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La semi-faillite d’une économie rentière, le Venezuela : quelles leçons pour l’Algérie ?

19-05-2016 16:52  Pr Abderrahmane Mebtoul

Excessivement dépendante des fluctuations du prix du pétrole, l'économie vénézuélienne a été très touchée par la crise économique mondiale, et subit maintenant de plein fouet la baisse des cours pétroliers. C’est le paradoxe d’une économie rentière n’ayant pas profité de cette manne financière pour asseoir une économie productive concurrentielle, le Venezuela est un pays riche mais avec une population de plus en plus pauvre, le pays étant en 2016 au bord de la faillite. L’Algérie pour ne pas renouveler cette expérience malheureuse doit éviter des discours euphoriques et méditer la leçon vénézuélienne.

1.-Quelques indicateurs socio-économiques

D’une superficie de 912. 050 km²avec comme capitale Caracas et des principales villes, Maracaibo, Valencia, Barquisimeto, Maracay, Merida, Ciudad Bolivar avec environ 40 langues autochtones (wayuu, piaroa, pemón, guahibo, etc.), le Venezuela fait partie de l'OMC, de la Banque Mondiale, de la CEPALC (Commission économique pour l'Amérique Latine) de l'ALADI (Association Latino-américaine d'Intégratio et de la MCCA ( Marché Commun d'Amérique Centrale). Il est partenaire du MERCOSUR, s'étant retiré de la Communauté andine, qui regroupe plusieurs pays du cône sud, en 2006. Le Venezuela a une population de 31, 518 millions en 2016 dont 93, 4% urbaine et 6,6% rurale avec une densité de 28,5 habitants par km2, une espérance de vie de plus de 72 ans, et un taux d’alphabétisation de 95,5%. Pour l’indice de développement humain le pays a eu une note en 2015 de 0,762 et a été classé 71ème sur 187 pays. Avec la crise pétrolière le produit intérieur brut PIB, en milliards de dollars courants US (courants) a été de 298,38 en 2012, 218,43 en 2013, 206,25 en 2014, 131,86 en 2015 et les prévisions donnent 133,53 milliards de dollars en 2016 avec une décroissance en volume du PIB, de 3,9% en 2014 et de 8% en 2015. Les principaux secteurs d’activités dans le PIB : secteur agricole : 3,8 % ; secteur industriel : 45,8 % avec dominance des hydrocarbures ( 96% des exportations en devises ) et le secteur des services : 50,4 %. Les exportations de produits non pétroliers ne sont que marginales (4 à 5% du total) et sont en diminution constante en valeur et en volume en raison des difficultés croissantes rencontrées par l’appareil productif national. Elles sont dominées par les produits chimiques et minéraux (60% du total en 2014). Le taux de chômage officiel a évolué ainsi selon le Wordl Economic Outlook Database : 7,8% en 2012, 7,5% en 2013, 8,8% en 2014, 14,0% en 2015 et les prévisions 2016 donnent 18,1%, mais en réalité beaucoup plus avec une dominance des emplois-rentes. Toujours selon la même institution, le taux d’inflation a été de 21,1% en 2012, 40,6% en 2013, 62,2% en 2014, 159,1% en 2015 et plus de 180% en 2016 , certaines prévisions donnant 200% fin décembre 2016, une des plus élevée du monde. Cette spirale inflationniste entraine des pénuries de produits, une détérioration du pouvoir d’achat des couches les plus vulnérables et le nivellement par le bas des couches moyennes qui constituent la base du pouvoir. La balance des transactions courantes connait une nette détérioration, 11,02 milliards de dollars en 2012, 5,33 en 2013, 10,89 en 2014, un solde négatif de 3,98 milliards de dollars en 2015 et toujours un solde négatif en 2016 malgré toutes les restrictions de 1,9 milliards de dollars. La dette publique totale (interne et externe souveraine + PDVSA) s’élèverait à 80% du PIB fin 2015 contre 56% en 2014. Malgré la crise financière aiguë, le Venezuela a payé scrupuleusement les échéances de sa dette externe des quatre premiers mois de 2016 (environ 3,5 Mds USD) et continue d’affirmer qu’il ne fera pas défaut. Corrélée à la rente des hydrocarbures avec l’effondrement des réserves de change, selon François Faure, dans le figaro.fr (2015) économiste pour BNP Paribas, à mai 2015, le montant total des réserves de change du Venezuela étaient de 22 milliards de dollars dont 7,4 milliards en cash et le reste essentiellement en or. Selon le site fr.tradingeconomics.com, le montant des réserves de change était de 12, 731 milliards de dollars en avril 2016. La monnaie, le bolivar se cote 1$ = 10 bolivars au taux officiel et plus de 1100 bolivars au taux parallèle. Ses clients principalement les États-Unis (40%) ; la Chine (20%) ; l’Inde (10%) ; Singapour (5%) ; Cuba (5%) et ses fournisseurs sont les États-Unis (25%) ; la Chine (16%) ; Union européenne (14%) ; le Brésil (9%) et la Colombie (5%).

