A trois jours de l’examen de la proposition américaine d’étendre le mandat de la MINURSO à la surveillance des droits de l’homme dans les territoires occupés, les spéculations vont bon train sur l’issue du vote.
S’il est acquis que quatre membres du Conseil de Sécurité vont adopter tel quel et sans surprise le texte américain, la position qu’adoptera la France suscite beaucoup de commentaires.
Comment fera-t-elle pour se sortir sans grands dégâts du guêpier que lui a tendu l’allié US ?
En France, certains diplomates n'hésitent pas à soutenir sous le couvert de l’anonymat que Paris sera contraint de suivre Washington. «Nous ne pensons pas que la France va bloquer», a déclaré, sous couvert d’anonymat, à Reuters, un diplomate membre du Groupe des amis du Sahara occidental, mercredi 17 avril, selon Reuters.
Jeudi 18 avril, un autre diplomate de l’ONU a également estimé que la France n’opposerait pas son veto à la résolution américaine relative au Sahara. La proposition américaine était contenue dans un brouillon du Conseil de Sécurité de l’ONU distribué au Groupe des amis du Sahara occidental, qui inclut les Etats Unis, la France, la Grande Bretagne et la Russie, a également indiqué un autre diplomate de l’ONU. Silence religieux à Paris des responsables qui sont dans une bien mauvaise posture de devoir lâcher l’ «ami» le roi.
Paris perdue pour le Maroc ?
Les quelques «murmures anonymes» enregistrés à Paris, par Le Monde, hier, ne seront pas pour rassurer le palais royal. Les français sont certes chagrinés de ce que les américains ne les aient pas consultés ; mais ils n’iraient pas jusqu'à les bloquer sussure-t-on.
«Les Américains n'ont prévenu personne, c'est une mauvaise manière faite aux Marocains», proteste un diplomate français, mais «on ne bloquera pas, c'est une question entre le Maroc et les Etats-Unis », élude-t-il agacé.
La France peut-elle seulement utiliser son droit de veto contre les Etats Unis au Conseil de Sécurité des Nations Unies ? La dernière fois où elle a eu l’intention de le faire - mais n’en a pas eu besoin puisque les Etats Unis sont passés outre le Conseil de sécurité de l’ONU - c’était au moment du lancement par les Etats Unis de la guerre en Irak, en 2003. Cette seule intention avait entraîné de fortes tensions entre les deux pays.
Quand Washington parle…
Au moment du vote, la France sera dans l’embarras. Son propre silence l’y plonge déjà. Le président François Hollande, en visite au Maroc, il y a deux semaines seulement, avait assuré, à plusieurs reprises le Maroc de tout son soutien concernant le plan d’autonomie pour le Sahara, faisant fi des appels de Human Righ Watch (HRW) à soulever avec le souverain la question des droits de l’Homme. A ce propos, en conférence de presse, tout juste le président français avait-il évoqué « un processus lent ». Il y a « incontestablement eu des progrès pour la population [...]» estimait-il.
Hier HRW a publié un communiqué satisfait appuyant la proposition américaine. « Le Conseil de sécurité devrait mettre fin à l’anomalie qui veut que la MINURSO mène des activités de déminage et des patrouilles frontalières, mais n’ait aucun mandat pour rendre compte de la violence policière, des procès injustes ou des restrictions du droit de rassemblement auxquelles sont systématiquement confrontés les habitants du Sahara occidental », a déclaré Philippe Bolopion, directeur du plaidoyer auprès de l’ONU à Human Rights Watch.
Pour une fois la France, patrie des droits de l’homme, pourrait être en phase avec ses idéaux qu’elle a piétiné jusque là pour donner un coup de main à son «ancien» protectorat au Maghreb.