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Le programme d’action du gouvernement dans la lutte contre la corruption et la mauvaise gestion : nécessité de délimiter les prérogatives des institutions de contrôle

07-09-2021 18:18  Pr Abderrahmane Mebtoul

Le gouvernement dans son programme, met en relief cinq chapitres en 79 pages et quatre pages en annexe  tableaux , principaux  agrégats économiques et sociaux : le chapitre 1 s’intitule  consolidation de l’Etat et de droit et rénovation de la gouvernance ;le chapitre 2, pour une relance  et un renouveau économiques ; le chapitre 3, pour un développement humain  et une politique sociale renforcée ; le chapitre 4, pour une politique étrangère  dynamique et proactive et enfin le chapitre 5, renforcement  de la sécurité et de la défense nationale.  Cette présente contribution s’appesantit sur le chapitre 1,  dans sa section 2.3, une gestion efficace et transparente des finances publiques et  2.4, la prévention  et la lutte contre la corruption. En préconisant  l’adoption d’un mode de règlement à l’amiable garantissant la récupération des biens détournés, sans compter, la moralité, vouloir blanchir des personnes  qui ont volé  les deniers publics propriété de toute la Nation, contraire à un Etat de droit , le  risque est  de créer une névrose collective au niveau  de la population et  selon  la majorité des experts juristes consultés c’est presque une impossibilité pour les capitaux placés dans des paradis fiscaux, en actions ou obligations anonymes  et dans la majorité des cas  mis au nom de tierces personnes souvent de nationalités étrangères. Sans verser dans les  règlements de compte, à ne pas confondre acte de gestion dont la dépénalisation est nécessaire  et corruption, le contrôle, sur le plan politique  passe par la démocratisation de la société  et sur le plan technique la Cour des comptes, consacrée par  la Constitution, devant  jouer non comme rôle de coercition mais de prévention, est l’organe suprême  contre la dilapidation des deniers publics.

1.- Les intentions louables de moralisation de la gestion de la Cité, afin que ce rêve si cher à tous les Algériens, condition  d'un Front national interne solide face tant aux tensions budgétaires, sociales internes, que  géostratégiques à nos frontières s’appliqueront telles sur le terrain ? Transparency International dans son rapport de janvier 2021 note que  la frustration face à la corruption des gouvernements et le manque de confiance dans les institutions témoignent de la nécessité d’une plus grande intégrité politique  devant  s’attaquer de toute urgence au rôle corrupteur des grosses sommes d’argent dans le financement des partis politiques et à l’influence indue qu’elles exercent sur les systèmes politiques. L’ONG relève que « les pays où les réglementations sur le financement des campagnes sont complètes et systématiquement appliquées ont un score moyen de 70 sur l’IPC, alors que les pays où ces réglementations sont soit inexistantes, soit mal appliquées n’obtiennent respectivement qu’une moyenne de 34 et 35 ». Qu’en est-il du classement sur la corruption de l’Algérie ;  2004 : 97e place sur 146 pays ;  2010 : 105ème place sur 178 pays  ; 2015 –88ème sur 168 pays ; 2019- 106ème sur 180 pays, rapport de janvier 2021 pour 2020, 104ème place sur 180 pays avec une note de 36 sur 100.   Selon cette institution, internationale, une note inférieure à 3 signifie l’existence d’un « haut niveau de corruption, entre 3 et 4 un niveau de corruption élevé, et que des affaires saines à même d’induire un développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant surtout les activités spéculatives. Les différents scandales financiers en Algérie, qui touchent certains  secteurs publics et privés, relatés chaque jour par la presse nationale, dépassent souvent l'entendement humain du fait de leur ampleur, encore que tout Etat de droit suppose la présomption d'innocence afin d'éviter les suspicions et les règlements de comptes inutiles.  Il ne faut pas  confondre la corruption,  avec acte de gestion, la dépénalisation de l’acte de gestion que je réclame depuis de longues années,  afin d’ éviter de freiner les énergies créatrices, la définition du manager étant de prendre des risques, pouvant gagner  ou perdre. Le cancer de la corruption, démobilise la société par une méfiance généralisée et accentue le divorce Etat-citoyen.

2.- Si l'on excepte la mauvaise gestion de certaines entreprises publiques qui accaparent une partie importante du financement public, il ne faut jamais oublier l'administration et les services collectifs dont les infrastructures qui également accaparent la mauvaise gestion des services collectifs. S'est-on interrogé une seule fois par des calculs précis le prix de revient des services de la présidence, du chef du Gouvernement, des différents Ministères et des wilayas et APC, de nos ambassades (car que font nos ambassades pour favoriser la mise en œuvre d'affaires profitables aux pays), du coût des différents séminaires, et réceptions et commissions par rapport aux services rendus à la population algérienne ? A ce titre, il convient de se poser la question de l'efficacité des transferts sociaux souvent mal gérés et mal ciblés qui ne s'adressent pas toujours aux plus démunis. Il semble bien qu'à travers  toutes les  lois de finances  l'on ne cerne pas clairement les liens entre les perspectives futures de l'économie algérienne et les mécanismes de redistribution devant assurer la cohésion sociale, donnant l'impression d'une redistribution passive de la rente des hydrocarbures sans vision stratégique, bien qu'existe certaines dispositions encourageant l'entreprise. 

