D’importants défis attendent l’Algérie imposés par le devoir de la sauvegarde de l’indépendance et la préservation de sa souveraineté nationale. Les événements actuels, doivent trouver une solution rapide afin d'éviter une récession économique avec des incidences dramatiques sur le plan social, souvent oublié avec le retour inévitable au FMI courant 2022. L’Algérie ne peut continuer avec cette trajectoire économique suicidaire où tout repose sur la rente des hydrocarbures et fonctionnant selon les lois de finances 2019/2020 entre budget de fonctionnement et équipement sur un cours de 98/100 dollars le baril. Et un des défis majeur pour le président de la république, Mr Abdelmajid Tebboune est de réaliser la transition énergétique dans le cadre d’une vision stratégique.
1.- Mutations énergétiques mondiales et structure des exportations d’hydrocarbures 2017-2018 Depuis que le monde est monde, l’énergie autant que l’eau est cœur de la sécurité des Nations, le monde s’orientant 2020/2030, inéluctablement vers un nouveau modèle de consommation énergétique fondé sur la transition énergétique. Les dynamiques économiques modifient les rapports de force à l’échelle mondiale et affectent également les recompositions politiques à l’intérieur des États comme à l’échelle des espaces régionaux. La transition énergétique renvoie à d’autres sujets que techniques, posant la problématique sociétale. Il ne suffit pas de faire une loi car le déterminant c’est le socle social Cela pose la problématique d’un nouveau modèle de croissance : tous les secteurs économiques, tous les ménages sont concernés : transport, BTPH ; industries, agriculture. Les choix techniques d’aujourd’hui engagent la société sur le long terme. Dès lors la transition énergétique suppose un consensus social car la question fondamentale est la suivante : cette transition énergétique, combien ça coûte, combien ça rapporte et qui en seront les bénéficiaires La transition énergétique en Algérie est un choix stratégique politique, militaire, et économique pour assurer la sécurité énergétique du pays qui se fera progressivement, car il est incontestable que les gisements fossilifères du pays commencent à se tarir alors que la consommation énergétique nationale est en croissance importante et va continuer de l'être. En effet, l'Algérie à travers des subventions généralisées et mal ciblées est l'un des modèles les plus énergétivores en Afrique et en Méditerranée, avec un taux de croissance qui a atteint ou même dépassé les 14% par an pour l'électricité. Les prévisions de la CREG avaient annoncé des besoins internes entre 42 (minimum) et 55 (maximum) milliards de m3 de gaz naturel en 2019, alors que Sonelgaz prévoit, quant à elle, 75 milliards de m3 en 2030. En Algérie, il existe un véritable paradoxe : la consommation résidentielle (riches et pauvres payent le même tarif, idem pour les carburants et l'eau) représente 60% contre 30% en Europe et la consommation du secteur industriel 10% contre 45% en Europe montrant le dépérissement du tissu industriel, environ 6% du produit intérieur brut entre 2017/2019 selon l'ONS. . Se pose cette question centrale, quel sera le prix de cession du gaz de toutes ces unités mises récemment installées notamment engrais phosphate, sidérurgie fortes consommatrices d’énergie ? D’où l’importance pour l’Algérie d’avoir une stratégie collant aux nouvelles réalités énergétiques mondiales. Car avec les dérivées d’hydrocarbures Sonatrach assure en 2019 environ 98% des recettes en devises du pays, irriguant toute l’économie nationale : dépense publique qui détermine le taux de croissance, le taux d’emploi, le niveau des réserves de change et l’audience internationale de l’Algérie. . Pour le bilan des exportations hydrocarbures de janvier à décembre 2018 de Sonatrach SH) et de ses associés nous avons la structure suivante : le pétrole : Sonatrach (SH)–- valeur 9,393 milliards de dollars -Pétrole associés , valeur 2,637 milliards de dollars ; le condensat : SH valeur 2,107 milliards de dollars – associés valeur 0,426 milliards de dollar ; les produits raffinés : valeur 7,972 milliards de dollars, GPL : SH valeur 3,007 milliards de dollars ; le GPL : associés valeur 0,371 milliards de dollars ; le gaz naturel-GN- -volume en milliards de mètres cubes gazeux 37,721 valeur 9,123 – associés volume, 0,734 – valeur 0,177 milliards de dollars et le GNL : valeur 3,5 milliards de dollars, les associés représentant 9,35%, une stabilisation par rapport aux années passés montrant que l’Algérie a attiré peu d’investisseurs étrangers, ceci étant le chiffre d’affaire auquel, il faut retirer les couts pour avoir le profit net qui reste à Sonatrach.
2.-Quelle est la politique de transition énergétique de l’Algérie horizon 20120/2030 2030 ?
