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La révolution victorieuse

30-04-2019 12:44  Contribution

Par Ali Benflis

Deux semaines seulement après son déclenchement, et sansattendre d’avoir le recul nécessaire pour en juger, la révolution démocratiquepacifique en marche dans notre pays est au cœur de questionnements tous azimutssur son bilan. A-t-elle atteint ses buts ? Fait-elle du surplace ? Aquel sort est-elle vouée ? Ces questionnements peuvent ressortir d’unbilan d’étape, mais certainement pas d’un bilan définitif. L’heure n’est doncpas à ce un bilan définitif car celui-ci ne pourra être établi, avec lesindispensables rigueur et justesse, qu’au moment de l’émergence  ou non du nouveau système politique voulu parla révolution démocratique  et de saconformité ou non aux revendications légitimes qu’elle porte.

L’heure n’est donc qu’à un bilan d’étape et celui-ci est déjàconsidérable. Il ne s’agit même pas d’un verre à moitié rempli sur lequel unregard pessimiste verrait un verre à moitié vide et un regard plusoptimiste  un verre à moitié plein. L’onen est plus là car la révolution démocratique pacifique a déjà créé son faitaccompli sur lequel, il n’ya plus de retour possible, tout comme elle a déjàinscrit l’histoire nationale dans une trajectoire qu’il n’est plus possible dedévier ou d’inverser. Oui, en deux mois seulement, les réalisations de cette révolutionfont forte impression. Il y’a bien sûr les réalisations visibles, mesurables etquantifiables. Mais, il y’a aussi et surtout ces nombreuses autres réalisations,de loin les plus déterminantes, et qui ne peuvent pour l’instant être évaluéesou appréciées à leur juste valeur. De quoi s’agit-il ?

Il s’agit d’abord de la modernité politique .L’histoireenseigne que c’est généralement aux Etats que revient la charge de conduireleurs peuples vers la modernité politique par des visions continuellementadaptées, par des projets nationaux constamment renouvelés et par des réformesqui brisent, jour après jour, les carcans de la stagnation. Chez nous, ce n’estpas l’Etat qui a mené le peuple vers la modernité politique. Tout au contraire,c’est le peuple lui-même qui a contraint l’Etat à s’affranchir de sesarchaïsmes et lui a imposé une entrée forcée dans la modernité politique.

Il s’agit ensuite « la mentalité du Beylik ». Cettementalité est prégnante chez le peuple Algérien. Elle fait partie de sa longuehistoire tourmentée dont les séquelles mettent du temps à se dissiper.  La révolution démocratique pacifique enmarche a fait prendre conscience au peuple Algérien que ce qu’il appelait le« Beylik » était son Etat, que cet Etat lui appartenait et qu’ildevait en reprendre possession.

Il s’agit enfin de la République Citoyenne. La Républiquen’est véritablement République que par la Citoyenneté. C’est de la Citoyennetéque la République tire son existence, son épanouissement et sa raisond’être.  Dans la République, le peupleest constitué de citoyens jouissant de la plénitude et de l’entièreté desattributs de la Citoyenneté. Et c’est ainsi, qu’à travers sa révolutiondémocratique, le peuple a entrepris de réclamer son dû. Qu’est-ce à dire ?Cela veut dire que le pouvoir constituant appartient au peuple et que laconstitution, en tant que pacte social, en soit l’émanation. Cela veut direaussi, que le peuple étant la source de toute légitimité, ses représentantsdoivent en être régulièrement investis. Cela veut dire que le peuple se donneles institutions de son choix, et qu’à ce titre l’institution doit sa créationau peuple lui-même et tire sa raison d’exister de la satisfaction de sesattentes et de ses aspirations. Cela veut dire que le Peuple est source de tousles pouvoirs et qu’aucun pouvoir ne peut être exercé en dehors del’habilitation et de la volonté du peuple lui-même. Ce faisant, le peuple s’estposé au cœur de la construction de l’Etat démocratique et moderne auquel ilaspire.

