Algérie 1

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Le futur gouvernement face aux turbulences géostratégiques, aux tensions budgétaires et à la préserversation des réserves de change

12-06-2021 17:41  Pr Abderrahmane Mebtoul

Cette présente contribution est une brève synthèse concernant le volet socio-économique, ayant abordé lors des débats le volet géostratégique et celui de la défense/sécurité au niveau de la région méditerranéenne et africaine et la place de l’Algérie, de la conférence donnée le 08 juin 2021 de 10-12H30 à Alger, devant les représentants   des pays de l’Union européenne –ambassadeurs et attachés économiques et politiques qui est le prolongement  de la  conférence donnée  le 19 mars 2019 de 14-16h à l’Ecole supérieure de guerre MDN et le même jour au siège de l’ambassade de 19-20h30 devant les attachés économiques de l’OCDE, ayant été initiée par l’ambassade des Etats Unis d’Amérique, sur le thème l’impact de la baisse des hydrocarbures sur les équilibres macro-économiques et macro- sociaux de l’Algérie, où nos prévisions se sont malheureusement avérées justes. Mais avons-nous été écouté? L’Algérie aura en principe un nouveau gouvernement, après les élections législatives du 12 juin, au plus tard courant juillet 2021 et nombreux sont les défis qui l’attendent et ce dans   une conjoncture de crise mondiale qui touche tous les pays de la planète due à l’épidémie du coronavirus , avec une dette publique mondiale et un taux de chômage sans précédent, depuis la crise de 1929. Mais l’expérience historique montre que l’instauration de la démocratie ne se fait pas d'une baguette magique, les pays occidentaux ayant mis  des siècles et ne pouvant plaquer sur un corps social des schémas d’autres pays devant tenir compte des anthropologies culturelles. 

1.-Une gouvernance mitigée combinée aux impacts de l’épidémie du coronavirus qui a touché toute la planète,  a entrainé,  une dégradation  des indicateurs macro économiques  et macro sociaux. Le taux de croissance du   produit intérieur brut qui détermine le taux d’emploi,  est  en nette diminution, estimée en 2020 à 160 milliards de dollars  et selon le FMI de 153 milliards de dollars pour 2021. Cela s’explique par  la léthargie de l’appareil de production impacté tant par sa structure passée que par  l’épidémie du coronavirus, ( selon le patronat  une perte d’emplois  d’environ 500.000 uniquement dans le BTPH) et le tissu économique  fonctionnant s à peine à 50% de ses capacités.L'avant-projet de loi de finances complémentaire 2021  a prévu  des importations  de biens  à 30,42 milliards de dollars, non inclus  les services (appel à l’assistance étrangère) qui  ont fluctué pour  2010/2019 entre 10/11 milliards de dollars par an. Avec une  coupe de 50%, cela  donnerait une sortie  de devises    de plus de 35 milliards de dollars accroissant les tensions budgétaires et avec 5 milliards de dollars  plus de 40 milliards de dollars si l’on relance les projets gelés et si  l’on exclut l’endettement extérieur. Les prévisions donnent  un déficit budgétaire  record au cours de 130 dinars un dollar, 25,46 milliards de dollars soit 16,0% et 13,6% du PIB.

Quant au déficit du Trésor qui s’aggrave, il est prévu 31,85 milliards de dollars. Nous assistons à une dépréciation accélérée du dinar qui est passé d’environ  à 75/78 dinars un euro entre 2000/2005  et qui en  juin 2021 dépasse 133  dinars un dollar  (5 dinars un dollar vers les  années 1970)  et 162  dinars un euro avec un écart d’environ 50% sur le marché parallèle induisant  une inflation importée, malgré les restrictions des voyages.  Les réserves  de change qui tiennent à 70% la cotation du dinar, sont passées de 194 milliards de dollars fin 2013 ,à 62 fin 2020, 42 fin 2021  et qu’en sera-t-il fin 2021 avec toutes les restrictions qui ont paralysé tout l’appareil de production en 2020 ? Les banques locales  dépassent  45% du total de leurs actifs bancaires avec  une dette publique  par rapport au PIB de 63,3%, contre 53,1% en 2020, et  la dette publique nette totale représentera 60,5%, contre 50,4% en 2020,mais avec une dette extérieure  faible, 3,6% et 5,2% du PIB  en 2021 et 2022, contre 2,3% en 2020.   Sur le plan macro- social, selon le FMI, le taux de chômage incluant la sphère informelle et les emplois rente, devrait atteindre 14,5% en 2021, et 14,9% en 2022, contre 14,2% en 2020, ce taux dépassant les 20/30% pour les catégories  20/30 ans et paradoxalement les diplômés. L’inflation qui sera de longue durée fonction, des réformes structurelles entre 2000/2020 ,selon   données de l’ONS dépasse, cumulée,  90% et sera supérieure en cumulant l’année 2021 de 100% accroîtra la détérioration du pouvoir d’achat et les revendications sociales. 

