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Le Ministère de la Défense Nationale : normalité ou anormalité ?

01-01-2020 19:32  Contribution

Dès le décès le 23 décembre 2019 du Général de Corps d’Armée Ahmed Gaid Salah Vice-ministre de la Défense Nationale, Chef d’Etat-Major de  l’Armée Nationale Populaire, Allah Yarhmou, Monsieur le Président de la République a nommé, en sa qualité de Chef suprême des Forces Armées de la République, conformément aux dispositions de l’article 91/1er tiret de la Constitution, le Général-Major CHENGRIHA Said, Commandant des Forces Terrestres, dans les fonctions de Chef d’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire, par intérim.

Au-delà de l’erreur commise dans la rédaction du communiqué de la Présidence de la République, la faute sans nul doute à l’usage du « copier-coller », qui a attribué la charge de Ministre de la Défense Nationale à Monsieur le Président de la République, alors que le gouvernement n’a pas été encore constitué et que ce porte feuille ministériel n’a pas été attribué ; cette nomination d’intérim devrait asseoir,  à mon humble avis, une normalité au sein du ministère de la défense nationale. Et, il appartient à Monsieur le Président de la République, et à lui seul, en sa qualité de Chef suprême des Forces Armées de la République de décider de désigner :

1- un ministre ou un ministre délégué ou sous une toute autre appellation et de choisir pour cette fonction une personnalité civile ou un ex-militaire, officier-Général ou officier supérieur. Cette personne devrait avoir un fort caractère pour pouvoir gérer et administrer avec compétence et autorité, les différentes composantes du ministère de la défense nationale.

2- un  Chef d’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire  qui aura pour mission de veiller à la préparation et à l’emploi des Forces armées ainsi qu’à l’articulation de leur organisation et à leur soutien en matière  logistique.

La capacité optimale d’utilisation et la montée en puissance des différentes unités et autres formations militaires opérationnelles et de leur soutien multiforme devant être la seule mission du Chef d’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire. 

Ce faisant, Monsieur le Président de la République entérinera définitivement la séparation de la fonction administrative et réglementaire de gestion de l’administration militaire, confiée à un ministre de la défense nationale ou un ministre délégué ; de la mission d’emploi et de soutien des unités opérationnelles relevant des forces armées, confiée au Chef d’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire. 

1- Le deuxième tiret de l’article 91 de la Constitution a trait à la fonction politique de défense nationale englobant l’ensemble des départements ministériels et autres  administrations, y compris le ministère de la défense nationale et l’Etat-Major de l’ANP. 

2- Le deuxième tiret de l’article 91 de la Constitution a trait à la fonction politique de défense nationale englobant l’ensemble des départements ministériels et autres  administrations, y compris le ministère de la défense nationale et l’Etat-Major de l’ANP

De même, la mission du Chef d’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire devrait être délimitée dans le temps, soit un mandat unique de quatre (4) ou  (5) ans. A l’expiration de ce mandat unique, Monsieur le Président de la République désignera un autre Chef d’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire. Ce qui va permettre d’instaurer une alternance, dans la continuité, de la mission à  la tête de l’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire, et de mettre un terme définitif à l’accaparement de cette fonction par une seule personne durant dix (10) années et plus.

En outre, le Chef d’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire ne doit jouer aucun rôle protocolaire et ses visites aux différentes unités et autres formations militaires implantées sur le territoire national ne devraient aucunement être médiatisées.

Ses apparitions protocolaires devraient se limiter en cas de visite officielle en Algérie d’un homologue étranger ou lorsque ce dernier fait partie de la délégation d’un Chef d’Etat ou d’un ministre de la défense d’un autre Etat, en visite officielle dans notre pays.

Il va sans dire qu’à la fin de son mandat, le désormais ex- Chef d’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire peut être désigné, à la discrétion de Monsieur le Président de la République, en qualité d’Ambassadeur, de Conseiller ou toute autre fonction. Comme,  il peut jouir, en toute quiétude, de ses droits à une retraite bien méritée. 

 Cette notion de mandat unique devrait être élargie aux Commandants des Régions Militaires, des Forces ainsi qu’aux chefs de départements et directeurs centraux. Cela va permettre un rajeunissement de la hiérarchie militaire et créera une véritable et saine émulation dans la haute hiérarchie militaire où la compétence, l’expertise et le sens de l’organisation et de la discipline seront les seuls critères objectifs pour occuper ces hautes fonctions au sein de l’Armée Nationale Populaire.

