Algérie 1

Icon Collap
...

Le gouvernement face à la grogne sociale : baisse des réserves de change, hausse de l’inflation et détérioration de la cotation du dinar

27-04-2021 12:14  Pr Abderrahmane Mebtoul

Le gouvernement actuel  transitoire , sa marge de manœuvre  étant étroite, un nouveau gouvernement  en principe devant été mis en place fin juin 2021, se trouve face à un dilemme du fait du retard dans les  réformes structurelles et de l’incohérence des politiques  socio-économiques  depuis de longues décennies : augmenter les salaires via la planche à billets ( financement non conventionnel), la théorie néokeynésienne de relance de la demande globale à travers l’émission monétaire, résolvant un problème à court terme mais amplifiant  la crise à moyen terme, étant inappropriée pour l’Algérie qui souffre de rigidités structurelles (léthargie de l’appareil de production) et se trouve en face d’une spirale inflationniste incontrôlable comme au Venezuela. Ne pas les augmenter et se trouver devant l’intensification des revendications sociales la population face aux nombreux scandales financiers exigeant un sacrifice partagé, que l’Etat et les hommes chargés de gérer la Cité donnent l’exemple, pour la nécessaire cohésion sociale. Cela implique un renouveau de la  gouvernance  et  une  analyse objective de l’évolution des réserves de change, de l’inflation et de la cotation du dinar, qui ont un impact direct sur le pouvoir d’achat de la population et des différentes activités économiques doit tenir compte des aspects de structures de l’économie internationale et de l’économie interne de l’Algérie qui après plusieurs décennies d’indépendance politique repose toujours sur la rente des hydrocarbures (98% des recettes en devises avec les dérivées en 2020).

1-  Evolution des réserves de change

2001 : 17,9 milliards de dollars, – 2002 : 23,1 milliards de dollars,  – 2003 : 32,9 milliards de dollar, – 2004 : 43,1 milliards de dollars,  – 2005 : 56,2 milliards de dollars, – 2010 : 162,2 milliards de dollars,  – 2011 : 175,6 milliards de dollars, – 2012 : 190,6 milliards de dollars,  – 2013 : 194,0 milliards de dollars, – 2014 : 178,9 milliards de dollars,  – 2015 : 144,1 milliards de dollars, – 2016 : 114,1 milliards de dollars,  – 2017 : 97,33 milliards de dollars, – 2018 : 79,88 milliards de dollars,  – 2019 : 62 milliards de dollars – Fin 2020, selon la déclaration du Président de la République en date du 1er mars 2021 entre 42/43 milliards de dollars les prévisions de la loi de Finances complémentaire étaient de 44,2 milliards de dollars contre 51,6 prévus dans la loi initiale. Le gouvernement projette dans le PLF-2021, initié par le ministère des Finances non pas une amélioration de la cotation du dinar, mais une amplification de sa dévaluation entre 2021-2023. Pour 2021 en l’occurrence, le PLF prévoit, pour 2022, 149,32 DA pour 1 USD et pour 2023 verrait donc la dévaluation de la monnaie nationale se poursuivre avec 156,72 dinars un dollar. Les réserves de change ont baissé entre 2019/2020 de 20 milliards de dollars devant tenir compte de la balance de paiements et non de la balance commerciale d’une signification limitée. Comme le PLF-2021, les dépenses budgétaires (dépenses de fonctionnement et d’équipement) qui se situent à environ 64,98 milliards de dollars au cours de 128 dinars un dollar au moment de l’établissement de la loi et les recettes fiscales globales (ordinaires et pétrolières) estimées à 41,62 milliards de dollars, nous aurons un déficit budgétaire record de plus de 21,75 milliards de dollars contre à la clôture 2020 de 18,60 milliards de dollars avec un déficit global du trésor de 28,26 milliards de dollars, soit 17,6% du PIB, le solde des réserves de change fin 2021 devrait s’établir à moins de 20 milliards de dollars.  Qu’en sera-t-il en 2022, si le cours du pétrole stagne entre 55/65 dollars et s’il n’y a pas de relance économique, la loi de Finances 2021 pour son équilibre, plus de  100 dollars le baril et selon Bloomberg citant le FMI  dans une note début avril 2021 entre  135/150 dollars le baril ? Le cours du 27 avril 2021 à 12h GMT  est de 65,55dollars  le Brent et 62,38 dollars le Wit, les prévisions internationales donnant une moyenne  pour 2021 entre 60/65 dollars sous réserve d’une relance de l’ économie  mondiale, le prix de cession du gaz sur le marché  libre ayant connu une baisse de 70% étant passé de12 dollars le MBTU entre 2010/2016  et de 1,8-2,0  dollars en 2020  à 2,73 cotation du 27 avril 2021.  Cela influe sur toute l’économie algérienne dont le   niveau des réserves de change 2021/2022 qui dépendra  de plusieurs facteurs,  du niveau de la production du pétrole/gaz qui connait  une baisse en volume physique entre 2010/2020, étant passé pour lé pétrole de 1,2 millions de barils/j à environ 850.000bzariklsjour selon le rapport de l’OPEP d’avril 2021 , de plus de 60 milliards de mètres cubes gazeux entre 2005/2008  à 43  en 2019 et 41  en 2020 (recettes d’environ 24 milliards de dollars) espérant une reprise en 2021  avec des recettes prévisionnelles entre 26/27 milliards de dollars.. Cela influe  taux de croissance réel, du produit intérieur brut (PIB) à prix courants, (plus de 200 milliards de dollars en 2018/2019 à 160 fin 2020) alors que la population est en croissance dépassant les 44 millions, qui a été en 2019 de 0,8%, en 2020 moins 6,5%  avec une prévision de 2,3% en 2021 . Mais un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente, le taux de croissance négatif positif en 2021, rapporté à 2020, moins de 6% donne toujours un taux de croissance faible, en termes réel entre 0 et 1% largement inférieur à la croissance démographique, supposant un taux de croissance de 8/9%  afin d’absorber 350 000/400 3000 emplois par an. On ne peut tout restreindre, quitte à étouffer tout l’appareil productif quitte à aller vers une implosion sociale avec un taux de chômage ayant avoisiné 15% en 2020.