D'où l'importance de cinq axes directeurs que j’ai développés dans plusieurs interviews entre 2000/2018 (Interview à l’hebdomadaire parisien Jeune Afrique 24 juin 2019 « Abderrahmane Mebtoul : les besoins électriques du nord et du sud de la méditerranée sont complémentaires » synthèse de son intervention où j’ai présidé l’importante commission des 5+5 ( France-Espagne-Italie- Portugal- Malte- Algérie- Maroc-Tunisie- Libye- Mauritanie) sur la transition énergétique lors de la rencontre à Marseille sur la société civile de la région méditerranéenne - Conférence du Pr Abderrahmane Mebtoul au parlement européen sur le Maghreb face aux enjeux géostratégiques 2011 et conférence donnée à l’Ecole Supérieure de Guerre Alger devant les officiers supérieurs à l’invitation du commandement de l’ANP le 19 mars 2019)
-Premier axe, améliorer l'efficacité énergétique par une nouvelle politique des prix (prix de cession du gaz sur le marché intérieur (environ un dixième du prix) occasionnant un gaspillage des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales, dossier que j’ai dirigé avec le bureau d’études américain Ernest Young et avec les cadres du Ministère de l’Energie et de Sonatrach que j’ai présenté personnellement à la commission économique de l’APN en 2008, renvoyant à une nouvelle politique des prix ( prix de cession du gaz sur le marché intérieur environ un dixième du prix international occasionnant un gaspille des ressources qui sont gelées transitoirement pour des raisons sociales). C'est la plus grande réserve pour l'Algérie, ce qui implique une révision des politiques de l'habitat, du transport et une sensibilisation de la population. L'on doit durant une période transitoire ne pas pénaliser les couches les plus défavorisées. A cet effet, une réflexion doit être engagée pour la création d'une chambre nationale de compensation, que toute subvention devra avoir l'aval du parlement pour plus de transparence. et tenant compte du revenu par couches sociales, impliquant une nouvelle politique salariale.
-Le deuxième axe, ne devant pas être utopique , continuer à investir dans l’amont supposant pour attirer les investisseurs étrangers, étant dans un système concurrentiel mondial, une révision de la loi des hydrocarbures de 2013, inadapté à la conjoncture actuelle, notamment on volet fiscal, pour de nouvelles découvertes. Mais pour la rentabilité de ces gisements tout dépendra du vecteur prix au niveau international et du coût, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables. L’Algérie comme montré précédemment pour voir une valeur ajoutée importante doit s’orienter vers la transformation de son pétrole et du gaz naturel mais dans le cade d’un partenariat gagnant- gagnant, la pétrochimie à l’instar d’autres filières, les circuits de commercialisation étant contrôlées par quelques firmes multinationales.
-Le troisième axe, développer les énergies renouvelables combinant le thermique et le photovoltaïque avec pour objectif d’ici 2030, produire, 30 à 40% de ses besoins en électricité à partir des énergies renouvelables où selon des études de l’Université des Sciences et Technologies d’Alger (USTHB), le potentiel photovoltaïque de l’Algérie est estimé à près de 2,6 millions de térawattheures (TW/h) par an, soit 107 fois la consommation mondiale d’électricité et en énergie éolienne, l’Algérie bénéficie aussi d’un potentiel énergétique important, estimé à près de 12 000 térawatts/heure (TWh) par an. Cette même étude estime qu’avec un taux moyen de consommation de 260 m3 /MWh, le potentiel algérien en énergies renouvelables serait équivalent à une réserve annuellement renouvelable de gaz naturel de l’ordre de 700 000 Milliards de m3. Avec plus de 3 000 heures d'ensoleillement par an, l'Algérie a tout ce qu'il faut pour développer l'utilisation de l'énergie solaire, ou presque. Le soleil tout seul ne suffit pas. Il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique. Le retard dans l'exploitation de l'énergie solaire est indéniable Adopté en février 2011 par le Conseil des ministres, le programme national des énergies renouvelables algérien prévoit une introduction progressive des sources alternatives, notamment le solaire avec ses deux branches (thermique et photovoltaïque), dans la production d'électricité sur les 20 prochaines années Dans cette perspective, la production d'électricité à partir des différentes sources d'énergies renouvelables dont l'Algérie compte développer serait de 22.000 mégawatts à l'horizon 2030, soit 40% de la production globale d'électricité. Sur les 22.000 MW programmés pour les deux prochaines décennies, l'Algérie ambitionne d'exporter 10.000 MW, alors que les 12.000 MW restants seraient destinés pour couvrir la demande nationale. Une fois réalisé, ce programme permettra d'économiser près de 600 milliards de mètres cubes de gaz sur une période de 25 années. Outre s’imposune nouvelle politique des prix, Sonatrach ne pouvant assurer à elle seule cet important investissement, il y a lieu de mettre en place une industrie nationale dans le cadre d'un partenariat public-privé national/international, supposant d'importantes compétences. Celle-ci doit comprendre tous les éléments de la chaîne de valeur dont l'ingénierie, l'équipement et la construction afin d'accroître le rythme de mise en œuvre, des études sur la connexion de ces sites aux réseaux électriques.
