La Russie a mis sa menace à exécution lundi et coupé le gaz à l'Ukraine après l'échec de leurs négociations, risquant d'affecter l'Europe et d'aggraver le pire conflit sur ce continent depuis la fin de la Guerre froide.
Cette crise s'ajoute à une insurrection pro-russe dans l'Est où les séparatistes ont occupé lundi le bâtiment de la Banque centrale à Donetsk, la capitale régionale, et ont ainsi «paralysé», selon Kiev, le système financier régional.
Entre-temps, la Russie a «réduit à zéro» les livraisons de gaz à l'Ukraine, ne laissant entrer que les volumes destinés aux pays européens, a indiqué le ministre ukrainien de l'Energie Iouri Prodan, assurant que son pays ne perturberait pas le transit vers l'Europe.
Le directeur général du géant gazier russe Gazprom, Alexeï Miller, a déclaré qu'il n'y avait «plus matière à discussion» avec l'Ukraine, qu'il a accusée de «chantage» après l'échec des négociations qui a conduit à la décision de cesser les approvisionnements.
Le Premier ministre ukrainien a dénoncé de son côté une mesure entrant, selon lui, dans un plan russe pour «détruire l'Ukraine».
«C'est une nouvelle étape de l'agression russe contre l'Ukraine», a-t-il affirmé.
Après des crises similaires en 2006 et 2009 qui avaient affecté les approvisionnements en gaz de l'Europe, celle-ci, survenue juste avant l'été, n'aura pas d'impact immédiat.
«Nous ne voyons pas de menace pour les approvisionnement de l'Allemagne» gros consommateur du gaz russe, a réagi un porte-parole du ministère allemand de l'Economie.
Près de la moitié du gaz importé de Russie en Europe, soit environ 15% de la consommation européenne, transite par le territoire ukrainien.
Le commissaire européen à l'Energie, Guenther Oettinger, a néanmoins averti que l'Europe pourrait être confrontée cet hiver à une pénurie de gaz si l'Ukraine puisait dans les réserves présentes sur son sol.
Gazprom a de son côté mis en garde l'UE quant à de «possibles perturbations» si l'Ukraine prélevait du gaz sur les volumes en transit, comme ce fut le cas pendant les précédents conflits liés au gaz.
A l'expiration de son ultimatum lundi à 06H00 GMT, Gazprom a annoncé qu'il ne fournirait à l'Ukraine, dont la dette gazière atteint 4,5 milliards de dollars, que ce qu'elle règlerait à l'avance.
La compagnie ukrainienne «Naftogaz reçoit son gaz pour les volumes qu'elle paye. Rien n'a été payé, donc rien» ne sera livré, a résumé le porte-parole de Gazprom, Sergueï Kouprianov.
Le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a appelé lundi la Russie et l'Ukraine à «faire un effort» pour trouver un accord en vue d'une reprise des livraisons de gaz.
Cour d'arbitrage internationale
Gazprom a aussi annoncé lundi avoir saisi la cour d'arbitrage internationale de Stockholm concernant la dette gazière de l'Ukraine. Kiev a aussitôt répliqué en déclarant avoir entamé une procédure devant la même juridiction en ce qui concerne le prix du gaz.
Naftogaz réclame en outre six milliards de dollars à la partie russe, estimant avoir trop payé depuis 2010.
L'Ukraine a refusé la hausse des prix décidée par Moscou après l'arrivée au pouvoir de dirigeants pro-occidentaux fin février, conséquence de la chute du président pro-russe Viktor Ianoukovitch : les 1.000 mètres cubes de gaz sont alors passés de 268 à 485 dollars, un prix sans équivalent en Europe. Dans sa «dernière offre», Moscou avait proposé 385 dollars.
Après l'espoir d'une détente né des premiers contacts entre le président russe Vladimir Poutine et le nouveau chef de l'État ukrainien Petro Porochenko, le ton est à nouveau monté entre Kiev et Moscou au cours du week-end.
Les séparatistes occupent la Banque centrale
Sur le terrain, les séparatistes ont étendu lundi leur emprise en occupant le bâtiment de la Banque centrale à Donetsk sans que les forces de l'ordre ne les en empêchent.
Il s'agit désormais de «subordonner la Banque centrale, le ministère des Impôts et le Trésor à la République populaire (autoproclamée, NDLR) de Donetsk», a déclaré à l'AFP Olexandre Matiouchine, l'un des hommes armés en treillis et gilet pare-balles postés devant le bâtiment, d'où sortaient les employés de la banque.
«Le système financier est paralysé. Le versement des salaires et des retraites est suspendu», a indiqué le gouvernement ukrainien dans un communiqué.
Petro Porochenko a convoqué pour lundi à 13H00 GMT une réunion du Conseil de sécurité nationale afin de donner une «réponse adéquate» aux rebelles qui ont abattu samedi un avion de transport militaire à Lougansk, faisant 49 morts.
Il s'agit de l'attaque la plus meurtrière pour l'armée ukrainienne depuis le déclenchement le 13 avril d'une opération militaire dans l'Est, qui a fait plus de 300 morts.
Selon le ministre ukrainien de la Défense Mikhaïlo Koval, la possibilité d'introduire la loi martiale dans ces régions rebelles sera examinée au cours de cette réunion. (Afp)