Dans ce cadre, de la faiblesse de la vision stratégique globale, le système algérien tant salarial que celui de la protection sociale est diffus, et  dans la situation actuelle, plus personne ne sait qui paye et qui reçoit, ne connaissant ni le circuit des redistributions entre classes d'âge, entre générations et encore moins bien les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine. C'est  la mauvaise gestion et la corruption  expliquent  que le niveau des dépenses est en contradiction avec les impacts économiques et sociaux. De ce fait le contrôle institutionnel dont la Cour des Comptes, organe suprême du contrôle selon la Constitution dépendante de la présidence de la république , en léthargie depuis de longues années, l’organe de lutte contre la corruption  l’  Inspection Générale des Finances( qui est juge et partie dépendant d’un Ministre), sans parler des contrôles routiniers des services de sécurité, devra  éviter les télescopages  donc une cohérence et coordination.  Mais le contrôle le plus efficace  passe par une plus grande démocratisation, le contrôle populaire, l’APN et le  Sénat devant en principe jouter un rôle de contrepoids par des critiques et propositions productives, ne devant pas servir  d’anti chambre  de l’exécutif. L’efficacité du contrôle passe nécessairement par  une lutte contre ce cancer, la   bureaucratisation. Le bureau comme l'a montré le grand sociologue Max Weber  étant  nécessaire mais devant  être au service de la société.

Le   terrorisme bureaucratique enfante la corruption et la sphère avec une intermédiation financière informelle réduisant la politique financière de l'Etat. Lors d’une conférences de presse, récemment, le président de la  républiques a reconnu lui-même que faute d’un système d’information fiable, il est difficile d’évaluer le montant de la sphère informelle  donnant entre 6000 et 10.000 milliards de dinars  circulant au niveau de cette sphère  soit entre 33 et 47% du PIB.  Dans ce cadre, l'intégration de la sphère informelle selon une vision cohérente, loin  de toute vision bureaucratique autoritaire doit aller de pair avec par une participation plus citoyenne de la société civile et devant  favoriser la légitimité de tout Etat du fait qu'elle permettra à la fois de diminuer le poids de la corruption à travers les réseaux diffus et le paiement des impôts directs qui constituent le signe évident d'une plus grande citoyenneté,  l’ élément fondamental  qui caractérise  le fonctionnement de l'Etat de droit étant  la confiance. On peut émettre l'hypothèse que c'est l'Etat qui est en retard par rapport à la société qui enfante ses propres  règles qui lui permettent de fonctionner. La corruption est également favorisée  par les  produits subventionnés,  la distorsion, de la  cotation du dinar par rapport aux pays voisions,  le trafic aux frontières  lié  à cotation du dinar sur le marché parallèle. La procédure est simple je vous achète 1 euro vous me facturer 1,10 ou 1,20 euros et on partage  et comme  la différence avec le marché parallèle est de 50%, il y a encore une rente au niveau du marché intérieur où souvent le prix final  s’aligne pour les produits importés sur le marché parallèle excepté les produits subventionnés 

3.- Un autre facteur important pour le contrôle, un  système d'information transparent  et fiable est une condition  fondamentale  de tout  contrôle. La  crise mondiale actuelle a bien montré l'urgence de l'intervention des Etats du fait que les mécanismes de marché seuls ne garantissent pas la transparence et le développement. .Or une erreur de politique économique peut se chiffrer en pertes pour la Nation de plusieurs centaines voire des milliards de dollars. Il existe  des liens complexes entre le façonnement des comptes au niveau des entreprises et l'environnement et lorsqu'on invoque la  mauvaise gestion, il y a lieu de bien cerner l'ensemble des causes internes et externes du résultat brut d'exploitation. D'où l'importance d'un système d'information transparent  pour apprécier objectivement  les performances. Car l'expérience montre souvent des amortissements exagérés par rapport aux normes internationales pour des unités comparables, le gonflement de la masse salariale qui éponge la valeur ajoutée l'absence d'organigrammes précis des postes de travail par rapport au processus initial, gonflement démesuré des frais de siège qui constitue un transfert de valeur en dehors de l'entreprise avec prédominance des postes administratifs, comptabilités à prix courants de peu de signification ne tenant pas compte du processus inflationniste.