2-  Evolution de la cotation du dinar

Qu’en est-il de l’évolution du cours officiel du dinar corrélé aux réserves de change via les recettes d’hydrocarbures à plus de 70% la période de 2001 à avril  2021 :

– 2001 : 77,26 dinars un dollar et 69,20 dinars un euro – 2005 : 73,36 dinars un dollar et 91,32 dinars un euro – 2010 : 74,31 dinars un dollar et 103,49 dinars un euro – 2015 : 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro – 2016 : 100,46 dinars un dollar et 111,44 dinars un euro – 2017 : 110,96 dinars un dollar et 125,31 dinars un euro – 2018 : 116,62 dinars un dollar et 137,69 dinars un euro – 2019 : 119,36 dinars un dollar et 133,71 dinars un euro – 2020 : 128,31 dinars un dollar et 161,85 dinars un euro avec un cotation sur le marché  parallèle malgré la fermeture des frontières entre 210/2011 dinar sun euro. Selon la BA, après une petite appréciation , le dinar a repris sa dépréciation étant coté officiellement  entre le 23 et 27 avril 2021, de 133,5587 dinars un dollar et 160,9649 dinars un euro. Mais nous avons  ce paradoxe une appréciation du dinar par rapport à l’euro et une dépréciation par rapport au dollar alors que des bourses mondiales, nous avons assisté à l’inverse, une cotation qui est passée de 1,12 dollar un euro, il y a quatre mois et au 27 avril  2021 à 1,2099 dollar un euro. Cette dévaluation qui ne dit pas son nom permet d’augmenter artificiellement la fiscalité hydrocarbures (reconversion des exportation hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés (équipements), matières premières, biens finaux, montant accentué par la taxe à la douane s’appliquant à la valeur dinar, étant supportée en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité.  En cas de baisse drastique des réserves de change à 10/12 milliards de dollars, qui tiennent la cotation du dinar algérien à plus de 70%, la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctue en fonction du taux d’inflation d’environ 300 dinars un euro minimum, surtout en cas d’ouverture des frontières. Il sera difficile de combler l’écart avec le marché parallèle pour la simple raison que l’allocation de devises pour les ménages est dérisoire, la sphère informelle suppléant à la faiblesse de l’offre et par ailleurs bon nombre d’entreprises du fait de la faiblesse de l’allocation devises pour éviter la rupture d’approvisionnement iront au niveau de cette sphère. Ce dérapage du dinar par rapport au dollar et à l’euro accélère la méfiance du citoyen vis-à-vis du dinar, en plus du manque de liquidités, amplifiant la sphère informelle où selon la Banque d’Algérie entre 2019/2020, la masse monétaire circulant en dehors du circuit bancaire, a atteint 6140,7 milliards de dinars ( au cours de fin 2020 près de 48 milliards de dollars) à la fin de l’année 2020, soit une hausse de 12,93% par rapport à 2019, le président de la république en mars 2021 ayant annoncé même 10.000 milliards de dinars  soit au cours actuel d’avril 2021,  75,19 milliards de dollars. Nous assistons à l’accélération  du   processus inflationniste interne où la majorité des produits importés, excepté ceux subventionnés, connaissent depuis décembre 2020 une augmentation variant entre 30/50%, voire 100% pour certains produits comme les pièces détachées de voitures en contradiction avec l’indice officiel de l’ONS non réactualisé depuis 2011, le besoin étant historiquement daté. Le dérapage du dinar contribue ainsi à la baisse des salaires ramenés en devises. Ainsi un salaire net de 50 000 dinars équivaut au cours actuel à 310 euros et le SMIG de 20 000 dinars à 125 euros, montant qu’il faut réduire de 50% si l’on prend le cours du marché parallèle. A ce cours, un professeur d’université en titre, plus de 30 ans de carrière, en fin de carrière, perçoit moins de 800 euros (80% du salaire en retraite) contre plus de 1200 euros sans compter les avantages d’un député  sans proposer aucune loi, avec une retraite à 100%. Dans ce cas, il est utopique de parler d’encourager l’innovation ce qui favorise l’exode des meilleures compétences surtout des jeunes, d’autant plus que l’actuelle politique salariale, qui est totalement à revoir, favorise beaucoup plus les emplois-rente que les emplois productifs.

