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La politique et son cinéma

20-07-2014 19:57  Rafik Benasseur

Décidément le gouvernement confond entre autorité et autoritarisme. Sinon comment expliquer son énième refus à la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (CNLTD) d’organiser une conférence thématique dans une salle de cinéma ?

C’est la triste réalité dans un pays où se réunir entre algériens est déjà un délit et parler des choses politiques équivaut presque à une émeute selon les tenants du pouvoir. En effet, les animateurs de la CNLTD viennent de recevoir une niet catégorique de la part de la wilaya d’Alger pour sa demande d’une autorisation de réunion à la salle Riadh El Feth, à Alger initialement prévue demain.

Motif ? La lettre de la wilaya d’Alger souligne que «le lieu choisi par les organisateurs est à caractère culturel et que cette réunion «coïnciderait avec la tenue de plusieurs événements culturels programmés durant le mois de Ramadhan». Inutile de s’arrêter sur ces motifs très terre à terre d’une administration aux ordres.

Comme par hasard, la wilaya attend la veille de cette réunion pour informer les demandeurs qu’elle était annulée... ! Ce sont là des méthodes dignes des années de plomb où les algériens sont surveillés y compris dans leurs maisons. Ne pas accorder l’autorisation de réunion à des partis politiques au prétexte que la salle est à «caractère culturel» prête presque à rire dans un pays où la culture est le parent pauvre du développement national.

La CNLTD, joue mal...

Quelle est donc cette méga-projection prévue à la salle Mohamed Zinet en avant première mondiale pour interdire une rencontre politique de responsables de partis légalement agréés ? Il y en a évidemment pas puisque la production cinématographique en Algérie est quasi nulle et ces salles de cinéma résiduelles se contentent de quelques films d’époque voire des projections vidéo ou encore des galas de danse...

Mais au-delà de cette raison burlesque, mise en relief dans le courrier de la wilaya d’Alger, pour justifier le refus à la CNLTD, il y a lieu de s’inquiéter d’un basculement progressif dans le l’État de non droit. Que des partis soutenant le président ou qui rôdent dans la galaxie du pouvoir puissent s’offrir n’importe quelle salle, et que ceux de l’opposition y sont remballés comme des malfrats, a en effet de quoi choquer.

Les salles pour les souteneurs...

Cela donne assurément raison à l’ex chef du gouvernement Mouloud Hamrouche qui redoute une «déliquescence de l’État». Ces méthodes sont en effet en décalage même par rapport aux années 90. Il y a en Algérie une nette régression des libertés publiques, qui plus est, paradoxalement dans un contexte sécuritaire nettement moins tendu.

Le pouvoir est devenu allergique à toute voix discordante. Son refus d’autoriser cette réunion de la CNLTD est clairement un signe de panique. Le parti Jil jadid à l’origine de la demande d’autorisation a condamné aujourd’hui la décision de la wilaya. Tout en soutenant «qu’aucune activité culturelle n’est prévue au niveau de la salle le 21 juillet», le parti de Sofiane Djilali, rappelle à juste titre, que plusieurs réunions politiques ont été organisées dans cette même salle décrétée curieusement «à caractère culturel» par la wilaya d’Alger. Au fait, ces responsables de la wilaya d’Alger ont-ils oublié que la première Constitution algérienne (1963) a été confectionnée dans une salle de cinéma (Le Majestic devenu Atlas) ?



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