"La tenue d’une réunion du Conseil des ministres actuellement n’est pas nécessaire et les choses marchent comme il se doit». Cette déclaration du Premier ministre Abdelmalek Sellal aujourd’hui en marge de l’ouverture de la session d’automne du parlement aurait pu être anodine dans un pays où les institutions fonctionnent normalement et où le président de la république exerce tout aussi normalement ses fonctions.
Mais dans le cas de l’Algérie elle parait tout à fait étrange dans la mesure ou le Conseil des ministres présidé par le chef de l’Etat est pratiquement le premier centre du pouvoir, la fabrique des lois et décrets qui font marcher la république. C’est aussi l’institution par excellence au sein de laquelle les performances et les ratés des ministres sont relevés et discutés.
Compte tenu de notre architecture institutionnelle, le Conseil des ministres est le passage obligé et la voie inévitable de tous les projets de lois, de toutes les initiatives et toutes les décisions importantes qui engagent le pays. Comment est- ce donc possible que le pays puisse fonctionner «normalement» comme l’assure Sellal sans la tenue de ce Conseil des ministres ? L’exception (l’ajournement de cette réunion depuis la maladie du président depuis presque une année) est-elle devenue la règle ?
La règle et l’exception
La réplique du Premier ministre à l’interrogation légitime des journalistes étonne pas sa légèreté politique. C’est, toute proportions gardées, comme s’il déclarait que la présence du premier magistrat du pays n’est pas nécessaire, alors même que c’est l’unique cadre que confère la Constitution au chef de l’État pour discuter , orienter, interpeller et gronder si besoin ses ministres qui traînent le pas dans leurs secteurs.
Pis encore, le renvoi sine die de la réunion du Conseil des ministres implique forcément la mise sous le boisseau de plusieurs projets de lois. De fait, le parlement dont la mission est justement d’examiner et adopter ces projets, sombrerait ipso facto dans la léthargie.
Le président encore souffrant ?
Et contrairement à ce qui se dit çà et là, la réunion du gouvernement ne pourra pas remplacer celle du Conseil des ministres. A fortiori depuis la révision de la Constitution en 2008 qui a fait du Premier ministre un simple coordinateur d’une équipe qu’il n’a pas choisi mais subi. Il y a lieu de souligner que la Constitution tel que révisée ne prévoit même pas de Conseil du gouvernement comme il existait du temps du chef du gouvernement. Il en résulte que Abdelmalek Sellal n’est pas habilité constitutionnellement à hériter des charges du président de la république.
S’il arrive à suppléer l’absence du président sur le terrain en effectuant des visites dans les wilayas, cela ne l’autorise pas à exercer les fonctions régaliennes du président de la république. Certes la Loi fondamentale a été piétinée plusieurs fois pour des considérations politiques et parfois sécuritaires. Mais il est pour le moins bizarre de décréter le Conseil des ministres inutile alors que c’est là que tout se fait et se défait.
A moins que la déclaration de M. Sellal ne soit motivée par le souci d’éloigner l’attention sur l’état de santé du président qui ne lui permettrait pas de supporter une réunion aussi exigeante. Le Premier ministre voudrait ainsi préparer subtilement l’opinion à se faire à l’idée que le retour du président aux affaires ne sera pas pour demain. Auquel cas il aura usé d’une formule pas très commode pour éviter des interprétations politiques.