La panique qui s’est emparée de la France après les attentats de Paris va-t-elle la pousser à la solution du pire pour prétendre «vivre mieux»? La question mérite d’être posée quand on entend son ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve évoquer la possibilité de révision des règles de l’espace Schengen.
C’est en effet un véritable arsenal de mesures coercitives que le ministre français a décliné dimanche pour fermer à double tour les frontières de toute l’Europe.
Modification des règles de l'espace Schengen, contrôles approfondis de certains passagers, établissement d'un registre européen des données personnelles des voyageurs aériens (PNR), partage des informations des services de renseignement, lutte contre la circulation des armes, contrôle de l'Internet pour lutter contre la radicalisation…
Un plan de guerre qui n’a cependant pas de chances d’aboutir tant tous les pays européens ne partagent pas son avis, et encore moins le parlement qui s’inquiète à juste titre des atteîntes à la liberté de circulation.
Et pour cause, le procureur européen pour l'antiterrorisme, Gilles de Kerchove, prône depuis 2008 une stratégie de lutte contre la radicalisation. Mais les Etats ne sont pas parvenus à s'entendre. «L'Union européenne n'est pas le lieu d'une coopération opérationnelle, mais seulement un cadre pour établir des règles communes, au besoin», a expliqué Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique, au quotidien français les Echos.
Schengen, un accord à revoir ?
Il y a par exemple le fait que les Européens ne partagent la définition du «combattant étranger» si en vogue en France. Il faut savoir en effet que près de 3.000 jeunes Européens ont rallié les mouvements islamistes radicaux en Syrie et en Irak. Les Français sont d’ailleurs plus de 1.400.
De même que les règles en matière de fichage diffèrent entre les pays ce qui rend la création d'un fichier européen des combattants étrangers très aléatoire. Aussi, les Affaires intérieures et la Justice des pays européens sont des compétences souveraines des Etats, et ne comptent pas les perdre. Il en va de même pour le renseignement. «Les services de lutte antiterroristes préfèrent travailler en bilatéral ou en petit groupe», souligne Camille Grand à l’AFP.
Le chemin de croix
Ils se méfient des organisations comme Europol ou Interpol, car les informations sont mises à la disposition de trop de pays, a expliqué à l'AFP un responsable européen. Il serait alors difficile de lutter contre les filières jihadistes sans s’assurer de la coordination dans le renseignement.
Par ailleurs, est c’est la mesure la plus drastique annoncée par Cazeneuve, le contrôle aux frontières de l’Europe. Si l'espace de libre circulation Schengen s'est doté d'un système d'information et impose des contrôles aux frontières extérieures, le code des frontières interdit tout de même les contrôles systématiques des ressortissants des 26 pays membres de la zone (22 des 28 Européens, plus la Suisse, l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein).
Le ministre espagnol, Jorge Fernandez Diaz, a proposé l'instauration de contrôles aux frontières au sein même de l'espace. En clair, il s’agirait tout bonnement de modifier le traité de Schengen. Il faut espérer que cette peur panique ne se transforme pas en un aveuglement qui rendrait suspect quiconque serait musulman ou d’origine arabe.