De plus, et pour respecter le principe de précaution, voire pour un objectif stratégique de défense de l’intégrité du territoire national, le siège de l’Etat-Major de l’ANP ne doit pas être le même que celui de l’administration militaire (ministère de la défense nationale).

Pour ce faire, le siège de l’Etat-Major de l’ANP doit être distinct. Et, le site réalisé à la sortie de la ville de Douéra qui était destiné au regroupement des différents services relevant de l’ex- Département du Renseignement et de la Sécurité, a été achevé et est inoccupé depuis plus de deux (2) années.

L’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire peut aisément s’y installer. Il appartient à Monsieur le Président de la République, Chef suprême des Forces Armées de la République, de décider.

 Reste, à mon avis, un autre problème de taille que Monsieur le Président de la République  devrait impérativement régler, eu égard aux principes de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance dans un Etat démocratique et républicain.

En effet, les services militaires de sécurité et de renseignement ((espionnage, contre espionnage, lutte contre le terrorisme, recherche et  recueil renseignements intéressant les différents départements ministériels, y compris le MDN, et les institutions publiques ainsi que les entreprises publiques et privées) ont été mis le 5 avril 2019 sous la tutelle du Ministère de la Défense Nationale, après la démission du Président de la République déchu.

 Or, ces différents services, dont les Directions Générales de la Sécurité Intérieure (DGSI) et de la Sécurité Extérieure(DGSE), qui étaient auparavant rattachés à la Présidence de la République et conformément au principe de l’Etat de droit auquel aspire le peuple algérien, devraient être rattachés, de nouveau, à la Présidence de la République et/ou au Premier ministre.

S’agissant de l’institution militaire, elle dispose de ses propres structures compétentes en matière de sécurité de l’armée et de renseignement militaire. Et, les attributions constitutionnelles de l’ANP se limitent à la sauvegarde de l’indépendance nationale et la défense de la souveraineté nationale. Elle est chargée d’assurer la défense de l’unité et de l’intégrité territoriale  du pays ainsi que la protection de son espace terrestre, de son espace aérien et des différentes zones de son domaine militaire. En somme, elle est chargée, comme il est précisé dans le préambule de la Constitution, qui en fait partie intégrante, de la préservation du pays contre toute menace extérieure et de la lutte contre le terrorisme. L’Armée Nationale Populaire, et en conséquence le Chef d’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire, n’a et ne doit jouer aucun rôle dans le domaine politique.

Enfin, la Direction Centrale de la Sécurité de l’Armée a été, également, rattachée à l’Etat-Major de l’Armée Nationale Populaire. Or, une telle structure de prévention et d’investigation de police judicaire militaire au sein des seules unités et autres formations et structures  militaires devrait mise sous l’autorité du Ministre de la Défense Nationale, pour qu’elle puisse exercer ses missions au sein des différentes structures centrales de l’administration centrale et des composantes de l’Etat-Major de l’ANP, y compris les régions militaires et les commandements de forces.

De plus, le domaine de compétence doit être circoncis aux seules infractions d’ordre militaire prévues par le code de justice militaire ainsi que celles de droit commun commises au sein des unités, formations et autres structurés et établissements relevant de l’armée.

 3-Voir une contribution du même auteur intitulée « Aspect juridique-Services de sécurité rattachés à la présidence de la République et digression », publié au mois d’Avril 2019   par le Quotidien d’Oran et le journal électronique « Algérie 1 ».

Ce sont là, quelques réflexions d’ordre pratique qui pourraient participer à l’instauration de la deuxième République, tant attendue, et corriger les errements et les dépassements constatés en cette matière.

Rien ne vaut une clarification et une définition des missions des uns et des autres avec une délimitation dans le temps, qui ne doit souffrir d’aucune exception. Nul n’est indispensable dans cette terre de liberté et de dignité, l’Algérie a besoin de  ses enfants, hommes et femmes, qui se sacrifient par un exercice excellent, voire parfait, des hautes missions et autres attributions qui leur sont dévolues, dans un temps déterminé et surtout respecté.

Aucune exception de quelque sorte que ce soit, ne doit être tolérée ou accordée pour proroger la durée du mandat.

Veut-on asseoir une réelle  et effective deuxième République ou se complaire dans des arrangements ou autre jeu politique, j’allais dire politicien, qui ne sied nullement à un Etat de droit, basé sur la primauté de la loi, le respect des droits de l’homme et la bonne gouvernance.  

Colonel à la retraite ZERROUK Ahmed

ex-cadre/MDN.



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