Pour l’Algérie, le population active  dépasse  12,5 millions sur une population totale résidente, 44,7 millions d’habitants au 1er janvier 2021 avec une sphère informelle  représentant selon le FMI 33% de la superficie économique mais  plus de 50% hors hydrocarbures. Elle  contrôle  une masse monétaire hors banques, selon les informations données par le président de la république, entre 6000 et 10.000 milliards de dinars 30-45% du PIB , différence montrant  l’effritement du système d’information, soit au cours de 130 dinars un dollar entre 46,15  et 76,90 milliards de dollars. Quant  aux  caisses de retraite  selon le  ministère du Travail, en date du 08 avril 2021 le  déficit financier de  la CNR  pourrait atteindre 690 milliards de dinars en 2021, le nombre de retraités dépassant les 3,3 millions, le CNR enregistrant  un taux de cotisation , estimé à 2,2 travailleurs pour chaque retraité alors que  pour  un équilibre , le taux de cotisation devrait  atteindre cinq travailleurs pour un retraité. Encore   que  les transferts sociaux et subventions généralisées, qui représenteront  23,7% du budget général de l’Etat et 9,4% du PIB pour l’exercice 2021 sont intenables dans le temps

2.- L’Algérie dépendra encore pour longtemps des hydrocarbures. Après la dernière réunion de l’OPEP¨+ début juin 2021,  le quota de l’Algérie augmentera légèrement en juillet, de 14.000 barils/jours,  relative à une augmentation de 441.000 barils/jour de leur production le mois juillet 2021.  Cela donnera une recette additionnelle  pour les six mois du  second semestre 2021 au cours de 65 dollars le baril, moyenne annuelle  166.000 dollars, unmontant très modeste. Mais  l’on ne doit pas  oublier selon les rapports de l’OPEP de mai 2021 que la production algérienne de pétrole est passée de 1,2 millions de barils/j entre 2008/2010 à environ 850.000 barils/j  en mai 2021 et que les exportations de   gaz ( GNL et GN à travers les canalisations Transmed via Italie et Medgaz via Espagne est passé d’environ 65 millions de mètres cubes gazeux à 41/42 milliards de mètres cubes gazeux  en 2020  et où le cours sur le marché libre est passé pour la même période de 10/12 dollars le MBTU à 2,5-3,0 dollars le MBTU. Aussi, les recettes totales  en devises ( pas le profit net devant retirer les couts ) d’exportation seront un petit plus élevé que prévu dans la loi de finances complémentaire  2021,  à environ 26/27 milliards de dollars. Et comme la majorité des exportations relèvent de Sonatrach, ce montant est fonction du cours du pétrole s’il se  maintient entre 60/65 dollars et  du gaz  (33% des recettes de Sonatrach). L’on devra tenir compte de la baisse en volume tant du pétrole que du gaz d’environ 20/25% entre 2008/2020. Cette situation impose en urgence la publication des décrets d’application de la nouvelle loi des hydrocarbures qui accusent un retard intolérable, et éventuellement d’autres amendements pour tenir compte de la forte concurrence internationale avec le retour de l’Iran et de la Lybie sur le marché et de la nécessaire transition énergétique. L’Algérie est un producteur marginal, les réserves de pétrole étant d’environ  10 milliards de barils et entre 2000/2500 milliards de mètres cubes gazeux selon les déclarations en 2020 de l’ex Ministre  de l’Energie. Au rythme actuel , l’Algérie ne pourrait plus honorer ses engagements  internationaux du fait notamment de la forte consommation intérieure  qui en 2030 dépassera les exportations actuelles ( subventions généralisées et non ciblées). Aussi l’objectif  est d’accélérer la transition énergétique devant s’orienter vers un Mix énergétique où en plus l’Algérie  possède d’importantes potentialités dans l’agriculture, le tourisme, les nouvelles technologies, ayant une importante diaspora et dans les énergies renouvelables mais ne devant jamais oublier que le fondement du développement du XXIème siècle repose sur la  gouvernance à travers des décentralisations ( grands pôles économiques régionaux) évitant le mythe d’entités locales administratives budgétivores et bureaucratiques et la valorisation du savoir. Devant éviter l’utopie, dépendante encore pendant e longues années des hydrocarbures, l’Algérie possède la troisième réservoir mondial de pétrole/gaz de schiste mais dont les techniques économisant l’injection d’eau douce et de produits chimiques dans les puits ne seront opérationnels pas avant 2025 afin de préserver l’environnement et éviter la pollution des nappes phréatiques du Sud (audit sous la direction du professeur A. Mebtoul, pétrole gaz de schiste, opportunités et risques 8 volumes premier ministère 2015) .