2.- le Venezuela, une économie rentière en faillite

Le Venezuela pays aurait des réserves de barils de pétrole de 300 milliards de barils, une des plus importantes du monde. Mais c’est un pétrole lourd, couteux à extraire et selon certains experts, en dessous de 100 dollars, il ne serait plus intéressant de l’extraire. Par ailleurs son principal marché par le passé, étant les Etats Unis d’Amérique, avec la révolution du pétrole et du gaz de schiste, les USA deviennent auto-suffisants et même exporteront prochainement. En plus, avec la déperdition de ses cadres, le manque d’investissement au niveau de la principale société vénézuélienne, entre 2013/2015, la production de pétrole est passée de 3,5 millions de barils jour à 2,5 millions de barils avec une très forte consommation intérieure, les prix pétroliers étant subventionnés. Se disant victime d’une guerre économique, le président du Venezuela Nicolas Maduro, face à l'ampleur de la crise économique, a décidé d’opérer un resserrement de la politique budgétaire, a décrété en janvier 2016 « l’état d’urgence économique » d’une durée de 2 mois renouvelable, d'augmenter le prix de l’essence (le litre d’essence super coûte désormais 6 bolivars contre 0,097 bolivars), une première depuis près de 20 ans (même si le prix reste particulièrement faible). Il a aussi autorisé une dévaluation de 58% et dont l’objectif serait de relancer la production locale, mais en réalité d’essayer de combler le déficit budgétaire au prix d’une inflation importée. En effet, selon une étude récente réalisée par BNP Paribas, le gouvernement a mis en place un système de rationnement. Chaque citoyen ne doit pas acheter plus que sa quote-part et il ne doit pas se rendre plus d'une fois par semaine dans les magasins publics. La banque centrale coordonne la mise à disposition des dollars issus, en grande partie, de la rente pétrolière en appliquant plusieurs taux de change, le plus faible concerne les produits de premières nécessités. Le gouvernement de Nicolas Maduro accuse les spéculateurs, les entreprises privées et l'opposition de gonfler les prix et d'asphyxier économiquement et par là de déstabiliser le pays, entendu le régime en place. Ne s’attaquant pas aux réformes structurelles, avec des actions conjoncturelles, il décrète l’occupation temporaire de grandes usines et des expropriations, solutions conjoncturelles, qui amplifient les tensions. Les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, l’activité économique au Venezuela devrait encore se contracter en 2016 et en cas d’un baril inférieur à 50/60 dollars (fonctionnant sur la base d’un cours supérieur à 120 dollars selon le FMI), s’amplifierait en 2017. Aussi, le ralentissement de l’investissement privé devrait se poursuivre malgré la probable élimination progressive des restrictions aux importations et aux devises. La méfiance des investisseurs locaux et étrangers face à l’insécurité du cadre juridique devrait encore favoriser les sorties de capitaux du pays. L’inflation devrait rester élevée, alimentée par l’expansion rapide de la masse monétaire et la forte dépréciation du bolivar face au dollar. Ainsi, selon l'association internationale du transport aérien (IATA) le pays n'ayant pas assez de devises étrangères pour payer tous ses créanciers, de nombreuses entreprises n'ont pas été payées, à commencer par les compagnies aériennes dont le montant serait d’environ de 3,6 milliards de dollars. Cela dénote le climat tant politique qu’économique puisque pour les libertés économiques, le Venezuela a été classé en 2015 à l’avant dernière place, 175/176 et au niveau du continent Amérique 28/29 et pour le climat des affaires dans les derniers rangs avec une note de 3,93 sur 10. Ainsi, le Venezuela n’aurait capté, selon la CEPAL, que 0,2% du total des idE nets destinés à la région (230 MUSD sur un total de plus de 153 Mds USD) et se positionne à la dix-septième place régionale des récepteurs d’idE ne dépassant que le Salvador et le Paraguay. D’un montant de 30 Mds USD en 2014 (contre 33 en 2013) selon la CNUCED, le stock d’idE au Venezuela le classe à la septième place régionale, derrière la Colombie ou l’Argentine. Selon la Banque Centrale, le flux idE entrants au Venezuela atteint 320 Ms USD en 2014 (en recul de 88% par rapport à 2013).

