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Le Congrès International du Féminin à Oran a tenu toutes ses promessses

18-11-2014 22:38  Contribution

Le Congrès International du Féminin, « Parole aux femmes : pour une culture de Paix » s’est déroulé à Oran du 27 au 31 Octobre 2014. Nous étions quelques membres du Vivre Ensemble à Cannes à faire le voyage pour assister à cet événement. Cette première mondiale, organisée par l’ONG Internationale AISA,dont le but est de promouvoir le mieux vivre ensemble, était présidée par son responsable le Cheikh Khaled Bentounes, guide spirituel de la Confrérie Soufie Alawiyya et fondateur de nombreuses associations. Elle s’est déroulée sous le haut Patronage du Président de la République algérienne.

Plus de 3.000 participants, une centaine d’intervenants de haut niveau venus de 27 pays différents dont bien sûr l’Algérie, ont répondu à cet appel destiné à relever les défis de notre société pour un avenir possible. Ouvrant le Congrès par ces mots : « De ce pays, l’Algérie, peut monter des voix de paix pour le monde », le Cheikh Bentounes nous rappelait l’enjeu fondamental de ce rassemblement international : remplacer une culture souvent violente et mortifère par une culture de partage, de réconciliation et d’amour.

Cette rencontre exceptionnelle aussi bien par la qualité des conférenciers que par l’organisation et l’accueil chaleureux des membres de la confrérie soufie, a pleinement atteint son objectif : puiser dans l’énergie féminine, présente aussi bien dans l’homme que dans la femme, de quelque tradition ou culture qu’il ou elle soit, les valeurs susceptibles de construire les fondements d’une culture de paix.

Les matinées étaient réservées à des interventions suivies de tables rondes selon les 5 axes du congrès : regards croisés autour de la réconciliation du féminin et du masculin, l’éducation dans la transmission des valeurs humaines, le voilement et dévoilement de la vérité dans la quête spirituelle, la tradition et la modernité et enfin le féminin pour une culture de paix. Autant de thèmes développés par des universitaires, philosophes, anthropologues, historiens, journalistes, psychanalystes, islamologues, théologiens,… dont de nombreuses femmes représentantes d’organisations nationales et internationales.

Ainsi le premier jour, le Président de séance, Djibril Sene, venu du Sénégal, nous rappelait que « les valeurs féminines d’amour, de coopération et de réconciliation sont les graines nécessaires au monde de demain ». Youssef Seddik, spécialiste d’Avicenne, nous invitait à passer du paraître à l’être, en dépassant les paradoxes toujours féconds dans les questions cruciales. Citant certaines sourates du Coran il rappelait que la femme y est considérée comme supérieure à l’homme et qu’Adam , qui a désobéi à Dieu, est appelé à la fin des temps à retrouver l’unité primordiale pour ne faire plus qu’une seule âme avec la femme. Audrey Fella, quant à elle, nous dressait un tableau très riche des mythologies et hiérogamies de différentes cultures se référant à l’archétype de l’androgyne originel. Puis elle décrivait la création comme acte de séparation de l’homme et de la femme et l’éros comme énergie ontologique poussant l’homme à s’unir à la femme pour retrouver son unité originelle. La bi-polarité homme/femme et la complémentarité du masculin et du féminin y prenait toute sa place pour l’équilibre du monde.

Le deuxième jour : était consacré au rôle de l’éducation et plus particulièrement au rôle de la femme pour une culture de paix car selon le programme de l’UNESCO : « Éduquer un homme c’est éduquer un individu , éduquer une femme c’est éduquer une société ». Hada Mahmud Darwish nous précisait la valeur de l’éthique, de la transmission des valeurs authentiques de la religion en appelant les éducateurs à leur responsabilité. Citant Nelson Mandela : « Celui qui tient les clés de l’éducation tient les clés du monde » il nous invitait à établir des ponts entre la tradition et la modernité en essayant de discerner le vrai du faux. Les médias étaient aussi au rendez-vous. Ainsi Patrick Busquet, journaliste et grand reporter international, responsable de la Fondation Hirondelle qui a monté, entre autres, une radio de paix pour des pays en proie à des conflits violents, reconnaissait que moins de 1°/° des contenus médiatiques sont consacrés à des valeurs positives. Cependant en nous posant la question : « Sommes nous obligés de parler à nos enfants comme les médias nous parlent? » il nous ramenait à notre responsabilité à la fois d’auditeurs des médias et d’éducateurs de nos enfants. Mustapha Cherif, philosophe, chercheur en sciences humaines et sociales, pédagogue et expert en dialogue interreligieux, reconnaissait que l’école est actuellement « menacée aussi bien par le repli que par la marchandisation du monde ». Il est donc plus qu’urgent de repenser l’école en apprenant aux enfants l’éthique du vivre ensemble fait de respect de l’autre, d’altérité et de dialogue avec d’autres visions.