3.-Quels sont les scénarios possibles devant être réaliste,  pouvant être combinés pour préserver les  réserves de change à un niveau raisonnable, car dépenser sans compter et sans renouvellement de la gouvernance  et la politique socio-économique  serait suicidaire pour le pays conduisant le pays à la cessation de paiement  courant 2022. Le premier scénario est un cours du pétrole supérieur à 90/100 dollars et du  cours du gaz supérieur à 7/8 dollars le MBTU, l’Algérie fonctionnant dans le cadre de la loi de finances  2021 à plus de 130 dollars le baril, un scénario dans la conjoncture mondiale actuelle irréalisable. Tenant compte d’une augmentation future de la production OPEP, de l’entrée de l’Iran et la Libye, le cours moyen entre 2021/2022 s’il ya augmentation de la production en volume physique et une en reprise de l’économie mondiale devant se situer entre une fourchette de 60/65 dollars, niveau défendu par les plus grands producteurs, l’ Arabie Saoudite et la Russie. Le deuxième   scénario est une exportation hors hydrocarbures  entre 2021/2022 au sein de filières internationalisées  approchant 10 milliards de dollars. Or, le secteur industriel représente moins de 6% du PIB, plus de 95% du tissu économique en 2021 étant  constitué d’unités personnelles, de petites SARL , peu initiées aux nouvelles technologies et aux commerce international, dépendantes pour plus de 85% des matières premières de l’extérieur. Certes, il faut reconnaître que certaines entreprises font des efforts pour pénétrer le marché international, en valorisant le savoir et la bonne gestion, l’’information étant stratégique alors que force est de constater son l’effritement ce qui rend aléatoire toute  prévision. Devant raisonner toujours en dynamique,  si les projets sont lancés fin 2021, sous réserve de la levée des contraintes bureaucratiques, de la rénovation du système financier,  l’adaptation du système socio-éducatif, le seuil de rentabilité pour les PMI/PME  ne sera atteint  pas avant 2024 et pour les projets  capitalistiques (dont le fer de Gara Djebilet, le phosphate de Tebessa ) entre 2027/2028. Aussi,  il sera difficile d’atteindre les exportations algériennes hors hydrocarbures pour  5 milliards de dollars (USD) d’ici fin 2021. Plus de 70% des exportations selon les statistiques douanières sont constituées de semi-produits en majorité des dérivées d’hydrocarbures,  et le montant réel hors dérivées hydrocarbures ne devrait pas  dépasser les 2-2,5 milliards de dollars mais devant pour avoir le profit net retirer tous les matières premières brutes ou semi brutes importés en devises. Le troisième scénario est une restriction  drastique  des importations ce qui ne peut conduire à une inflation du fait du déséquilibre offre/demande et de vives  sociales en paralysant toute l’activité économique, alors l’objectif étant  la  redynamisation de l’appareil productif, une meilleure gestion et la lutte contre la corruption renvoyant à une nouvelle gouvernance.  Le  quatrième scénario est un endettement extérieur ciblé qui n’est pas une tare s’il permet une balance devises profitable à l’Algérie, donc pas d’impacts sur le niveau des réserves de change, mais supposant une stabilité politique, juridique et une cohérence dans la politique socio-économique. Mais outre qu’il faille des garanties de remboursement, avec l’accroissement de l’endettement des Etats développés, dans cette conjoncture  de la crise mondiale, il ne faut pas  faire des illusions. Le cinquième scénario  est un partenariat gagnant- gagnant  pour des segments à valeur ajoutée.  Mails, outre les conditions précédentes, tout entrepreneur quelque soit sa nationalité étant attiré par la logique du profit, n’existant pas de sentiments dans les affaires, existant de  nombreuses opportunités à travers le monde avec la forte concurrence, cela suppose des lois attractives, des objectifs clairs allant vers une économie de marché à finalité sociales et  de profondes réformes  structurelles Ainsi, l’ensemble des scénarios montrent que la marge d’actions du futur gouvernement est étroite.

