La semaine dernière, le ministre de l’Industrie Chérif Rahmani, qui participait au Forum organisé par le cabinet privé Emergy sur la production nationale, en compagnie de Redha Hamiani, président du FCE et Abdelmadjid Sidi Said, patron de l’UGTA, s’est répandu en envolées lyriques sur les vertus du « consommer Algérien », un slogan lancé déjà il y a quelques années avant d’être oublié dans l’euphorie du tout import- import.
« Le gouvernement est décidé de monter au front pour soutenir les entreprises algériennes publiques et privées dans le but de relancer la production nationale », avait-il annoncé avec force. Et pour dire que sa « révolution industrielle » est déjà en marche, Chérif Rahmani a expliqué que « plusieurs actions sont déjà engagées par le gouvernement dans le sens de l'amélioration de la qualité de la production nationale ». En l’occurrence des accords de coopération signés par des entreprises nationales et étrangères dans différents secteurs comme l'industrie mécanique, le textile, la chimie et l'agroalimentaire ».
Tant qu’ à faire, le ministre, qui veut faire de « la relance » du secteur industriel « une cause nationale », aurait pu révéler avec quelles société étrangères sont signés ces accords de partenariat , sachant que la fameuse loi algérienne sur les investissements étrangers, 51/49 reste une des causes qui est à l’origine de la réticence des partenaires étrangers qui y voient une marque de « protectionnisme ». Chérif Rahmani balaie d’une pichenette ce problème, soutenant que "le protectionnisme n'est pas uniquement pratiqué en Algérie, mais les plus grandes économies libérales l'adoptent comme un moyen de patriotisme économique ». Patriotisme économique : « ah la belle affaire ! », comme dirait le monumental Jacques Brel.
Ahmed Ouyahia, aujourd’hui mis au placard avait déjà entonné, lui aussi, ce refrain en juillet 2009 lorsqu’il avait fait adopter par le parlement la fameuse loi de finances complémentaire dont on connait les effets catastrophiques. El le fameux « crédoc » n’était pas des moindres. Abdelmadjid Sidi Said, dont la Centrale est en perte de vitesse devant la montée en puissance des syndicats autonomes qui marquent des points sur le terrain de la revendication, paraissait réjoui d’entendre le ministre de l’industrie parler du patriotisme économique. Façon de lui tendre la perche et de lui permettre de renchérir le thème du soutien de la production nationale "quitte à alourdir la charge fiscale sur certains produits importés et qui peuvent être fabriqués en Algérie".
Dans le sillage de la même thématique, le Premier ministre a réuni jeudi les responsables des Sociétés de gestion des participations de l'Etat (SGP), dont relèvent les entreprises publiques économiques (EPE) pour leur demander en gros d’apprendre à se débrouiller désormais seuls et à ne pas compter sur les apports financiers de l’Etat."L'Algérie continuera à compter sur le secteur public qu'elle maintiendra en force, mais ce secteur ne doit plus faire dans la médiocrité (...), il gagnerait à se conformer rapidement aux orientations du plan (d'action) du gouvernement notamment en matière de création d'emplois et de croissance hors hydrocarbures", a-t-il expliqué.
Pour cela il leur demande « à exploiter tous les moyens possibles pour réaliser la relance du secteur industriel national » Comme piste d’action, il a proposé des partenariats publics-privés ainsi que l’identification et la concrétisation d’opportunités de coopération avec des investisseurs étrangers. Il a ajouté dans le même sens que certaines firmes étrangères, actuellement en difficultés en raison de la crise en Europe, sont prêtes à investir en Algérie. "Vous devez prendre des initiatives conformes aux intérêts économiques du pays et tous les moyens possibles devraient être mis à profit pour relancer le secteur industriel national". Le Premier ministre avait évoqué, lui aussi, dans cette optique, le partenariat avec les sociétés étrangères, expliquant que la conjoncture économique en Europe pourrait être un atout pour les entreprises algériennes.
Si le diagnostic posé jeudi par le Premier ministre est réaliste, la thérapie, en revanche l’est moins. Car ni « le consommer algérien » de Chérif Rahmani, ni l’ordre de Sellal pour les entreprises publiques de se mettre du jour au lendemain aux standards de performances ne sont des objectifs raisonnables. Il est pour le moins irresponsable d’exiger, d’une économie basée à la fois sur les importations tous azimuts et sur le trésor public, de se mettre du jour au lendemain à l’heure de la rentabilité, de la performance, de la compétitivité. C’est impossible. Des experts n’ont eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme. Mais leurs mises en garde ont butté sur l’indifférence des décideurs politiques confortablement adossées à une manne pétrolière qu’ils imaginaient inépuisable. Les sombres perspectives économiques viennent remettre aujourd’hui en cause les certitudes d’un gouvernement pris subitement de panique.