Selon le Ministre des finances, le fonds de régulation des recettes a joué un rôle primordial en tant qu'outil fondamental pour résorber les chocs financiers d'une part, et financer les investissements publics d'autre part, tout en précisant qu'il ne s'agissait pas d'un fond souverain destiné à l'investissement sur des actifs extérieurs mais que son rôle consistait en le maintien de la stabilité budgétaire et le paiement de la dette, les prélèvements du fonds de régulation des recettes devant atteindre 1.000 milliards de dinars entre 2016 et 2017. De 2000 à 2015 les prélèvements sur ce Fonds ont atteint 17.575 milliards de dinars, soit 90% des excédents du Fonds, dont 14.567 milliards de dinars comme contribution au financement du déficit du trésor (soit 82% des prélèvements) et 2.600 milliards de dinars pour rembourser le principal de la dette publique (soit 15 % des prélèvements) et 608 milliards de dinars pour les payements par anticipation de la banque d'Algérie.
1.-Le contenu de la loi prévisionnelle des finances 2017
Le projet de loi de finances fait une projection sur les trois prochaines années sur la base d’un prix de référence du baril à 50 dollars en 2017, 55 en 2018 et 60 dollars le baril en 2019 avec un cours de la devise nationale de 108 dinars le dollar et une inflation moyenne de 4%. Le taux de croissance serait de 3,9% en 2017, de 3,6% en 2018 et de 4,3% en 2019. Or, selon le rapport Perspectives de l’Économie mondiale présenté, le 4 octobre 2016, présenté par le Fonds monétaire international (FMI), le PIB algérien devrait passer de 3,6 en 2016 à 2,9 en 2017. Mais le plus inquiétant le gaz traditionnel représentant un tiers des recettes de Sonatrach avec une révision de 50% en 2020, selon le FMI a atteint son cours le plus bas en douze ans en raison certes dû à la chute des cours du pétrole, mais également par la vigueur de l’offre russe en gaz naturel et par l’affaiblissement de la demande asiatique. La loi de finances est établie sur la base des prévisions du FMI qui le prévoit pour 2017 à 51 dollars à 50 dollars. Le projet de budget prévoit un montant de 5.635,5 milliards de dinars (mds DA) de recettes, soit une hausse de près de 13% par rapport celles de l'exercice 2016 avec pour la fiscalité ordinaire un montant de 2.845,4 mds et pour la fiscalité pétrolière prévue à 2.200 mds DA. En dépenses, le projet de budget prévoit un montant de 6.883,2 mds DA réparti entre 4.591,8 mds DA pour le volet fonctionnement et 2.291,4 mds DA en crédits de paiements pour le volet équipement. Ainsi, le solde global du Trésor affiche un déficit de 8%, contre un déficit de 15% en 2016 du fait que le cours plancher n’est plus 37 dollars mais 50 dollars. Malgré les contraintes financières pour 2017, 1.630,8 mds DA seront alloués aux transferts sociaux (23,7% du budget de l'année 2017) répartis ainsi. 413,5 mds DA au soutien aux familles, essentiellement à travers la subvention des prix des produits de base (céréales, lait, sucre et huiles alimentaires), 330,2 mds DA au soutien à la santé et 305 mds DA aux programmes nationaux de logement.
2.- Les différentes taxes contenus dans la loi de finance 2017
L’impôt indirect es tune solution de facilité et de surcroit injuste supporté par toutes les catégories sociales, donc injuste. Le signe d’une plus grande citoyenneté est la progressivité de l’impôt direct en étant conscient que d’une forte progressivité de l’impôt ne tenant pas compte de la structure économique et sociale peut tuer l’impôt. Le ministre des Finances a rappelé que le gouvernement compte sur une augmentation des recettes hors hydrocarbures de 11% suite à la hausse de la base fiscale et à l’amélioration du recouvrement, ajoutant que les dépenses publiques seront plafonnées autour de 6800 milliards durant les trois prochaines années. Par ailleurs, il est demandé au gouvernement de s'atteler à la réforme de la fiscalité et des finances locales, pour accompagner les missions nouvelles dévolues aux collectivités locales en matière de promotion de l'investissement et d'accompagnement de l'activité économique. Je recense huit formes de taxes.
Premièrement, le texte propose notamment une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) la portant de 17% à 19% pour le taux normal et de 7% à 9% pour le taux réduit. Une augmentation qui devrait permettre, selon le gouvernement, au Trésor public d’engranger une plus-value fiscale de 110 milliards de dinars.
Deuxièmement, le projet de loi propose par ailleurs, dans son article 28, d’augmenter les tarifs actuels de la taxe sur les produits pétroliers (TPP) de 1 à 3 DA/litre pour le gasoil et l’essence.
Troisièmement, le projet de loi institue une taxe d’efficacité énergétique (TEE) applicable aux produits importés ou fabriqués localement fonctionnant à l’électricité, au gaz et aux produits pétroliers avec l’instauration d’une taxe spécifique intitulée « taxe d’efficacité énergétique». Son taux variera entre 30% et 60% selon la classification. Elle sera applicable aux produits importés ou fabriqués localement, fonctionnant à l’électricité, au gaz et aux produits pétroliers. Cette taxe bénéficiera à hauteur de 90% au budget de l’État. Les 10% restants seront reversés au profit du fond national de maîtrise de l’énergie et pour les énergies renouvelables et de la cogénération, a-t-on appris.
Quatrièmement, il est prévu d’instituer une autre augmentation de la taxe sur les recharges téléphoniques pour la faire passer de 5 à 7%.