En conclusion, en attendant la nécessaire reconfiguration politique à travers la refondation de l’Etat afin que les partis politiques  et la société civile puissent jouer la fonction d’intermédiations , les anciennes organisations étant des appendices  bureaucratiques  rentiers déconnectées de la société, un défi majeur pour asseoir la démocratie, l’Algérie est une pièce maîtresse de la stabilité de la région,  à travers les actions  de l’ANP et les différents services de sécurité. C’est que les enjeux au Maghreb et au Sahel préfigurent d’importantes reconfigurations géopolitiques et géoéconomiques dans une zone sensible rentrant  dans le cadre de la nouvelle stratégie mondiale à laquelle l’Algérie ne saurait échapper. Car toute déstabilisation de l'Algérie, comme je le soulignais dans des  interviews  (2016/2019), l'une aux USA, à l'American Herald Tribune, dans plusieurs médias français l'autre et en arabe  des pays du Golfe, aurait des répercussions internes, mais également  géostratégiques sur toute la région. Ces enjeux sont intiment liés aux nouvelles mutations mondiales actuelles qui  devraient qui conduire à de profondes reconfigurations socio-économiques, technologiques mais également sécuritaires.  Le XXIème siècle sera dominé par l'émergence de réseaux décentralisés, institutionnels, sociaux , culturels et économiques  qui remplaceront les relations personnalisées d'Etat à Etat dans le domaine des relations internationales notamment à travers els réseaux sociaux e tles nouvelles technologies ( l'intelligence artificielle , donc le  primat de la connaissance) qui révolutionnent tout le système économique mondial. Je ne saurai trop insister que le développement durable  doit avant tout se fonder sur un langage de vérité, ni sinistrose, ni autosatisfaction, évitant la, la manipulation des données (comment mentir grâce aux statistiques pour reprendre l’expression du fondateur de  la statistique moderne Morgenstern) aboutissant à des politiques  incohérentes.  Les partenaires étrangers ne doivent plus considérer l’Algérie et plus généralement l’Afrique, continent à enjeux multiples comme de simples marchés mais favoriser un partenariat gagnant –gagnant. Mais les étrangers ne peuvent faire les réformes structurelles à notre place. Les différentes composantes de la société algérienne, pour des raisons de sécurité nationale, doivent  transcender leurs différends grâce à la tolérance.  En bref, un sursaut national s’impose. Mais , je suis convaincu que face aux tensions géostratégiques et budgétaires, l’Algérie pays à fortes potentialités, sous réserve d’une nouvelle gouvernance, supposant de profondes réformes et la dé-bureaucratisation de la société, cancer de la rente,  libérant toutes les énergies créatrices ,  animées par de véritables réformateurs,  conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale, surmontera la crise conjoncturelle actuelle et   sera un pays pivot, contribuant à son développement interne condition de la stabilité régionale. 

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(1)- Conférence donnée par le professeur Abderrahmane Mebtoul,  le 08 juin 2021 de 10-12H30 à Alger, devant les représentants   des pays de l’Union européenne –ambassadeurs et attachés économiques et politiques , et le représentant de la  banque mondiale accrédités  à Alger)   



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