Par Ahmed Cheniki
Ce qui se passe ces derniers temps à l’occasion de ce « remaniement » n’est nullement nouveau, il révèle la réalité actuelle d’un pays qui semble perdu, égaré. M.Ramtane Lamamra a failli être la victime de sa proximité avec certains journaux qui semblent apprécier sa gestion des affaires étrangères. Ce qui est souvent perçu comme un mauvais point, un espace de concurrence. On se souvient des mauvaises expériences vécues par Yahiaoui, Boumaza ou Merbah.
Il y a une autre tradition qui met souvent en opposition des ministres occupant des postes complémentaires, se neutralisant, exigeant l’arbitrage perpétuel de la présidence.
Boumediene était le champion de ce jeu de sièges contraires: il nomme à l’industrie Belaid Abdeslam et à l’agriculture Tayebi Larbi qui ne s’entendaient nullement, leurs options étaient contraires, il place à l’éducation Ahmed Taleb El Ibrahimi et à l’enseignement supérieur, Mohamed Seddik Benyahia qui ne se piffaient pas et qui avaient deux conceptions différentes de la politique et du monde, il y avait les services de Boumediene et ceux officiels dirigés par Merbah, aux affaires étrangères, il était le chef, même s’il y avait également Bouteflika.
Contrairement à ce qui a été écrit, ce qui avait été fait aux affaires étrangères n’était nullement une bourde, mais calculé de telle sorte à neutraliser Ramtane Lamamra qui prenait du poids. Les réactions à l’intérieur de l’appareil ont poussé les décideurs à revenir sur leur première option, surtout que de véritables enjeux internationaux marquent le territoire. Mais les choses ne changeraient pas sur le plan pratique d’autant plus que le terrain des affaires étrangères était considéré comme la zone réservée de la présidence. Des couacs caractériseraient ce secteur.
L’intitulé du poste de Messahel prête à sourire : ministre des affaires maghrébines, de l’Union africaine et de la ligue arabe. Drôle ! On a ajouté « la coopération internationale » à Lamamra, alors que le « ministère des affaires étrangères » renferme naturellement la « coopération internationale ».
Aujourd’hui, Youcef Yousfi pourrait neutraliser le ministre de l’énergie en se muant en ministre bis de l’énergie. Il vient d’être repêché pour être nommé « ministre, conseiller auprès du président de la république chargé de l’énergie ». Poste sérieux ou simple repêchage sans réelles fonctions ou prérogatives ? L’histoire du double marque les jeux de sièges gouvernementaux.
Les hésitations, les reculades de ces derniers temps (cahier des charges automobile, affaire de l’alcool-Benyounès) , les attaques et le ton de Hanoune se plaçant comme porte-parole d’une partie du « pouvoir », les « oublis » et les repêchages après coup de ministres posent sérieusement problème et donnent à voir une gestion approximative dénuée de toute perspective stratégique. Où va le pays ? Ainsi, vit-on une gestion au jour le jour, avec des directions diffuses, qui fait qu’on prend une décision avant de la remettre en question, en fonction des déterminations de pouvoirs épars et de calculs conjoncturels.
Le moment tient lieu de stratégie. La précipitation semble gagner du terrain érodant dramatiquement l’appareil étatique perdant son autorité et son crédit. Le fameux discours du président et son remake, par la suite, après la suppression d’un passage sur la presse, les différentes reculades, les concessions faites aux importateurs, l’histoire abracadabrante des vins de Benyounès, la mauvaise gestion de l’affaire du Sud et des concessions automobiles révèlent la présence d’un Etat faible dont la fonction est formelle, donnant l’illusion d’assurer l’arbitrage des conflits et d’instaurer une certaine autorité.