-Le quatrième axe, l’Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 pour faire face à une demande d’électricité galopante, où selon le 19 mai 2013 du ministre de l’Energie et des Mines, l’Institut de génie nucléaire, créé récemment, devant former les ingénieurs et les techniciens en partenariat, qui seront chargés de faire fonctionner cette centrale. Les réserves prouvées de l’Algérie en uranium avoisinent les 29 000 tonnes, de quoi faire fonctionner deux centrales nucléaires d’une capacité de 1000 Mégawatts chacune pour une durée de 60 ans, selon les données du Ministère de l’Energie. La ressource humaine étant la clef à l’instar de la production de toutes les formes d’énergie et afin d’éviter cet exode de cerveaux massif que connait l’Algérie
-Le cinquième axe, est l’option du pétrole/gaz de schiste horizon 2022/2025 (3ème réservoir mondial selon des études internationales) introduite dans la nouvelle loi des hydrocarbures, dossier que j’ai l’honneur de diriger pour le compte du gouvernement et remis en janvier 2015. En Algérie, devant éviter des positions tranchées pour ou contre, l’adhésion des populations locales par un dialogue productif est nécessaire car on ne saurait minimiser les risques de pollution des nappes phréatiques au Sud du pays. L’Algérie étant un pays semi-aride, le problème de l’eau étant un enjeu stratégique au niveau méditerranéen et africain, doit être opéré un arbitrage pour la consommation d’eau douce des populations et celle utilisée pour cette production. Selon l’étude réalisée sous ma direction, les nouvelles techniques peu consommatrices d’eau et évitant l’injection de produits chimiques dans les puits devraient être mises au point opérationnelle horizon 2022/2025 car actuellement avec la fracturation hydraulique classique il faudrait environ un milliard de mètres cubes gazeux environ 1 million de mètres cubes d’eau douce, devant tenir compte de la durée courte vie des puits ( cinq ans maximum) et devant perforer des centaines pour avoir un milliard de mètres cubes gazeux
3.-La seule alternative : des réformes politiques et économiques
La nouvelle loi des hydrocarbures n’aura une efficacité réelle que si elle s ‘insère dans le cadre d’une vision stratégique de la transition énergétique afin de favoriser le développement multidimensionnel fondé sur la bonne gouvernance et le primat du savoir. C’est que l’amélioration du solde de la balance commerciale entre 2010/2019 a été fonction essentiellement des recettes de Sonatrach à plus de 98%. L’Algérie souffre actuellement d’une crise de gouvernance et non d'une crise financière. Mais cette crise de gouvernance risque de se transformer dans trois années en crise financière, économique et politique avec l’épuisement des réserves de change. Avec grande rigueur budgétaire, une meilleure gouvernance, un changement de cap de la politique économique actuelle, avec un baril entre 60/65 dollars, l’Algérie peut sens sortir, possédant des atouts avec un endettement extérieur faible. Le défi de l’Algérie 2020/2030 est de réussir les réformes qui seront douloureuses à court terme mais porteuses d’espoir à moyen et long terme pour les générations présentes et futures, ou rester en statut quo en retardant les réformes structurelles ce qui conduira inéluctablement à la régression économique et sociale , la cessation de paiement horizon 2022 avec les risques de tensions sociales et la déstabilisation de la région méditerranéenne et africaine.Trois paramètres stratégiques déterminent l’avenir de l’économie algérienne : le cours du pétrole, l’évolution des réserves de change et la pression démographique (plus de 50 millions d’habitants en 2030) , devant créer minimum 300.000/400.000 postes de travail nouveaux par an nécessitant un taux de croissance annuel sur plusieurs années de 8/9% en termes réel. L’Algérie a besoin d’une nouvelle stratégie, loin des slogans creux populistes, s’adaptant au nouveau monde , de la CONFIANCE pour sécuriser son avenir, de s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l’intelligence , de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, évitant la division sur des sujets secondaires passant par la .refondation de l’Etat et la moralisation de la société algérienne. L’Algérie qui traverse une phase cruciale de son histoire a besoin qu’un regard critique et juste soit posé sur sa situation sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu’il s’agit d’accomplir encore au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’une même ambition et d’une même espérance : un développement harmonieux conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale.
Abderrahmane mebtoul docteur d‘Etat 1974- Expert international Directeur d’Etudes Ministère Energie-Sonatrach 1974/1979-1990/1995-2000/2008-2013/2015-