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La dynamisation de la bourse d’Alger : entre le rêve et la réalité

21-05-2015 17:05  Contribution

 

Le nouveau Ministre des finances se propose de dynamiser la bourse d’Alger : réalité ou utopie, sans la refonte du système financier, telle est l’objet de cette présente contribution

1.-Dans des sorties   médiatiques les P-DG d’Alliance Assurances et NCA Rouiba n’excluent pas de se retirer de la Bourse, estimant que « le système de cotation à la Bourse d’Alger sert beaucoup plus à dévaloriser un titre qu’à le valoriser. Car, l’important pour une bourse fiable est le nombre d’acteurs fiables au niveau de ce marché pour l’instant limité. Imaginez-vous un très beau stade de football pouvant accueillir plus de 200 000 spectateurs sans équipe pour disputer la partie. Les autorités algériennes se sont donc contentées de construire le stade mais sans joueurs. Selon des informations diffusées par l’Agence de presse officielle APS en date du 15 juillet 2012, les ordres traités par le système de négociation de la Bourse d’Alger ont été étendus à une nouvelle gamme, conformément aux recommandations émises par le comité chargé de la réforme des marchés de capitaux, a-t-on appris samedi auprès de la Société de gestion de la bourse des valeurs (SGBV). Il a également été décidé de diffuser sur le site-web de la Bourse d’Alger un état récapitulatif renseignant sur les conditions (cours, volumes) des ordres boursiers non satisfaits afin de permettre aux investisseurs de mieux apprécier les tendances du marché. Parallèlement à ces mesures techniques, des amendements ont été introduits sur le règlement général de la Bourse d’Alger dans le but de réorganiser le marché boursier national par la création de trois compartiments dont un marché principal réservé aux grandes entreprises, un marché dédié aux PME et un troisième marché destiné à la négociation des obligations assimilables du Trésor (OAT). Pourtant, ces mesures superficielles ne s’attaquent pas à l’essentiel et donc il fallait logiquement s’attendre à la  dé-cotation des actions des entreprises cotées en bourse  L’on ne peut dynamiser la Bourse d’Alger s’il n’y a pas d’entreprises productives  majoritaires et  une réelle volonté politique d’une libéralisation maîtrisée,  Cela saurait signifier anarchie, le rôle de l’État régulateur étant stratégique pour lever les contraintes d’environnement à l’initiative des véritables entrepreneurs créateurs de richesses qu’ils soient publics ou privés. Se contenter de contempler le niveau des réserves de change de 178 milliards de dollars au 31/12/2014  est un leurre. Elles ne sont qu’une richesse virtuelle grâce à la rente des hydrocarbures, qu’il s’agit de transformer en richesse réelle.

2.-La léthargie de la Bourse d’Alger renvoie  au manque de visibilité de la politique socio-économique dans sa dynamique historique elle-même liée au mode de gouvernance, en fait à la panne de la réforme globale. L’Algérie est dans cette interminable transition depuis 1986, ni économie administrée, ni économie de marché, ce qui ne saurait signifier économie spéculative marchande mais économie fondée sur la production y compris les services qui ont un caractère de plus en plus marchand. Nous rappelons que l’Algérie est observatrice au niveau de l’Organisation mondiale du commerce depuis juin 1987, et la majorité des pays fondateurs du communisme sont membres de l’OMC (Chine/Russie)  et également la majorité des pays de l’OPEP dont l’Arabie Saoudite représentant 97% du commerce mondial. L’économie algérienne est une économie rentière exportant 98% d’hydrocarbures à l’état brut ou semi-brut ( les dérivées d’hydrocarbures  avec 50% dans la rubrique officielle hors hydrocarbures) et important 70% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration, ne dépasse pas 15%) et des ménages, étant  en  syndrome hollandais. L’obstacle principal est un environnement des affaires bureaucratisé expliquant le peu d’entreprises productives et donc cette léthargie. Que l’on se réfère à tous les rapports internationaux, donnant des résultats mitigés sur le climat des affaires en Algérie où la bureaucratie étouffante décourage les véritables investisseurs. L’Algérie a un cadre macroéconomique stabilisé artificiellement par la rente des hydrocarbures. Par ailleurs l’économie est dominée par la sphère informelle notamment marchande elle même liée à la logique rentière qui emploie plus de 50% de la population active selon l’ONS, et contrôle 40%de la masse monétaire en circulation avec une intermédiation financière informelle mais à des taux de prêts d’usure. Cela limite forcément le marché financier algérien qui existe techniquement et a les moyens de fonctionner pour peu que l’on mette en place des mécanismes de régulation transparents limitant ce dualisme de l’économie. Le constat est que le nombre de sociétés cotées à la Bourse d’Alger et les volumes de transactions observés sont réellement insuffisants. Les opérateurs privés susceptibles de se lancer dans cette activité ne pourront le faire que lorsque le nombre de sociétés et le volume traité seront suffisants pour seulement couvrir leurs frais. Cette activité est déficitaire dans les services des banques publiques là où elle est exercée.