Et comme au niveau macro-économique la production est production de marchandises par des marchandises nous sommes dans le brouillard pour tester les performances individuelles surtout en absence de comptes de surplus physico-financiers à prix constants qui peuvent aider à suppléer à ces déficiences  comme je l’avais suggéré à la présidence de l’époque  en tant sue haut magistrat premier conseiller et directeur général à .la cour des comptes entre 1980/1983. Aussi s'agit de bien spécifier les facteurs internes à l'entreprise des facteurs externes. Au niveau interne car beaucoup de gestionnaires rejettent la responsabilité sur les contraintes d'environnement en soulignant l'importance des créances impayées, force de travail inadaptée, blocage bancaire, infrastructures (logement - santé, routes) mais oublient d'organiser leurs entreprises. Combien d'entreprises publiques possèdent-elles la comptabilité analytique, les banques des comptabilités répondant aux normes internationales, afin de pouvoir déterminer leur efficience. Combien d'entreprises établissent un budget prévisionnel cohérent- du personnel, des achats, des ventes déterminant les écarts hebdomadaires, mensuels entre les objectifs et les réalisations, ces opérations budgétisées étant la base du plan de financement, sans compter la faiblesse des différents travaux comptables de base.

Sans oublier l’urgence  de  la réforme bancaire, lieu de distribution de la rente, qui doit toucher  la nature du système  et pas seulement la rapidité de l'intermédiation financière par la numérisation  (aspect  purement  technique), qui paradoxalement pourrait faciliter des détournements plus rapidement si l'on ne s'attaque pas à la racine du mal,  l'absence d'observatoires de l'évolution des cours boursiers, de l’évolution du Dollar, du Yen et de l'Euro  a pour effet négatif  des prix à l’achat  exorbitants en devises pour ne pas  parler de surfacturations, gonflant  la rubrique achat de matières premières  du compte d'exploitation où bon nombre de produits comme le blé, le rond à béton ect…qui  sont cotés journellement à la bourse ayant  des incidences sur le niveau des réserves de change.  Les mécanismes de contrôle en économie de marché doivent définir la nature du rôle de l'Etat pour favoriser le contrôle. Or, la dilution des responsabilités à travers la mise en place de différentes commissions témoignent de l'impasse du contrôle institutionnel en dehors d'un cadre cohérent, où les règlements de comptes peuvent prendre le dessus. Qui est propriétaire ? Car pour pouvoir sanctionner une entité, il faut qu'elle ait été responsable. Peut- on sanctionner un directeur général qui a subi une injonction externe. Un directeur général d'entreprise publique est-il propriétaire dans le sens économique large- véritable pouvoir de décision-de son entreprise ? Qui est propriétaire de l'ensemble de ces unités économiques et de certains segments des services collectifs se livrant à des opérations marchandes ? C'est toute la problématique du passage de l'Etat propriétaire gestionnaire à l'Etat Régulateur ou stratège que n'ont résolu jusqu'à présent à travers les différentes organisations de 1965 à 2021, grandes société nationales 1965/1979- leurs restructurations de 1980/1987,  les fonds de participations vers les années 1990, les  holdings 1995/1999, puis  entre 2000/2020  les sociétés de participation de l'Etat SGP et récemment au  retour à la tutelle ministérielle. 

En résumé, la lutte contre la corruption passe par une coordination  sans faille des institutions de contrôle, relevant de plusieurs  centres de décision, devant être reliés aux réseaux internationaux,  évitant télescopages qui se neutralisent. Il s’agit de s’attaquer  à son essence c'est-à-dire  le fonctionnement de la société et à la gouvernance renvoyant  à d’importants enjeux tant internes ( la corruption),   que géostratégiques notamment le trafic sous différentes formes. Comme l’a mis en relief l’économiste de renommée mondiale, John Maynard Keynes, il vaut mieux que l'homme exerce son despotisme sur son compte en banque personnel que sur ses concitoyens.   Comme je le rappelais dans une interview donnée au grand quotidien financier, les Echos -Paris " le 07 aout 2008, le terrorisme bureaucratique et la corruption sont les obstacles principaux au frein à l'investissement porteur en Algérie. La lutte contre la mauvaise gestion et la corruption renvoie à la question de la bonne gouvernance et de la rationalisation de l'Etat dans ses choix en tant qu'identité de la représentation collective. 

ademmebtoul@gmail.com

Abderrahmane Mebtoul- docteur d’Etat en gestion  (1974) Expert-comptable de l’institut  supérieur de gestion de Lille France -  membre de conseils scientifique et  organisations internationales –auteur de 20 ouvrages et de 700 contributions nationales/internationales ,  Professeur   des Universités, expert international- haut magistrat (Premier conseiller) et directeur général des études économiques à la Cour des Comptes 1980/1983



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