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La Grande bataille de Souk-Ahras d'avril 1958 marque le tournant de la guerre de libération nationale

30-04-2021 13:57  Abbès Zineb

Il y a 63 ans, 639 moudjahidine tombèrent au champ d'honneur lors de la célèbre grande bataille de de Souk-Ahras, une de ces épopées héroïques qui parsèment les sept années et demie de la glorieuse Révolution de Novembre. Les faits de cette bataille, qui dura toute une semaine à partir du 26 avril 1958, avaient commencé à Ouilène, près de Souk Ahras, pour s’étendre jusqu’aux hauteurs de Hammam N’bails, non loin de Guelma, sur un rayon de plus de 50 km.

Les survivants de cet engagement de l’Armée de libération nationale (ALN), aujourd’hui organisés en association, font état de la mort au champ d’honneur de 639 moudjahidine, tandis que les pertes ennemies avaient été estimées à 300 soldats tués et 700 blessés.

Selon le président de cette association, M. Hamana Boularès, l’accrochage initial a eu lieu dans la région de Zaarouria, alors que le commandement de l’ALN avait donné l’ordre d’éviter, autant que faire se peut, tout engagement contre l’ennemi, afin de faciliter le passage des armes sous les lignes électrifiées Challe et Morice. Le convoi acheminant les armes était protégé par le 4ème bataillon commandé par Mohamed-Lakhdar Sirine (décédé en mars 2007), deux compagnies de la wilaya II et une compagnie de la wilaya I chargées de transporter des armes vers les maquis de Taher (Jilel), de Mila, de Skikda et de Kabylie.

C’est au moment du passage du quatrième bataillon et des trois compagnies venant de Tunisie, près de Djebel Beni Salah, que l’accrochage a eu lieu. Hamma Chouchène qui était adjoint du chef du 3ème bataillon, se rappelle que la bataille a été dirigée par Mohamed-Lakhdar Sirine, Youcef Latreche et Ali Aboud.

Selon l’universitaire Abdelhamid Aouadi, cette bataille s’est déroulée dans le cadre et les circonstances décrites par le général Vanuxem, commandant de la région de Constantine. M. Aouadi rapporte que Vanuxem considérait que les guerres révolutionnaires ne consistent pas seulement à neutraliser les rebelles à l’intérieur, mais également à faire face à l’aide qu’ils reçoivent de l’extérieur, comme ce fut le cas en Indochine et en Algérie.

Après la construction de la ligne Morice, en juin 1957, sur le territoire de la base de l’Est, puis son achèvement en octobre de la même année, d’importantes quantités d’armes et de munitions avaient été introduites en Algérie, mais l’ennemi allait considérablement renforcer la surveillance des frontières Ouest, mais surtout Est. Le commandement de la Révolution ayant constaté que la base de l’Est s’est trouvée « séparée d’une portion importante de son territoire », a mobilisé des forces pour protéger les convois d’armement, ce qui a été découvert par l’ennemi qui, à son tour, a mis en place un puissant arsenal, aviation, blindés, artillerie, fantassins et parachutistes, entraînant de violentes batailles et de lourdes pertes des deux côtés.

Dans la nuit du 26 au 27 avril 1958, toutes les unités se mettent en mouvement. Le 28 au matin, la bataille eut lieu et devant l’inégalité des forces en présence, l’ennemi était contraint de reconnaître la supériorité morale des moudjahidines, rapportent des témoins. Selon M. Djamel Ouarti, professeur d’histoire au centre universitaire de Souk Ahras, les forces engagées par l’armée française dans la bataille de Souk Ahras étaient « considérables », l’engagement était même comparé à une bataille de la Deuxième guerre mondiale.

 L'armée française avait engagé pour cette bataille plusieurs de ses plus féroces unités militaires, connues pour avoir pris part au conflit mondial et à la guerre d'Indochine, à l'instar des 9ème et 14ème bataillons parachutistes, des 8ème et 28ème régiments d'artillerie longue portée et des 26ème, 151ème et 152ème régiments d'infanterie mécanique.