Le lendemain : les conférences étaient axées sur « le féminin entre tradition et modernité ». Leïla Zerrougui, représentante du Secrétaire Général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés, nous donnait une vision de terrain et d’expérience face aux situations dramatiques auxquelles elle est confrontée. Nous faisant part de son témoignage auprès des femmes et des enfants dans les camps de réfugiés elle rappelait l’immense défi à relever dans les processus de paix. Les femmes y ont un rôle capital à jouer du fait de leur sensibilité à la souffrance, de leur capacité à témoigner et à protéger la vie et les enfants. Enfin Aissa Belmekki, enseignant et anthropologue politique, nous peignait une fresque très colorée de la post modernité dans laquelle nous sommes et de l’hyper modernité vers laquelle nous allons. Cette dernière étant faite de surconsommation, de monopoles mondiaux, de recherche individuelle et collective de jouissance, d’un monde sans limite menant à la violence, d’une opposition aux repères religieux et moraux par une idéologisation à outrance. Il nous donnait malgré tout l’espérance à venir d’un changement de paradigme avec une trans-modernité capable de redéployer dans l’espace communautaire et politique les valeurs des cultures et des religions. Ces nouveaux repères comporteraient le respect de l’environnement, la solidarité sociale, la quête de soi et la place du féminin.

Les après-midi étaient consacrés à des ateliers permettant des échanges plus rapprochés entre participants et intervenants.

Parmi les nombreuses expositions consacrées aux différents thèmes du Congrès , citons celle du « voilement et dévoilement ». Nous pouvions y voir une très belle rétrospective du portement du voile dans les cultures d’orient mais aussi d’occident ainsi qu’une redéfinition de la question du voilement-dévoilement. Dépassant les stéréotypes habituels nous y étions convoqués à une approche plus subtile et plus symbolique concernant aussi la quête spirituelle.

Les soirées étaient tout aussi animées que les journées : ainsi se sont succédés des concerts, donnés par des ensembles prestigieux de musique arabo-andalouse notamment, une cérémonie de mariage, des films dont un long métrage sur le message et la vie du Cheikh Bentounes et de sa famille au sein de l’histoire de l’Algérie. A voir bientôt nous l’espérons dans les salles de cinéma en France…

Une journée spirituelle à Mostaganem, organisée par les membres de la confrérie soufie, venait clore ces journées si riches et si intenses. Articulée autour de la visite de la Zaouia Alawiya, nous avons pu y découvrir la fondation Djanatu al-Arif, centre de développement durable et son jardin merveilleux. Ce « jardin du connaissant, jardin des 7 ciels», composé selon les lois de l’harmonie cosmique et de la symbolique coranique, nous a offert un véritable havre de paix aussi savoureux que le couscous « géant » préparé pour plus de 3000 personnes ! Un grand bravo aux organisateurs!

Enfin au programme de cette soirée : une réunion spirituelle autour des chants soufis, de Cheikha Nur Artiran, Maître Soufie, Présidente de l’Association internationale Sefik Can Mevlana d’Education et de Culture, venue de Turquie avec un groupe de Derviches tourneurs, et pour finir le groupe de chanteurs touaregs « Ahallil » venu du sud de l’Algérie.

Nous reste de ce formidable voyage au coeur du Féminin le « désir de Paix » : véritable défi que nous a lancé le Cheikh Bentounes pour préparer la Journée Mondiale du Vivre Ensemble. Nous appelant chacun à devenir acteur et responsable de la culture de paix, qui que nous soyons, où que nous soyons et quelle que soit notre tradition, il nous a invité à signer pour l’année cet engagement au désir de paix. Car la Paix ne peut advenir que si nous la construisons ensemble. Dom Helder Camara disait : « Lorsque l’on rêve seul ce n’est qu’un rêve. Lorsque nous rêvons ensemble, c’est le commencement d’une réalité » Alors venez nous aider à passer du rêve à la réalité!

Véronique Francou

Ps : pour ceux qui veulent signer cet appel à la paix : rendez-vous sur le site internet : http://jmve.ch

QUELQUES PHRASES REPRESENTATIVES DU CONGRES

« La paix est la nourriture qui nourrit la conscience » : Cheikh Khaled BEN TOUNES

« Les valeurs féminines d’amour, de coopération et de réconciliation sont les graines nécessaires au monde de demain » : Djibril SENE (Sénégal), Président de séance de l’axe :« Féminin, regards croisés »,

« Eduquer un homme c’est éduquer un individu, éduquer une femme c’est éduquer une société » : UNESCO

« Celui qui tient les clé de l’éducation tient les clés du monde » : Nelson MANDELA

« Produire l’effort de parole vers des réponses constructives, celles qui éclairent l’avenir » : Patrick Bousquet, grand reporter et journaliste, Président de la Fondation Hirondelle (radio de Paix en RDC et au Rwanda)

« La différence est un don et une épreuve. Dieu a voulu les éprouver par le temps de la différence » : Mustapha CHERIF, philosophe, chercheur en sciences humaines et sociales

« Les caractéristiques des femmes dans le traitement des conflits armés : la sensibilité à la souffrance, le témoignage, la protection des enfants » : Leila ZERROUGUI, Représentante du Secrétaire Général des Nations Unies pour les enfants et les conflits armés

« Il ne peut y avoir d’avenir possible que si ensemble, religieux et non religieux, croyants et non croyants, nous nous transformons en témoins et porteurs de paix »

« Nous sommes comme un corps, une âme universelle »

« Je confie cette graine d’espoir aux femmes, aux mères qui portent la vie. C’est par le féminin que la vie se transmet, c’est par le féminin que les valeurs se transmettent » : Cheikh Khaled Bentounes



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