3-  L’évolution du taux d’inflation

Le niveau d’inflation est fonction de plusieurs facteurs interdépendants -Premièrement, de facteurs externes dont le prix international des produits importés où contrairement à ce qu’affirme le ministre la majorité de pays connaissent non pas une inflation mais une déflation avec des taux d’intérêts presque nuls ;

-Deuxièmement, de la faiblesse de la production et de la productivité interne, de la non-proportionnalité entre les dépenses monétaires et leur impact renvoyant à la corruption via les surfacturations ; -Troisièmement, de la déthésaurisation des ménages qui mettent face à la détérioration de leur pouvoir d’achat des montants importants sur le marché, alimentant l’inflation, plaçant leur capital-argent dans l’immobilier, l’achat d’or ou de devises fortes pour se prémunir contre l’inflation ;
-Quatrièmement, de la dévaluation rampante du dinar comme mis en relief précédemment ;  -Cinquièmement, par la dominance de la sphère informelle produit des dysfonctionnements des appareils de l’Etat où existent des liens dialectiques entre cette sphère et la logique rentière, avec des situations oligopolistiques de rente.
Cette sphère aligne le prix des biens sur la cotation de la devise du marché parallèle, pour les produits importés, contrôlant les segments des fruits/légumes, poissons/viandes, textile/cuir et bon nombre d’autres produits importés qui connaissent un déséquilibre offre/demande. Le taux officiel a été  de 1999 à fin 2020 :– 2000, 2,0%  – 2001, 3,0%  – 2002, 3,0%  – 2003, 3,5%  – 2004, 3,1%  – 2005, 1,9% – 2006, 3,0% – 2007, 3,5%  – 2008, 4,5% – 2009, 5,7%, – 2010, 5,0% – 2011, 4,5%  – 2012, 8,9% (après les augmentations de salaires)
 -2013, 3,9% – 2014, 2,9% – 2015, 4,2% – 2016, 5,9% --2017, 5,6% – 2018, 5,6% – 2019, 5,6%. -2020, 2,4%   -2021 prévision 4,2% selon le gouvernement.   Selon les données officielles, l’inflation cumulée a dépassé les 82% entre 2000/2020 et en redressant les taux de 20%, nous avons une détérioration du pouvoir d’achat durant cette période de 100% avec une  concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière où un fait nouveau, une partie de la classe moyenne commence à disparaître graduellement et à rejoindre la classe pauvre, l’inflation et c’est  une loi universelle jouant comme facteur de concentration au profit des revenus variables et au détriment des revenus fixes. L’action louable au profit des zones d’ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d’achat de la majorité de la société civile informelle silencieuse, la plus nombreuse, atomisée, non encadrée qui risque de basculer dans l’extrémisme, face à des discours de responsables déconnectés de la réalité, des partis politiques traditionnels et une société civile officielle souvent vivant de la rente, inefficience comme intermédiation sociale et politique.  Les tensions sociales, tant qu’il y a la rente, sont atténuées artificiellement grâce aux recettes des hydrocarbures qui permettent des subventions et transferts sociaux représentant 23,7% du budget général de l’Etat et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021, mais mal gérés et mal ciblés, qui ne profitent pas toujours aux plus démunis. Ces tensions sociales sont également atténuées par la crise du logement qui renforce la solidarité familiale (même marmite, mêmes charges), assurant une paix sociale transitoire. L’effet d’anticipation d’une dévaluation rampante du dinar, via la baisse de la rente des hydrocarbures, risque d’avoir un effet négatif  sur toutes les sphères économiques et sociales dont  le taux d’intérêt des banques qui devraient le relever de plusieurs points, l’ajustant aux taux d’inflation réel, freinant à terme le taux d’investissement à valeur ajoutée. 

