Elle marchait seule, la nuit, dans cette station balnéaire, surpeuplée l’été, du sud de l’Espagne. La musique trépidante qui sortait des discothèques remontait, vague après vague, jusqu’aux balcons des buildings. Qui était cette étrange jeune femme qui marchait à pas lents, en écoutant sur son lecteur mp3 des versets du Coran ? A quoi pensait-elle cette colombe solitaire qui écoutait les mots du ciel avant de regagner son nid ?
Dans Benidorm étourdie par la fureur et le bruit, elle marchait, troublante, mystérieuse, insaisissable comme la vérité. Ses cheveux blonds, dans la brise du soir, lui tressaient un diadème de lumière. Je l’ai suivie du regard, sans essayer de chercher une explication à cette situation insolite. Où allait-elle ainsi, le visage transparent où on pouvait voir son âme ?
Comme une énigme dans la nuit, cette femme m’est apparue, et les versets célestes qui l’accompagnaient semblaient lui tracer un chemin au milieu de nulle part. Elle marchait dans le vacarme, au centre de la légèreté générale, et sa présence exprimait l’insoutenable gravité de l’être.
Puis je l’ai regardée disparaître, au loin, comme une étoile filante dans le ciel d’été. Cela a duré quelques minutes, ensuite le couvercle de la malle s’est refermé sur son secret. Par grappes, les touristes anglais revenaient des terrasses du bord de mer pour rejoindre leur hôtel. Selon l’Institut espagnol des statistiques, l’Espagne recevra plus de 80 millions de visiteurs, cette année.