3.-Comment donc booster cette institution financière, afin de faire décoller la Bourse d’Alger ? Les raisons techniques, secondaires, liées aux analyses précédentes sont la difficulté de trouver au sein du portefeuille des entreprises privées et publiques en opération à ce jour présentant la garantie en réalité et non en apparence d’une qualité de l’information financière fiable et solide. En l’état actuel de leurs comptes, très peu d’entreprises seraient selon les standards internationaux éligibles à une introduction en bourse ne sachant pas exactement l’évaluation de leurs actifs selon les normes du marché. Pour preuve, deux grandes entreprises publiques Sonatrach et Sonelgaz et des grandes entreprises privées qui ont des capacités managériales indéniables, comme CEVITAL qui est une des rares entreprises privées en sur-liquidité, la majorité des autres étant dépendantes des banques pour leur trésorerie et financement,  ne sont pas cotées en bourse. L’opacité et la faiblesse des managements stratégiques liés à la faiblesse de la gouvernance globale ne militent donc pas pour l’instant pour une dynamisation de la Bourse d’Alger. Aussi, il ne faut pas chercher cette défaillance dans l’appareil technique et réglementaire (COSOB SGVB ALGERIE CLEARING) qui pour son efficacité doit s’inscrire au sein d’une vision stratégique claire du développement indissociable des nouvelles mutations mondiales. la Bourse d’Alger doit renouveler son système d’information qui est toujours lent, notamment si elle veut attirer plus d’entreprises cotées. Mais ce n’est pas aujourd’hui pour ces questions d’ordre technique qui freinent le développement du marché. Se pose également la question de savoir pourquoi l’Algérie n’ouvre pas le capital des entreprises publiques- Est-ce par peur de la transparence des comptes car de par le monde l’exigence  d’entrée en bourse passe par la transparence des comptes. En effet, il   se trouve que les comptes des entreprises publiques algériennes et même certaines entreprises privées  sont dans un état qui ne passerait pas la diligence des audits les plus élémentaires. Sonatrach a besoin d’un nouveau management stratégique à l’instar de la majorité des entreprises algériennes, avec des comptes clairs afin de déterminer les coûts par sections. L’opacité de la gestion de Sonatrach qui se limite à livrer des comptes globaux consolidés voile l’essentiel. Car, il s’agit de distinguer si le surplus engrangé par Sonatrach est dû essentiellement à des facteurs exogènes, donc à l’évolution du prix au niveau international  et la gestion interne.

