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Le complexe sidérurgique d’El Hadjar et les perspectives de l’économie algérienne

03-05-2013 19:21  Contribution

Par Abderrahmane Mebtoul

Certains font des amalgames concernant la situation des unités d’ArcelorMittal en Algérie et en France. L’objet de cette contribution qui a fait l’objet d’une interview à Radio France Internationale RFI (1) est à la fois de lever certains amalgames et de poser clairement la situation de la filière sidérurgique en Algérie

 1- La stratégie des gouvernements français et algériens vis-à-vis d’ArcelorMittal est-elle comparable ?

En 2011 Arcelor Mittal employait 260. 523 salariés dans plus de 60 pays dont 53 % en Europe avec un chiffre d'affaires selon son bilan officiel de 91,9 milliards de dollars, la moitié du produit intérieur brut algérien estimé à 180 milliards de dollars ( les véritables entreprises contribuant qu’à hauteur de 20% du PIB) , contre 2580 milliards de dollars pour la France, étant le leader mondial dans le domaine de l'acier et des mines. Arcelor Mittal est donc une multinationale qui a une stratégie de filières mondialisées et s’implantera là où les couts sont bas et la demande segmentée élevée, animée par la seule rentabilité économique, dans la pratiques des affaires n’existant pas de sentiments et cela s’adresse tant à la France qu’à l’Algérie où certes les ouvriers de Florange et d’El Hadjar sont préoccupés par leur avenir. La situation est totalement différente entre les deux pays et il faut comparer le comparable. L’Algérie est en excédent de financement avec plus de 200 milliards de dollars de réserve de change et les banques publiques qui contrôlent plus de 90% du crédit octroyé (malgré le nombre les banques privées étant marginales) sont en surliquidités, déconnectés des réseaux financiers mondiaux ce qui explique le peu d’impact de la crise et il ne faut pas s’en réjouir étant des guichets administratifs renflouées par la rente. L’Algérie est une économie rentière, pour preuve 98% des exportations proviennent d‘une seule ressource les hydrocarbures et donc l’économie est indirectement connecté via cette rente à l’économie mondiale où paradoxe, grâce à la croissance des pays émergents le cours du pétrole connait un prix relativement élevé. Par contre la France souffre d’une crise d’endettement et l’économie française, malgré ses difficultés actuelles dues en grande partie à la crise mondiale est une économie productive reposant essentiellement sur l’initiative privée étant une économie de marché évoluant dans un environnement mondial concurrentiel, étant à l’ère de la mondialisation. En France, comme dans la majorité des pays du monde, une unité non rentable économiquement ferme. En Algérie et ce la n’est pas propre à El Hadjar, l’Etat algérien via la rente a assaini les entreprises publiques entre 1971-2012 pour plus de 50 milliards de dollars dont 70% sont revenues à la case de départ, assainissement pour éviter les remous sociaux à l’instar de la situation actuelle où l’on distribue des revenus ans contreparties productives. A l’approche de l’élection présidentielle en Algérie d’avril 2014 et avec les tensions sociales actuelles, le gouvernement n’est pas préoccupé par la rentabilité économique, ce qui suppose qu’il reporte les problèmes qui se poseront à terme car on ne peut distribuer que ce qui a été préalablement produit, la rente étant éphémère en réhabilitant la récompense au travail. Si l’Algérie était dans une véritable économie de marché productive, toute unité non rentable fermerait. Comme souligné précédemment, certes les usines sidérurgiques ArcelorMittal sont actuellement menacées de fermeture en France, en Belgique et au Luxembourg et le ministre du redressement productif français Arnaud Montebourg avait même parlé d’un projet de "nationalisation transitoire" de Florange, qui a provoqué une mise au point du MEDEF et qui n’a pas fait l’unanimité même dans sa majorité, mais la situation est totalement différente, à moins que l’Algérie ne choisisse une autre orientation socio-économique s’insérant dans le cadre de la mondialisation, tout en n’oubliant pas la nécessaire la cohésion sociale . D’ailleurs c’est tout le débat actuel qui divise tant les économistes et les politiques sur le retour au protectionnisme conséquence de la crise mondiale avec le retour en force des partis populistes en Europe.

 2- Le complexe d’El Hadjar sera-t-il renationalisé ?

