Le fondement de la crise mondiale actuelle s’explique par le fait qu’il y a suprématie de la sphère financière spéculative sur la sphère réelle, la dominance des profits spéculatifs sur le travail. Or, comme nous l’ont enseigné les fondateurs de la science économique, l’économie étant avant tout politique, la ressource humaine mue par l’entreprise est le fondement de la richesse des nations. Cela implique tant la refonte interne des Etats que les relations internationales fondée sur la morale
1- Crise mondiale et morale
L’économie mondiale traverse une crise depuis octobre 2008 qui n’est pas encore terminée et qui aura des répercussions sur l’ensemble des pays sans exception car nous sommes à l’ère de la mondialisation du fait de l’interdépendance des économies et des sociétés. Importantes reconfigurations géostratégiques et énergétiques sont également à prévoir dans les années à venir notamment au Moyen orient et en Afrique. Aucun pays ne peut y échapper si l’on ne met pas en place de nouveaux mécanismes de régulation supranationaux afin de réhabiliter la sphère réelle, la monnaie étant un signe au service de l’économie et non la dominer. Et ce bien entendu, dans le cadre d’une économie mondiale concurrentielle tenant compte des avantages comparatifs mondiaux, devant lier l’efficacité économique avec une profonde justice sociale, les économistes parleront d’équité. C’est que nous sommes à l’aube d’une nouvelle transition de la société mondiale avec de profonds bouleversements géostratégiques, ce qui supposera des ajustements sociaux douloureux et donc une nouvelle régulation sociale afin d‘éviter les exclusions. Le chacun pour soi serait suicidaire et nous ramènerait aux conséquences néfastes des effets de la crise de 1929, avec des conflits désastreux. Pour cela, les politiques et les économistes doivent réhabiliter un facteur stratégique du développement, la morale. Car existe des liens inextricables entre un développement durable et la morale, en fait la récompense de l’effort et une lutte contre la corruption sous ses différentes formes. Lors de plusieurs rencontres internationales de la première importance animées par d’importantes personnalités internationales, et dont j’ai été un des participants, la majorité des participants des deux rives de la méditerranée ont mis en relief que la mise en place de nouvelles institutions démocratiques, occasionnent à court terme un ralentissement économique. La majorité des prix Nobel de sciences économiques entre 2000/2014 ont nettement mis en relief les liens dialectiques entre institutions et développement. Le changement d’institutions a certes un effet négatif sur la croissance à court terme, donne l’impression d’une anarchie, une propagande des tenants des acteurs de l’ancien système pour qui stabilité s’assimile faussement à développement alors que les institutions non adaptées sont source de gaspillage des ressources financières avec une concentration du revenu national au profit d’une minorité rentière. Par contre, à moyen et long terme, les nouvelles institutions fondées sur des bases démocratiques tenant compte de l’anthropologie de chaque société peuvent contribuer au développement réalisant la symbiose citoyens/Etat dans le cadre d’une société plus participative et plus humanisée. Les discours chauvinistes, soi-disant nationalistes de certains dirigeants de pays qui n’arrivent pas à décoller économiquement et du fait de tensions sociales internes , parlent de complots de l’extérieur, discours ne portent plus au sein d’une population à majorité jeune parabolée ouverte sur le monde. Et il semble bien qu’avec les bouleversements actuels que les dictatures et les autoritarismes sont devenus, dans un monde complexe, de très graves menaces à la souveraineté et à l’indépendance de ces pays et d’une manière générale à la sécurité mondiale. Les dirigeants du Nord portent une lourde responsabilité en étant mus par des intérêts matériels étroits à court terme. Le terrorisme se nourrit de la mauvaise gouvernance de ses dirigeants qui engendrent la misère pour la majorité les poussant au désespoir. L’hommage mondial rendu au feu Nelson Mandela fondateur de la démocratie en Afrique doit être méditée. Dans ce contexte, il ya lieu impérativement de repenser le fonctionnement du système économique et politique international, et notamment des politiques de complaisance de l’Occident vis-à-vis de ces dictatures qui menacent la sécurité mondiale, impliquant plus de moralité des dirigeants de l’Occident, car s’il y a des corrompus, il y a forcément des corrupteurs. Qu’on lise les rapports internationaux récents mettant en relief ces transferts faramineux illicites de capitaux du tiers monde vers l’Occident, uniquement pour l’Afrique un transfert supérieur à son produit intérieur brut (PIB)
2.-Adaptation aux nouvelles mutations, géostratégiques, condition de la stabilité de l’Algérie
L’Algérie a deux choix : faire des efforts pour réformer ses institutions et l’économie vers plus de démocratie et de transparence notamment de la gestion de la rente des hydrocarbures, des réserves de change, des subventions généralisées sans ciblage, des fonds spéciaux, du fonds de régulation des recettes, condition d’une production et d’exportation hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales, ou régresser vers une attitude protectionniste en maintenant le statu quo politique et économique avec les risques d’une régression économique et sociale. Aussi, il s’agit d’éviter de dépenser sans compter, de dresser un bilan serein sans complaisance tant interne ainsi que de notre diplomatie , d’avoir une vision stratégique à moyen et long terme , devant pour paraphraser les militaires différencier stratégique et tactiques, et donc de tracer les perspectives réalistes tenant compte des nouvelles mutations géostratégiques mondiales. Il faut être pragmatique, évaluer objectivement certaines décisions et les politiques publiques pour se corriger. Il s’agit d’avoir un discours de vérité loin du populisme dévastateur pour les générations futures. Les intérêts rentiers diabolisent sous le couvert du slogan «bradage du patrimoine national» tant le secteur privé national qu’international, et également les véritables managers des entreprises publiques dont la majorité sont honnêtes, limitant l’autonomie de gestion par des actions bureaucratiques centralisées, alors qu’en ce univers mondialisé turbulent et incertain toute décision de management stratégique doit être prise en temps réel. Le constat unanime est que les résultats sont loin des potentialités du pays . L’Algérie située dans une région turbulente, mais qui recèle d’importantes potentialités peut surmonter la crise multidimensionnelle à laquelle elle est actuellement confrontée. Et là on revient toujours à la morale : la vertu du travail, intiment liée à l‘Etat de droit et à la démocratisation de la société, surtout des responsables qui doivent donner l’exemple s’ils veulent mobiliser leur population et éviter la décadence de la société algérienne, cette société anémique, qui conduit à la décadence, analysée avec minutie par le grand sociologue maghrébin Ibn Khaldoun. Ce sont les conditions du développement de l’Algérie sans lesquelles il ne peut y avoir de stabilité à terme, la stabilité de l’Algérie qui conditionne d’ailleurs la stabilité tant de la région euro-méditerranéenne, du Sahel que de l’Afrique(1).
Abderrahmane Mebtoul, Professeur des Universités Expert international en management stratégique
ademmebtoul@gmailcom-
(1) –Voir étude réalisée par le professeur Abderrahmane MEBTOUL « Les enjeux géostratégiques des relations Europe/Maghreb » (Institut Français des Relations Internationales -IFRI –Edition -Paris/ Bruxelles - novembre 2011 -70 pages)