Il s'appelle A. Salmi et voilà bientôt 400 jours qu'il est bloqué en France espérant à chaque instant prendre l'avion et rentrer au pays. En désespoir de cause il nous écrit, à l'instar de la bouteille d'eau qu'on jette à la mer avec la divine espérance que quelqu'un quelque part la trouve et vient à son secours. En s'adressant dans cette lettre ouverte au Premier Ministre, notre "naufragé", naviguant entre espoir et désespoir, aspiration et déception, attend impatiemment son retour auprès des siens.
"Monsieur le Premier Ministre,
Les frontières algériennes sont fermées et l'ouverture n’est certainement pas pour demain. Demain, un autre jour.
Ingénieur sans emploi en France, je devais rentrer en Algérie le 19.03.20 mais le destin a décidé que la barrière sol-air soit fermée le 17.03.20. J’ai cru que j’allais être rapatrié en premier mais je me suis trompé. L’algorithme des priorités associé à une sélection au niveau du consulat d’Algérie m’ont condamné à un confinement de 365 jours en France. Au mois d'avril prochain, j’aurais bouclé quatre cents jours, enfermé entre quatre murs à lire des romans de science fiction et je dois me préparer dès maintenant à la possibilité de passer cinq cents jours en France. J’ai un passeport algérien, un billet d’avion, un dépistage Covid-19 et je dois patienter encore en espérant être un jour sélectionné par le Ministère des Affaires Étrangères. Une sélection qui se fait dans l'obscurité la plus totale et personne ne peut dire quels sont les critères de sélection ni pourquoi on doit être sélectionné pour pouvoir rentrer dans son propre pays.
J'ai écrit au consul de la rue solférino. Je vous ai écrit sans lettre et sans timbre et je n’ai obtenu en retour qu’un silence blanc me condamnant ainsi à quatre cents jours de solitude au temps du coronavirus. On ne peut pas se protéger à l’infini en abandonnant les exilés dans l’autre monde jusqu'à l'extinction du virus dont personne n’est capable d’avancer une date. La fermeture des frontières était très compréhensible au départ mais elle a rapidement basculé dans l’absurde et l'injuste: priorité pour X. urgence pour Y, autorisation spécifique pour Z...etc. Il est urgent de mettre fin à cette sélection et de trouver une solution aux Algériens qui sont en attente de rentrer chez eux depuis douze mois. Toute chose à une limite et il arrive même que des étoiles, épuisées par les vibrations du temps, finissent par devenir des trous noirs perdant à jamais leur place dans le cosmos immortel.
En attendant les hirondelles. Veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, mes respects du Nord".