Chaque après-midi, après avoir fait la cuisine et le ménage et lavé à grande eau la maison de fond en comble car elle n’a jamais supporté la poussière et les microbes et qu’enfin elle disposait d’un instant à elle pour se reposer, la mère se mettait devant sa machine à coudre et confectionnait des petites robes en tissu fleuri qu’elle vendait ensuite à prix modique aux commerçants du quartier.
Pour tous les membres de la famille, cette machine à coudre était sacrée. C’était devenu l’emblème de la lutte pour la survie, le symbole de l’amour maternel. Son ronronnement régulier donnait à notre foyer un petit air d’usine de poche.
Certains soirs, les effluves de la guerre noircissaient le ciel au dessus de nos têtes. Partout dans le pays, la misère faisait ployer les échines. Alors, près du citronnier du patio, on écoutait la mère qui nous enseignait le courage et la patience.
Puis, sans se rendre compte, mille et une vies sont passées. Les joies ont succédé aux peines. La vieille machine à coudre a pris sa retraite à la maison. Le visage de la mère s’est densifié et brillait d’une lumière aurorale. Ce qu’il y avait de meilleur en nous, on le lui devait.