Deux distorsions de l’esprit représentent une grande menace pour chaque être humain tout le long de sa vie : d’un côté, une autosatisfaction béate et complaisante (a fortiori lorsqu’elle n’est pas justifiée par un succès ou un mérite) et de l’autre, une autodépréciation systématique et démotivante.
Ces deux attitudes mentales contraires sont très fréquentes chez les individus et, par extension, chez les peuples en situation d’instabilité ou de crise. Dans son ouvrage «Arabes, si vous parliez ?», l’ancien président tunisien Moncef Marzouki (qui est psychiatre de formation) a analysé ce concept de «l’auto-dénigrement» appliqué à l’Être arabo-musulman (pris en tant qu’entité symbolique). Il a soutenu qu’un tel comportement est induit par l’opinion négative que ce dernier aurait de lui-même, et qui l’empêcherait de vivre de manière harmonieuse dans le présent et de se projeter positivement dans l’avenir.
Un second danger (diamétralement opposé à celui analysé par Marzouki dans son livre, mais tout aussi néfaste) guette également cet «Être arabo-musulman»- pris en tant qu’archétype de l’individu en situation de doute ou de crise : cela consiste à avoir une vision idyllique de soi-même, en contradiction avec la réalité. Un tel aveuglement n’encourage évidemment pas à se remettre en question, à reconnaître ses fautes, pour pouvoir, à partir de là, identifier ses lacunes et se reconstruire.
«La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil» écrivait le poète René Char. Or on peut bien se mentir du matin au soir, aussi bien à son profit qu’à son détriment : la place exacte d’un homme (ou d’un peuple) est celle du fruit de ses ambitions et de son labeur, pas le strapontin de ses illusions.