En conclusion, combien de promesses utopiques de réalisation de différents projets alors que la situation financière est difficile  et où trouver le capital argent  en ces moments de crise mondiale avec l’endettement des Etats le s plus développés ? Il faut éviter les propos déconnectés de la dure réalité de certains responsables qui  doivent avoir un langage  la vérité, rien que la vérité,  les discours populistes, auxquels la population algérienne étant allergique, pouvant conduire à une démobilisation générale des ménages. Ainsi    certains ont déclaré en mars début avril 2021 la maitrise de l’inflation et de la cotation du dinar, une exportation de 1,1 milliard de dollars de produits agricoles (voir les statistique douanières  de 2020 le montant ne dépassant pas  350 millions de dollars). Ces affirmations reprises officiellement par  l’APS ont fait la risée  de toute la population algérienne et de la presse nationale internationale. Certes, on ne peut en une année après une léthargie de plusieurs décennies redresser le bateau Algérie où uniquement pour la période 2000/2019, les recettes en devises ont dépassé les 1000 milliards de dollars avec une sortie de devises en biens et services de plus de 935 milliards de dollars avec un taux de croissance dérisoire qui a fluctué entre 2/3% alors qu’il aurait dû être de 9/10%  avec une sortie de devises de 20 milliards de dollars en 2020 pour  une croissance négative de moins 6%. Mais force également est de constater une incohérence de la politique économique, l’épidémie du coronavirus n’étant pas la seule explication, où la situation socioéconomique est préoccupante avec le retour à l’inflation, la baisse des réserves de change  et l’accroissement du chômage, avec la détérioration du pouvoir d’achat. La stratégie hors hydrocarbures demande du temps, devant raisonner toujours en dynamique. Pour les PMI/PME, le projet est lancé en 2021, sa rentabilité est pour 2024/2025 ; Pour les projets hautement capitalistiques comme le fer de Gara Djebilet, si l’on résout le problème du partenaire et du financement très élevé, n’étant encore qu’en intention avec les chinois, pas avant 2027/2028. Le grand défi, supposant de profondes réformes politiques, sociales, économiques, culturelles pour un changement de mentalités, est mettre en place une économie diversifiée loin des aléas de la rente afin de  freiner la détérioration du pouvoir d’achat des couches les plus vulnérables  La condition sine qua , la sécurité du pays étant posée, est une nouvelle gouvernance.

[email protected]

Références - Conférence du  professeur Abderrahmane Mebtoul au niveau du colloque international organisé par le Ministère  de la défense nationale/IMDEP sur le thème   « Réseaux sociaux au Maghreb et au Moyen-Orient: quel impact sur les transitions politiques dans la région »le   28 janvier 2020 Cercle National de l’Armée, Beni Messous – Alger.  American Herald Tribune du 11 août 2018 (USA) «Dr  Abderrahmane Mebtoul : «Algeria Still Faces Significant Challenges» ,  Africa-Presse Paris 8/9/10 aout2018 sur les défis de l’Algérie 2018/2020/2030 Pr A. Mebtoul  : «Le développement de Algérie implique la réforme du système politique» b-Pr Pr A. Mebtoul  : «Pas de  développement pour l’Algérie sans vison stratégique de la transition à une économie hors hydrocarbures» et  le  19 octobre 2019 dans l’interview à American Herald Tribune Prof. Abderrahmane Mebtoul: “TheWidespread Financial Scandals Affecting most Sectors of National ActivityThreaten the Foundations of the Algerian State



Voir tous les articles de la catégorie "Eclairage éco"