cela s'appuyer sur les signatures d'au moins 20% des électeurs. De son côté, le sociologue Ignacio Avalos met l'accent sur le risque de divisions au sein de la MUD, une alliance assez hétérogène, en dépit de cette "victoire" électorale. "Chavez était ce qui maintenait l'opposition unie. Maintenant que le chef a disparu, on revient à la politique", assure-t-il.
Existe-t-il un risque de déstabilisation du pays?
Si les violences post-électorales (9 morts selon le gouvernement) et une violente bagarre entre députés de la majorité et de l'opposition le 30 avril ont révélé un climat politique tendu ces dernières semaines, rien ne semble augurer d'une grave détérioration de la situation, notent les observateurs.
"Au Venezuela, il n'y a pas nécessairement un risque d'éruption (politique), mais plutôt d'une augmentation de l'agitation sociale" dont dépendra la capacité du gouvernement à juguler les difficultés économiques actuelles, assure M. Magdaleno.
M. Avalos juge également peu probable un scénario de crise politique violente, car les divisions les plus profondes sont constatées "au sein de la classe moyenne", généralement peu encline à la mobilisation.
Pour M. Leon, l'opposition a déjà donné des gages sur ses intentions modérées, mais il rappelle qu'"on n'est jamais à l'abri d'une situation qui devient hors de contrôle".(Afp)