Par Salim Tamani
C’est dans un contexte particulier qu’aura lieu cette année l’élection présidentielle américaine. Au-delà des débats internes qui font rage entre le candidat Républicain Donald Trump et candidate démocrate, Hillary Clinton, le monde arabe suit avec une attention très particulière ce scrutin qui déterminera l’avenir de la première puissance mondiale. Et la question est de savoir quelle sera la nouvelle politique étrangère de Washington et particulièrement vis-à-vis du Proche Orient au lendemain du verdict des urnes de ce 8 novembre ?
Posons la question autrement. On sait que le monde arabe commémore, dans la douleur, cette année le 5eme anniversaire du Printemps arabe qui a abouti à la chute des dictatures et permis l’amorce de processus démocratiques qui, au mieux, demeurent au stade des balbutiements et au pire connaissent des situations de conflits et de guerre. Seule la Tunisie peut se targuer d’être l’hirondelle des révolutions arabes. L’Egypte, pays pivot du Proche Orient, a connu une situation difficile mais l’armée, véritable colonne vertébrale du régime, continue de peser dans l’échiquier politique du pays. En revanche d’autres pays comme la Syrie, la Libye, le Yémen vivent des crises politico-sécuritaires d’une gravité extrême démontrant l’impossibilité de calquer le modèle démocratique occidentale au monde arabe dont les caractéristiques politiques, sociétales et culturelles sont profondément différentes de l’ouest.
Il y a également une question que beaucoup d’experts oublient de citer dans l’analyse de la complexité du monde arabo-musulman. Le dossier israélo-palestinien dont le blocage du processus de paix alimente tous les mouvements radicaux que financent certaines monarchies du golfe.
Sur toutes ces questions, la campagne pour la présidentielle US n’a pas apporté de réponses, exceptés, bien entendu, le soutien indéfectible des deux candidats à Israël qualifié de « l’Etat le plus démocratique de la région du Moyen Orient » mais avec une nuance de taille. Hillary a toujours affiché un soutien plus prononcé à l’Etat hébreu. On se souvient qu’en 2009, alors secrétaire d’état, elle avait exigé des pays arabes de normaliser leurs relations avec Tel Aviv. On comprend mieux cette donne lorsqu’on sait que sur les neuf plus grands contributeurs à la campagne d’Hillary Clinton, huit appartiennent au lobby israélien. De son coté, Donald Trump, a remis en cause l’engagement d’Israël pour la paix, appelé à un accord israélo-palestinien juste et refusé de soutenir le projet d’une Jérusalem indivisible capitale d’Israël. Une position qui a valu la désaffection du lobby israélien qui n’a pas incité ses donateurs à contribuer au financement de la campagne du candidat républicain.
L’instabilité au Proche-Orient et la récession mondiale
Quelle politique vont appliquer les USA dans la région ? y aura-t-il une nouvelle vision par rapport aux révolutions arabes qui ont apporté beaucoup plus d’instabilité que de libertés ? Quelle sera sa stratégie énergétique, sachant que la réduction des prix du pétrole a fragilisé les pays pétroliers dans le golf, y compris l’allié saoudien qui vient de réduire les salaires des ministres et des députés pour faire face à la baisse des revenus ? Comment Washington va gérer le dossier syrien ? Quelle sera la place de l’Iran face à l’allié saoudien et à l’encombrant allié israélien ?
Dans un contexte de récession mondiale et d’instabilité politique au Proche Orient, les américains devront faire face à des choix difficiles. Si le président Barack Obama avait jeté les bases de la démocratie lors de son discours prononcé au Caire en juin 2009, il n’en reste pas moins qu’il a ouvert la boite de Pandore. Du coup, des siècles d’histoires, de répression, d’injustices et d’impostures ont rejailli à la surface.
Le prochain président des USA est appelé à rééquilibrer la politique étrangères dans une région où le nombre d’alliés a augmenté mais sans en révéler un leader puissant. En plus du Caire et de Ryad, Doha et Ankara ont joué un rôle crucial durant le printemps arabe en apportant un soutien politique et financier aux mouvements islamistes. Cette stratégie s’est avérée infructueuse dès lors que l’arrivée des islamistes au pouvoir n’a pas apporté la paix. Bien au contraire, elle a charrié désastre et destruction constituant une véritable menace pour les intérêts US dans la région.
La menace que fait peser le terrorisme sur le monde entier constitue l’un des axes stratégique de la politique étrangère américaine. Il n’en demeure pas moins que cette stratégie bute sur la vision étriquée selon laquelle «une alliance avec les groupes terroristes modérés » peut constituer une base pour ramener la paix en Syrie, en Libye ou au Yémen. C’est totalement faux. Le terrorisme s’inspire de la même idéologie totalitaire qu’est l’islamisme radical salafiste financé par les monarchies du golfe et instrumentalisé par l’occident et Israël. Il est impossible de lutter militairement contre le terrorisme si Washington poursuivra sa politique de soutien aux partis et organisations qui continuent de s’inspirer du totalitarisme et qui appellent au changement violent des régimes.
Washington avait soutenu à la fin des années 70 les groupes islamistes afghans pour lutter contre le communisme. Cette soutien a donné lieux à la naissance des premiers groupes radicaux, appelés les « afghans arabes ». Une fois revenus dans leur pays d’origine, ces membres ont construit les premières cellules terroristes. Le cas Algérien est édifiant à ce sujet.
La même situation est en train de se reproduire dans le sillage des bouleversements qui se sont produits au cours des révolutions arabes. Les éléments de l’organisation terroriste Daech ont, à leur tour, créée des cellules terroriste en Europe. Les attentats de Paris, Bruxelles et de Nice le prouvent. Il faut ajouter à cela, la vague migratoire qui a dévasté l’Europe, conséquence de la dégradation de la situation dans beaucoup de pays de la région MENA.
5 ans après le printemps arabe, les USA doivent comprendre que ce qui est valable en occident ne l’est pas dans le monde arabe, que la démocratie occidentale construite sur des siècles de luttes ne peut être appliquée à travers des élections, que la culture démocratique doit d’abord être enseignée à l’école.
C’est la première et véritable bataille de la démocratie dans le monde arabe. Les islamistes veulent dominer l’école afin de garder leur influence sur la société. Les batailles idéologiques prennent souvent le pas sur la qualité de l’enseignement, ce qui en partie provoque la fuite des cerveaux vers l’occident et fragilise les espoirs d’un renouveau industriel et économique qui permet une reprise de la croissance et de la prospérité dans cette partie du monde tant convoitée par les autres et paradoxalement fuie par ses enfants.