3.-Le Venezuela possède les potentialités de sortie de crise

Le modèle économique vénézuélien, basé sur une redistribution de la rente pétrolière, reposait sur deux postulats: la consommation interne et une forte dépense publique. La croissance, nourrie par les cours élevés du pétrole, a été, jusqu’en 2012, l’une des meilleures croissances d’Amérique latine, mais une croissance artificielle dampée par la dépense publique. Depuis cette date, l’aggravation des déséquilibres macroéconomiques et la chute des cours du pétrole (les exportations pétrolières représentent plus de 96% des ressources en devises du pays et plus de 60% de la fiscalité) ont totalement inversé cette tendance. Pourtant le Venezuela dispose de vastes ressources hydrauliques, ainsi que d’un potentiel agricole important. Les principales productions agricoles du pays sont le maïs, le soja, la canne à sucre, le riz, le coton, les bananes, les légumes, le café, la viande de bœuf et de porc, le lait, les œufs et le poisson. Comme mis en relief précédemment, doté de la première réserve mondiale de pétrole (299,95 Mds de barils en 2015), avant l’Arabie Saoudite, malgré un pétrole lourd, de la quatrième réserve mondiale de gaz naturel, le Venezuela est la 5ème puissance économique d’Amérique latine derrière le Brésil, le Mexique, l’Argentine et la Colombie. Membre fondateur de l’OPEP, il est le douzième producteur mondial de pétrole et le dixième exportateur de brut. Mais avec des réserves de change tendant vers zéro, un endettement de plus en plus lourd, réduisent les marges de manœuvre du gouvernement et rendent la menace d’un défaut de paiement de la dette externe vénézuélienne probable en cas d’un cours inférieur à 70 dollars. Le Venezuela a évité de justesse le défaut en 2015 grâce aux prêts accordés par la Chine et a réussi à honorer l’échéance de février 2016 (1,5 milliards USD), mais les deux échéances les plus importantes sont à venir (autour de 4,8 milliards USD), prévues en octobre et novembre 2016. Malgré les augmentations de salaire, le pouvoir d’achat est en baisse, la pauvreté augmente et le système de santé se dégrade. Le taux de chômage explose. Le pays fait également face à une montée de l’insécurité, avec le taux d’homicide le plus élevé du continent latino-américain.

En résumé, en précisant que dans la pratique des affaires et en politique n’existent pas de sentiments, vu les intérêts stratégiques de Pékin dans le pays, la Chine viendra-elle en aide au Venezuela ? Ne soyons pas utopiques n, toute solution est avant tout interne, résidant en une nette volonté politique du pouvoir vénézuélien d’approfondir la réforme globale. Aussi il ne faut pas avoir une vision de sinistrose. En plus de réserves de pétrole, le pays dispose de ressources minières et agricoles considérables, d’un territoire propice au tourisme d’une société civile active et surtout d’un système socio-éducatif de bonne qualité, la ressource humaine fondement du développement, autant d'atouts aujourd'hui sous-exploités par le gouvernement au pouvoir. Sous réserve de profondes réformes structurelles et d’une vision loin du populisme stérile qui a conduit le pays cette situation, réformes qui déplaceront forcément des segments de pouvoir assis sur la rente, le Venezuela a toutes les potentialités pour devenir un pays émergent. L’Algérie pour ne pas renouveler cette expérience malheureuse de semi- faillite doit éviter des discours euphoriques et méditer la leçon vénézuélienne, un modèle que le Parti des travailleurs-PT (voir les discours du PT transcrits dans www.google.com entre 2006/2010) défendait corps et âme, et que ce Parti voulait instaurer pour l’Algérie.

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