Ce chercheur affirme qu’aucun moudjahid ne s’est rendu à l’ennemi sur le champ de bataille. »Même les unités encerclées s’étaient battues jusqu’au bout de leurs forces et de leurs munitions », précise-t-il, faisant référence à de nombreux témoignages de survivants. Citant « La Dépêche de Constantine et de l’Est algérien », M. Ouarti signale que les combats se sont poursuivis sans relâche, parfois au corps à corps. Le point fort des moudjahidines était la connaissance du terrain, note-t-il, relevant également que les pertes ennemies ont été sous-estimées par les sources françaises.

Dans sa couverture de la première journée de la bataille de Souk Ahras, le quotidien français "La dépêche de Constantine'' avait fait état d'une tentative des troupes de l'ALN de traverser la ligne Morice, affirmant alors que les chances que cette tentative réussisse étaient peu probables car les forces françaises y étaient déployées pour les intercepter à la frontière avec la Tunisie.

Deux jours après, le journal a changé sa version parlant de la "réussite des troupes de l'ALN à traverser la ligne Morice électrifiée et de son accrochage avec l'armée française près de la ville de Souk Ahras'', a relevé le chercheur, notant que le journal avait rapporté que "la férocité de la bataille a été telle que l'engagement en est arrivé au corps à corps et l'accrochage à l'arme blanche''.

Les forces armées françaises n'avaient pas compris ce qui se passait, selon les témoignages du sergent Lasson et du lieutenant Saboureau, qui étaient sous le commandement du capitaine parachutiste, Serge Beaumont, qui  fut tué lors des combats avec 32 de ses soldats.

"Nous sommes tombés dans un guet-apens de fellagas (les moudjahidine) qui étaient plus nombreux, armés et embusqués derrière les arbres'', selon les témoignages des deux soldats français, cités par M. Ouarti pour qui, cette bataille a révélé à la France que son armée affrontait non pas des groupes  de rebelles mais une véritable armée, celle de la libération nationale d'un peuple opprimé et "déterminé plus que jamais à arracher sa liberté''.

De son côté, Hamana Boulaaras, président de l'association des survivants  de la grande bataille de Souk Ahras, a noté que pendant près d'une semaine, le champ de la bataille a été Oued Chouk, avant de s'étendre suite aux percées effectuées par les moudjahidine dans les lignes ennemies vers les montagnes de Mechrouha puis Dehouara (Guelma) le 2 mai 1958. Au dernier jour de la bataille, le moudjahid Mohamed Lakhdar Sirine a réussi, a ajouté Hamana, à regrouper les moudjahidine pour se retirer à l'Est vers Dréan et M'daourouch.

La mère des batailles

Djamel Ouarti a souligné que ce fut « l’une des plus importantes batailles de l’armée libération nationale (ALN) voire la plus grande». La puissance de feu était nettement à l’avantage des français, mais les troupes de l’ALN ont pu réussir plusieurs percées dans les rangs ennemis et briser l’encerclement pour arriver jusqu’à la wilaya III (Kabylie), notamment l’officier Aït Mehdi, dit Si Mokrane qui a été reçu par le colonel Amirouche.

Le même universitaire a aussi rappelé que 639 martyrs sont tombés au champ d’honneur. Ce fut à ce titre, a-t-il dit, une bataille d’envergure nationale, et un haut fait d’arme reconnu par les officiers de l’armée française eux-mêmes.

Survenue le 26 avril 1958, cette bataille, surnommée "mère des batailles'' ou encore "mère des chouhada'', a été d'une férocité si grande que chaque moudjahid de l'Armée de libération nationale (ALN) se retrouvait avec en face de lui 10 soldats français surarmés et appuyés par tout l'arsenal de l'OTAN. 

Cette grande bataille d'avril 1958 est considérée aujourd'hui par tous les historiens comme le tournant de la guerre de libération nationale. Effectivement, à partir de cette date, le rapport de forces a complètement changé et n'était plus en faveur de l'armée coloniale, qui allait subir au cours des mois suivants défaite sur défaite et obligeait ainsi le général Charles De Gaule au pouvoir en France, à engager des négociations avec le Front de Libération Nationale (FLN), représenté par le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA), lesquelles négociations ont abouti à l'indépendance arrachée de haute lutte.





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