Les événements s'accélèrent sur la scène politique, et les déclarations et contre-déclarations s'enchaînent et entrechoquent au fil des jours depuis la grenade lancée par Amar Saadani contre le DRS et son chef. Et tous les coups semblent permis dans ce duel inédit entre le département du renseignement et les soutiens du chef du FLN qui se recrutent généralement parmi les partisans du quatrième mandat.
Mais ceux qui pensaient que cette diatribe, certes gravissime, allait rester dans un cadre plus au moins "correct" entre un homme politique et un général de l'armée viennent d'être surpris par la tournure que prend cette affaire. C'est quasiment un procès en bonne et due forme que certains veulent intenter au chef du DRS devenu subitement l'ennemi public numéro 1 par la grâce d'une éructation irresponsable d'un homme politique pour le moins sulfureux.
Mine de rien, le très craint général Toufik dont la seule prononciation du prénom faisait glacer le sang de certains politicards est voué à la vindicte populaire. C'est jouer avec le feu que d'ouvrir un front pareil dans un pays très fragile politiquement. Les réactions inquiètes de la majorité des acteurs politiques et des personnalités nationales ayant condamné le brûlot indigne d'un homme politique responsable, donnent en effet toute la mesure, de la peur panique qui s'est emparée des algériens.
Jamais depuis la fameuse crise de l'été 1962, la crise politique en Algérie n'a été aussi menaçante.
Peur sur l'Algérie
La responsable du PT Mme Louiza Hanoune qui a pourtant bien accompagné le clan présidentiel, a raison cette fois de mettre en garde contre le fractionnement du pays. Elle a eu raison aussi de se soucier plus que jamais de l'avenir de l'Algérie quand on voit le chef de ses services secrets traité comme un vulgaire malfrat sur les colonnes des journaux par un personnage loin d'être au dessus de tout soupçon.
On est en effet à deux doigts de graves dérapages aux conséquences difficilement calculables. Ce ne serait pas faire preuve d'un patriotisme à deux balles que dire qu'il y a péril en la demeure. Les algériens ont légitimement peur. Ils ont peur des répliques possibles à la bombe de Saadani dont l'onde de choc s’étend au-delà du territoire national.
Quand on voit certains officiers, en rupture de ban connus pour leurs "idées" durant la décennie noire, à l'image de Mohamed Samraoui, celui là même qui a accusé le diplomate Mohamed Ziane Hasseni d’être le commanditaire de l'assassinat de Ali Mecil, ce qui avait provoqué une grave crise entre la France et l'Algérie, ce même ex officier du DRS partisan du "qui tue qui", reprendre du service et livrer opportunément, ses "analyses" sur le feuilleton Toufik-Saadani, il y a comme un incroyable retour à la case de départ.
Vu sous cet angle, il ne serait pas surprenant de voir le fameux Habib Souaidia, auteur d'un brûlot (la sale guerre) où il accusait l'ANP d’être derrière les massacres de civils, reprendre lui aussi du service pour nous expliquer cette nouvelle "sale guerre" qui se déroule sous nos yeux. Et quand on sait que toutes ces passes d'armes ne travaillent pas la démocratie ni la liberté en Algérie, les algériens ont toutes les raisons du monde d'avoir peur.