Qu’en est-il exactement pour l’Algérie ? Le complexe d'El Hadjar avait été cédé à Mittal en 2001 qui détient 70% et 30% par l’Etat algérien à travers Sider. Il convient de souligner que depuis 2 ans des problèmes de trésorerie se pose à ce complexe ce qui a poussé la banque extérieure d’Algérie qui est même temps la banque de Sonatrach , expliquant son aisance financière, à octroyer en urgence un prêt de 140 millions € pour financer le développement de sa production au delà du seuil de rentabilité de 1,8 million de tonnes annuelles. Il est à noter que le complexe de la sidérurgie d’El Hadjar, n’a produit en 2012 que 580.000 tonnes d’acier, alors que l’objectif initialement fixé était de parvenir à produire 700.000 tonnes pour l’année 2012. Pour sauver l’unique complexe sidérurgique du pays employant 7 000 personnes d’une cessation d’activité, des discussions sont en cours pour reprendre le contrôle, le groupe public Sider devant augmenter sa participation dans AMA de 30% à 51% pour un montant de 200 millions $. Selon l’agence officielle algérienne APS, d’avril 2013, un investissement pour un milliard de dollars serait lancé conjointement entre le gouvernement algérien et le numéro un mondial de la sidérurgie ArcelorMittal afin d’augmenter la capacité de production du complexe d’El Hadjar (Annaba) à 2,2 millions de tonnes par an. Ces mesures seront-elles pérennes et ne risque t- on pas de reproduire les assainissements à fonds perdus comme par le passé d ’autant plus que l’Algérie est liée à un Accord de libre échange avec l’Europe dont le dégrèvement tarifaire zéro est prévu horizon 2020 et qu’elle aspire à adhérer à l’organisation mondiale du commerce ? Nous assistons à un dialogue de sourds. La direction du complexe reproche notamment à Sonatrach et Sonelgaz les plus gros demandeurs d’importer au lieu de s’adresser au complexe et les deux principaux groupes algériens reprochant à Arcelor Mittal de ne pas se conformer aux normes de sécurité et de qualité. Le futur complexe sidérurgique de Bellara (Sud-est de Jijel) entre Sider et Qatar Steel International selon la règle des 51/49 %, en production en principe horizon 2017, cout estimé à environ 1,7 milliard de dollars, au titre d’une première phase, devant produire deux (2) millions de tonnes d’acier par an avant de passer à 4 millions de tonnes en 2019 ( matière première locale ou importée ?) pour répondre aux besoins du marché national en rond à béton et autres aciers avec la création de près de 2.000 emplois directs ( le tiers d’El Hadjar pour une production plus importante) n’est –il pas déjà un substitut au complexe d’El Hadjar et allégera t-il les tensions sur l’acier du fait que l’Algérie à travers l’importante dépense publique importe une grande quantité ? Par ailleurs le groupe qatari apporte t-il le savoir faire managérial et technologique l’Algérie n’ayant pas besoin de financement ? C’est queles importations algériennes de fer ont dépassé les 20,5 millions de tonnes pour une valeur de 9,67 milliards de dollars durant les 14 dernières années (1998 à 2011), d’après le Centre national de l'informatique et des statistiques (Cnis). Selon le CNIS, le fer et l’acier ont coûté à l’Algérie 1,97 milliard de dollars en 2012, contre 1,83 milliards, soit une hausse de 8,16 %, alors que la valeur de l’importation de ciment a atteint 244,4 millions de dollars en 2012 contre 125,5 millions de dollars en 2011, soit une hausse de 94,67 %, contribuant ainsi à une augmentation de 11,67 % de la facture des importations des matériaux de construction. Toujours selon la même source l’Algérie consomme environ 5 millions de tonnes en fer et en acier, et ne produisant que 1,5 million de tonnes, soit environ 10% de la demande nationale.

 3.- L’Algérie , économie rentière , face aux bouleversements économiques mondiaux

Face à cette volonté du gouvernement de devenir majoritaire, grâce à l’aisance de la rente des hydrocarbures, généralisant les 49/51% et les subventions, devant éviter toute solution à raisonnante populiste et nous en tenir aux indicateurs de rentabilité, devant privilégier la valeur ajoutée interne, l’Algérie étant appelé à vivre au sein d’une économie ouverte, quelle sera l’attitude ArcelorMittal et cette renationalisation sera-t-elle rentable? D’autant plus qu’excepté certains secteurs dont le bâtiment travaux publics, logements où certains segments non stratégiques où les partenaires étrangers ont accepté la règle des 49/51% prenant peu de risques , l’éventualité d’une non rentabilité étant prise en charge par l’Algérie , selon, l’agence Reuteurs en date du 02 mai 2013, le groupe pétrolier britannique BP, un important investisseur étranger en Algérie, a décidé de retarder deux projets gaziers importants. BP invoque à la fois les frais liés à la sécurité qui auraient triplé, pour atteindre 15% des dépenses d’exploitation, argument non convaincant puisque la nouvelle loi des hydrocarbures dont la fiscalité repose sur la profitabilité pouvant déduire les charges , et second argument le plus plausible , le peu d’attractivité de la nouvelle loi par rapport à d’autres pays notamment en Lybie. Toujours selon cette agence, la société américaine Hess Corp a vendu une de ses deux participations en Algérie à l’espagnol Cepsa à cause de trop mauvais rendements et le . groupe britannique BG est également en train de quitter l’Algérie et rendre sa licence, qui arrive à expiration en septembre 2013, sur le bloc d’Hassi Ba Hamou et une très grande compagnie américaine – dont le nom n’a pas été dévoilé – qui avait décidé de s’installer en Algérie, a choisi d’ investir ailleurs. Selon Reuters, cela ne peut que conduire à une baisse de production en pétrole et en gaz, ces dernières années, en Algérie où la dépense publique dépassant les 110 dollars (fonctionnement et équipement) , vivant de l’illusion de la rente, qui peut accroitre les tensions sociales déjà vivaces. Et cela sans oublier sans oublier la stratégie offensive du géant russe Gazprom et de la révolution du gaz de schiste qui risque de bouleverser la carte énergétique mondiale avec pour finalité une baisse des prix de cession du gaz. Comme je l’avais prévu dans une contribution parue courant 2012, le recours qui avait été initié en août 2011 dans le cadre de la renégociation de contrats de gaz à long terme avec Edison qui a été repris par le groupe français EDF, Sonatrach vient de perdre en mars 2013 , une affaire d'arbitrage où le groupe italien a obtenu la révision à la baisse des prix d'un contrat de fourniture de gaz naturel et sur décision, rendue par la Cour d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale, qui devrait avoir un impact estimé à environ 300 millions d'euros ( 390 millions de dollars) sur l'Ebitda (excédent brut d'exploitation) du groupe Sonatrach en 2013. Qu’en sera t –il à l’expiration prochaine des contrats à moyen et long terme si la bulle gazière persiste ? Cela pose l’urgence pour l’Algérie d’une transition rapide d’une économie fondée sur la rente à une économie hors hydrocarbures.

(1)- Interview du professeur Abderrahmane MEBTOUL Expert International en management stratégique (Algérie)  à Radio France Internationale (RFI – Paris France) le jeudi 02 mai 2013

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