L'écrivain, comme le voyageur, a toujours été subjugué par le désert, car celui-ci, tantôt dans sa présence légère ou écrasante, tantôt dans ses retranchements mystérieux, est un peu une métaphore du territoire du verbe. Lieu écarté du monde par excellence et au cœur de ce dernier, le désert incarne le statut de la parole libre, vivante, et quelquefois son destin !
Le pays des sables est la patrie de la noblesse et des défis ! Or, là où le soleil brille droit dans les yeux, le verbe a le front haut et là où le silence et l'horizon gouvernent, la parole est un peuple fier. Le désert comme l'écriture est un état d'esprit et une éducation. Il convoque la solitude comme l'écrivain fixe, sur la page blanche, ses rendez-vous avec lui-même.
Ici autant que là, la mort ou bien la lucidité guette ; et dans cette traversée des miroirs, la soif de se connaître et de devenir meilleur sont les seuls guides !
Le désert, s'il abolit les frontières (et c'est à perte de vue que le regard prend le mieux son envol !), est parfois retenu par la fermeté d'un arbre au milieu des sables, qui y impose l'idée de l'instant présent et l'esprit de corps, y invente la cité et le jardin ! Le désert comme l'écriture hésite entre la halte et le chemin.
Le pays des sables est gouverné par la sérénité et la lumière et l'écrivain du désert y puise son viatique pour le voyage. Ici nulle hâte ne vient offenser la limpidité de la parole en même temps que son mystère ! La limite s'y mesure à l'infini et le délai s'apprécie à l'aune de l'éternité.
Cependant, le désert hante chacun de nous, et chacun, s'il n'y prend garde, risque de devenir son propre nomade dans cette région de l'âme où l'absence règne sans partage. Alors il déserte l'Histoire et se retire de son nom et l'avenir n'est plus son confident !
Mais le désert est aussi une leçon de patience et d'humilité, et sous le sable ingrat coule une eau bienfaisante pour les futures moissons et les soifs longtemps contenues !