Cinquièmement, la taxe intérieure sur la consommation sera étendue et relevée pour certain produits, , la TIC concernant notamment les véhicules de grosses cylindrées, les fruits exotiques, le saumon et le caviar. Dans le même ordre d’idée, la TIC sur les tabacs sera également rehaussée. Elle concernera la partie fixe de la taxe, de près de 100% pour les tabacs blancs et de 60% pour les tabacs bruns. Sixièmement, le gouvernement envisage de mettre en place une taxation des marges sur les opérations de vente et livraison de biens meubles d’occasion. Cela concernera notamment le marché des véhicules d’occasion. Le but est d’organiser ce segment, en réduisant le marché particulier, tout en assurant de nouvelles recettes pour l’État.
Septièmement, la location des habitations individuelles sera soumise à un nouveau taux de 10% d’imposition sur le revenu global (IRG). Dans le même temps, les plus-values sur les cessions d’immeubles bâtis se verront imposées à hauteur de 5% (IRG) libératoire d’impôt. Ce prélèvement pourra néanmoins faire l’objet d’abattements (jusqu’à 100%) selon la durée de conservation du bien.
Huitièmement, il est prévu l’avantage fiscal accordé au profit des sociétés de production de véhicules industriels, à l’importation de parties, accessoires et composant qui font partie des collections destinées aux industries de montage ou celles dites CKD, , avantage, qui serait étendue à l’ensemble des sociétés de production activant dans le domaine de l’assemblage et du montage agréées par le ministère l’Industrie et des Mines. Dans le même ordre d’idée, l’avantage temporaire applicable actuellement depuis le 1er janvier 2015 pour une durée de trois ans, devrait être remplacé par un avantage permanent pour les acteurs du secteur.
3.- Avoir une vision stratégique
Une loi des finances n’est qu’document comptable relevant de la finance publique, retraçant les dépenses et les recettes. D’où l’importance de définir les objectifs stratégiques, et comme instruit par le président de la république d’avoir un langage de la vérité face à une situation financière certes difficile, l’Algérie souffrant avant tout d’une crise de gouvernance. L’Algérie étant une économie rentière où les recettes en devises avec les dérivées représentent 97%, les exportations hors hydrocarbures étant marginales. Mais n’oublions pas que le dérapage du dinar pour ne pas dire dévaluation tant par rapport au dollar gonfle la fiscalité pétrolière (vente en dollars) et par rapport à l’euro la fiscalité ordinaire, les taxes à la douane s’appliquant à un dinar dévalué. Avec un cours de 75 dinars un dollar, et 85 dinars un euro, le déficit du trésor dépasserait 20 milliards de dollars. Comme le fonds de régulation des recettes est épuisé en 2017, tout accroissement des dépenses par rapport aux recettes prévues accroîtra le déficit budgétaire avec un impact inflationniste.
A l’avenir si le cours se maintient entre 45/55 dollars, la généralisation des subventions, injuste par définition, sera intenable financièrement impliquant un ciblage pour les plus démunis et les secteurs que le gouvernement veut encourager transitoirement. Comme sera posé la pérennité des caisses de retraites qui risquent l’implosion. L’austérité devant être partagée, du fait des tensions budgétaires, comme suggéré depuis deux ans, je souhaite que les Ministres, députés/sénateurs, hauts cadres de l’Etat puissent accepter une diminution symbolique de leurs salaires comme acte de solidarité nationale. Il ne faut plus se faire d’illusions, un cours de pétrole entre 80/100 dollars est improbable rendant urgent, pour l’Algérie, si elle veut éviter sa marginalisation, l’émergence d’une économe diversifiée dans le cadre de la mondialisation. Comme je viens de le mettre en relief dans une interview en date du 16 novembre 2016 à la radio publique Chaîne 3, la situation économique actuelle que traverse le pays n’est pas semblable à celle vécue durant les années 80. Il y a une différence notable entre la situation de 86 et celle d’aujourd’hui.
En 1986, l’endettement a commencé et on n’avait pas de réserves de changes. L’Algérie à toutes les potentialités pour s’en sortir et c’est une question de sécurité nationale, certains ministres déconnectés des réalités ayant des discours euphoriques, à condition, d’adopter rapidement une stratégie de passage d’une économie de rente, passant par de profondes réformes structurelles, souffrant actuellement d’une crise de gouvernance et non d’une crise financière. Sans réformes structurelles profondes, supposant un minimum de consensus politique et social et une visibilité et cohérence dans la démarche des réformes, il ne faut pas s’attendre à des miracles loin de cette vision périmée (petites usines de montage de voitures alors que le minimum pour la rentabilité est de 100.000 voitures/an avec une importation massive des inputs, fer, ciment sans cohérence). Plus on diffère les réformes, plus on épuisera les réserves de changes et cette crise de gouvernance risque de se transformer en crise financière, économique et politique avec le risque d’une déstabilisation régionale avec le retour au FMI 2019/2020, ce qu’aucun patriote algérien ne souhaite(1).
(1) Le professeur Abderrahmane MEBTOUL expert international a été l’invité de la radio publique Chaîne 3,le 16 novembre 2016 en direct de 7h45 à 8h30 de Souhila HACHEMI pour un débat sur la loi de finances 2017 et les perspectives de l’économie algérienne- « L’Algérie souffre d’une crise de gouvernance et non d’une crise financière». Vous pouvez écouter l’intégralité https://www.youtube.com/