La démission du général Petraeus est-elle liée à l'affaire de Benghazi ? Au-delà de la question de mœurs qui a fait tomber le directeur de la CIA, les Etats-Unis se retrouvent plongés dans une saga qui affecte l'armée et les services de renseignement, alors que le président Obama a prévu un remaniement de son cabinet et notamment de l'appareil de sécurité nationale.
Dès la rentrée parlementaire, mardi 13 novembre, les élus ont couru de réunion à huis clos en briefing restreint, au Congrès, pour tenter de démêler l'écheveau d'un feuilleton qui a vu le FBI enquêter pendant des mois sur le directeur de la CIA, sans que le président des Etats-Unis ait été mis au courant.
Ils en sont ressortis en affichant l'intention de faire venir le général Petraeus pour clarifier la situation.
Le père de Paula Broadwell, la biographe ayant entretenu une liaison avec le général, a de son côté affirmé dans une interview au New York Daily News qu'il y a "beaucoup plus dans cette affaire que ce que l'on en voit pour l'instant. Beaucoup de choses qui vont sortir".
Le directeur de la CIA devait témoigner jeudi sur l'attaque du 11 septembre contre le consulat des Etats-Unis à Benghazi, en Libye, qui avait fait quatre morts américains.
Cette audition était réclamée de longue date par les républicains qui ont essayé d'exploiter pendant la campagne électorale les hésitations de l'administration Obama sur l'interprétation de l'assaut.
M. Petraeus ayant démissionné, c'est son adjoint, Mike Morrel, qui doit le remplacer devant le Congrès.Mais Dianne Feinstein, la présidente de la commission du renseignement au Sénat, a demandé à entendre en tout état de cause le général.
La sénatrice démocrate a été stupéfaite d'apprendre par le journaliste Bob Woodward que le directeur de la CIA s'était rendu à Benghazi fin octobre. Il y a interrogé le chef de poste de l'agence de contre-espionnage. Elle veut avoir connaissance de son rapport.
Du côté républicain, le représentant Peter King a fait part de soupçons plus directs.
Relevant que le 14 septembre, lors de sa première apparition au Congrès, le général avait abondé dans le sens de l'administration, il s'est demandé si, sachant qu'il était sous enquête, il n'avait pas " tenté d'éviter de créer de controverse".
L'enquête sur Paula Broadwell est intervenue alors que se déroulait l'investigation sur les failles de la sécurité à Benghazi.
L'un des volets a été confié au FBI, alors que la CIA possédait une antenne dans le périmètre du consulat. Selon la presse, le contre-espionnage a refusé de communiquer à la police fédérale la vidéo de sécurité qui montre le début de l'attaque.
Piste inédite expliquant l'attaque du consulat
Dans une conférence donnée à l'université de Denver, le 26 octobre, Paula Broadwell, qui avait été interrogée dans les jours précédents par le FBI, a évoqué une piste inédite expliquant l'attaque du consulat par les extrémistes libyens.
"Je ne sais pas si vous avez entendu ça, mais l'annexe de la CIA avait en fait quelques prisonniers parmi les membres des milices libyennes. Et ils ont pensé que l'attaque était une tentative de les libérer."
Or depuis le décret du président Obama de janvier 2009, la CIA n'a plus autorité pour faire des prisonniers, encore moins administrer des prisons secrètes.
"Toute suggestion selon laquelle l'agence effectuerait encore du travail lié à la détention est mal informée et sans fondement", a déclaré le porte-parole de la CIA Preston Golson.
Le FBI, qui souligne qu'aucun des protagonistes n'encourt de poursuites judiciaires, a néanmoins procédé à une perquisition de quatre heures lundi soir au domicile de Paula Broadwell et son mari, à Charlotte, en Caroline du Nord.
La divulgation de l'infidélité du général Petraeus semble avoir été accélérée par le zèle de l'agent local du FBI à Tampa qui avait eu le premier l'affaire en mains. Craignant que l'administration Obama ne cherche à étouffer toute polémique avant l'élection, il avait fait prévenir le représentant Eric Cantor, un républicain.
Le chef de l'Africom condamné pour malversations
Un autre officier supérieur américain est visé par une enquête du Pentagone. Le général William Ward, ex-commandant pour toute l'Afrique (Africom), a été rétrogradé et contraint par la justice militaire, mardi 13 novembre, à rembourser 82 000 dollars pour avoir utilisé indûment les moyens mis à sa disposition par le Pentagone.
Selon un rapport de l'Inspection générale, il voyageait, ainsi que sa femme, à des fins personnelles avec l'avion dont il disposait en tant que chef de l'Africom.
Il prolongeait également des voyages professionnels pour des motifs familiaux. Le secrétaire à la défense, Leon Panetta, a souligné que "les responsables devaient être exemplaires".