Voilà les trois gains majeurs que la révolution démocratiquepacifique a déjà réalisés. Ils sont d’une portée considérable pour l’avenir.Ils relèvent de l’ordre du psychologique et du mental, et en tant que tels, leur impact et leur portée ne peuventdès maintenant être  cernés avecprécision. Mais l’avenir confirmera, à n’en point douter, qu’ils auront été leferment de la refondation démocratique dans notre pays, car beaucoup plusqu’une révolution sur le terrain proprement politique, la révolutiondémocratique pacifique est surtout, et avant tout, une révolution dans lesmentalités, qui seule peut créer le point de non retour et le point du nouveaudépart.

Aux côtés de ces réalisation immatérielles, il en est d’autresmatérialisables et matérialisés à l’actif de la révolution démocratiquepacifique dont le potentiel créateur n’a pas été épuisé.

Il y a le départ du concepteur et de l’architecte d’un régimepolitique dévoyé dépeint sous les traits de l’homme providentiel sanctifié. Etlorsque l’on sait que ce régime a été bâti autour de cet homme , que lesinstitutions républicaines ont été mises à son service, que la constitution aété taillée à sa mesure et que l’Etat lui-même a été privatisé pour ne servirque son bon vouloir, l’on mesure toute l’importance de ce gain que la révolutiondémocratique pacifique a inscrit à son actif.

Il y a aussi, le régime politique lui-même, dont toutes lesunités constitutives voient leurs bâtisses s’effondrer les unes après les autres.Les partis de l’allégeance sombrent dans l’inconnu. Les clientèles économiquesabjurent leur loyauté et leur fidélité. Le syndicat aux ordres est en pleinetourmente. Les associations satellites s’épuisent à rechercher le sens du vent.Tout cela donne lieu à des retournements spectaculaires et à des conversionsdifficiles à croire en prévision de lendemains dont on sait, au moins, qu’ilsne seront pas comme ceux d’avant.

Il y a également, toutes les médiations traditionnelles,partis politiques, syndicats et associations, que la révolution démocratiquepacifique est venue sommer de se repenser et de se reconstruire. Les partispolitiques, qui tournaient en vase clos, se voient contraints de coller auPeuple au plus prés. Le monopole syndical est battu en brèche, et sur sesdécombres l’avenir est au pluralisme syndical. Les associations rentières sedélitent pour laisser place à une société civile soustraite à l’appât du gainpour mieux servir des projets, des causes et des idéaux.

Il y a en outre, les medias d’Etat, devenus les mediasd’un régime politique, qui s’emploient à réhabiliter leur mission de servicepublic, alors que les medias privés s’attachent à briser les chaines par lesquelles les tenaient, tantôt l’argentdouteux et  tantôt la manne publicitairequi sait comment obtenir tous les accommodements et toutes les compromissions.

Il y a la justice, dont l’idée même d’indépendance a étéeffacée des mémoires, qui au sortir d’un long cauchemar , entame saréconciliation avec ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être, c’est-à-direun pouvoir agissant au nom du Peuple, pour donner corps à la primauté de la loiet à l’égalité de tous devant elle.

Il y a enfin, la grande criminalité économique et financièreà laquelle la révolution démocratique pacifique est venue donner un coup defrein salvateur.

La révolution démocratique pacifique en cours dans notre paysest une lueur d’espoir dans un champ de ruines politique, économique et social.Rien ne sera désormais comme avant et demain ne ressemblera pas à hier. L’éveilque cette révolution a produit dans les mentalités est un levier puissant etincomparable sur lequel il sera possible de s’appuyer pour rebâtir.

 Si le génie du peuples’exprime dans l’adversité, le Peuple Algérien en a fait la démonstrationexemplaire, et quoi qu’il advienne, sa révolution est déjà victorieuse.

Alger le 29 Avril 2019

Ali Benflis

 

 

 

 

 

 

 



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