4.-Quelles sont les solutions les plus adaptées afin de faire sortir la Bourse d’Alger de son marasme ? Premièrement, la levée des contraintes d’environnement dont les entraves bureaucratiques impliquant la refonte de l’État dans de nouvelles missions devient urgente. Il ne peut y avoir de bourse sans la concurrence, évitant les instabilités juridiques et donc un État de droit. Cela n’est pas facile comme le démontrent  les scandales financiers au niveau supposant de la transparence. Deuxièmement, une bourse doit se fonder sur un système bancaire rénové. Or, le système financier algérien depuis des décennies est le lieu par excellence de la distribution de la rente des hydrocarbures et donc un enjeu énorme du pouvoir. Le système financier algérien actuel porte en lui la substance d’enjeux de pouvoir du fait qu’il cadre parfaitement la politique économique développée jusqu’à présent et son corollaire les sources et les modalités de son financement. En effet, malgré le nombre d’opérateurs privés, nous avons une économie de nature publique avec une gestion administrée. La totalité des activités quelque soit leur nature se nourrissent de flux budgétaires c’est à dire  l’essence même du financement lié à la capacité réelle ou supposée du Trésor de les financer. Troisièmement, il ne peut y avoir de bourse sans la résolution de titres de propriété qui doivent circuler librement segmentés en actions ou obligations renvoyant d‘ailleurs à l’urgence de l’intégration de la sphère informelle par la délivrance de titres de propriété. Quatrièmement, il ne peut y avoir de bourse sans des comptabilités claires et transparentes calquées sur les normes internationales par la généralisation des audits et de la comptabilité analytique afin de déterminer clairement les centres de coûts pour les actionnaires. Cela pose la problématique de l’adaptation du système socio-éducatif, n’existant pas d’engineering financier. Or, l’exode des compétences devient inquiétant sachant que le poste services au niveau de la balance des paiements  approchée entre 2011/2014 environ 12 milliards de dollars contre 2 milliards en 2002 qui s’ajoutent aux 59/60 milliards d’importations de biens et sans compter les transferts légaux de capitaux. L’Algérie peut-elle  continuer à une sortie de devises de 75/80 milliards de dollars et une recette de Sonatrach  qui devrait fluctuer en 2015 entre 40/45 milliards de dollars sans épuiser rapidement le fonds de régulation des recettes 2016 et les réserves de change horizon 2020?

5.-En conclusion, l'expérience algérienne a montré que plus les cours des hydrocarbures augmentent, plus paradoxalement les réformes sont freinées alors que cette manne d'argent peut permettre les ajustements sociaux nécessaires et qui sont douloureux à court terme pour réaliser cette mutation systémique. La dynamisation de la bourse veut que la dominance de l'économie soit le fait d'entreprises créatrices de richesses et que les transactions privées soient dominantes soit par la cession d'actifs existants ou par l'émergence d'entreprises privées nouvelles dynamiques locales ou internationales. Ce n‘est pas le cas, puisque existe une baisse de l'investissement productif. Les investissements directs étrangers productifs hors rente sont en également baisse, les étrangers voulant voir clair sinon ils iront dans les segments à rentabilité immédiate dont le commerce étant surs d'être payé grâce aux réserves de change. En bref en cette ère de mondialisation où dominée par les grands espaces économiques, l'ère des micros Etats étant résolu, une bourse pour 39 millions d'habitants étant une utopie,  il serait souhaitable la création d'une bourse maghrébine, qui devrait s'inscrire dans le cadre de la future bourse euro-méditerranéenne prévue à 'horizon 2020, supposant au préalable la résolution de la distorsion des taux de change. Et cette intégration devrait dynamiser le tissu productif qui permettra d’accroître le nombre d'acteurs au niveau de la bourse. Hélas, le commerce inter-maghrébin en 2014 ne dépasse pas 3%, le Maghreb, qui doit être le pont entre l’Europe et l’Afrique, étant marginalisé au niveau mondial. En 2014, le produit intérieur maghrébin ne dépasse pas 440 milliards de dollars pour une population d‘environ 90 millions d'habitants, un peu plus que le PIB de la Grèce  dont la population ne dépasse 12 millions d'habitants.

Par le Professeur des Universités Expert International  en management stratégique Dr Abderrahmane MEBTOUL

 

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