Par Finian Cunningham
Toutes ces poignées de main, marques d’affection et accolades entre Trump et Macron cette semaine était crispantes au possible. Mais pas parce que deux mâles étaient cordiaux et affectueux.
Non, ce qui explique notre gêne, c’est de voir le leader français se conduire comme un pitoyable caniche du tyran de la Maison-Blanche.
Le « moment des pellicules » a peut-être été l’incident le plus révélateur. À un moment donné, dans le Bureau ovale, le président américain s’est interrompu au milieu d’une phrase pour se pencher vers son homologue français et se mettre à brosser son épaule en disant qu’il enlevait ses « pellicules ». Macron a continué à sourire comme si de rien n’était.
Ce que Trump a dit ensuite était significatif : « Nous voulons qu’il soit parfait…. Il est parfait. » Pas besoin d’être Freud pour voir dans le réflexe de l’Américain le signe que le président français n’est guère plus qu’un hochet, un laquais, un parfait petit caniche pour Washington. Qui fait ce qu’on lui dit.
Au cours de la visite d’État de trois jours, Donald Trump et Emmanuel Macron ont donné l’impression d’être les meilleurs amis du monde et sur un plan d’égalité. C’est certainement l’impression que le leader français voulait donner. Il veut être vu comme le meilleur allié européen des États-Unis, l’homme politique européen qui comprend le mieux Trump, et celui qui gère le mieux l’ingérable américain.
Macron veut ainsi « make France great again ». Il veut que la France redevienne une puissance mondiale de même envergure que les États-Unis. Depuis que Macron a été élu président en mai dernier, son objectif déclaré a été de restaurer la puissance de la France.
Cela a semblé réussir à merveille cette semaine. Macron a été le premier dirigeant international à être accueilli par Trump en visite officielle d’État. La « relation spéciale » britannique avec Washington est passée au second plan ; et la chancelière allemande Angela Merkel, dont la visite suit celle de Macron vendredi, n’aura droit qu’à une réunion de travail d’une journée à la Maison-Blanche. Mais si on laisse de côté les apparences et qu’on regarde au-delà de cette aimable mise en scène on voit bien que la prétention de Macron de se mettre sur le même plan que Trump en tant que « leaders de la liberté mondiale » est grandement exagérée. La preuve nous en a été administrée lorsque Macron a capitulé devant l’opposition de Trump sur l’accord nucléaire iranien. Sauver cet accord en gardant Trump à bord était censé être la principale mission de Macron à Washington.
La veille de son arrivée, Macron a donné une interview à Fox News et a affirmé qu’il n’y avait « pas de plan B » à l’accord nucléaire iranien signé en 2015 par les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Russie et la Chine. Macron a été présenté comme le leader européen qui allait persuader Trump de s’en tenir à l’accord nucléaire actuel.
Mais cette semaine, malgré toutes les démonstrations d’affection à son « ami Emmanuel », Trump a continué de rejeter fermement l’accord avec l’Iran, et à laisser entendre qu’il va s’en débarrasser le mois prochain. Et quelle a été la réponse de Macron ? Il a dit que la France travaillait maintenant avec les États-Unis pour « renégocier un nouvel accord » avec l’Iran. Et voilà comment Macron a tenu tête à Trump !
L’Iran affirme qu’il n’y aura pas de renégociation du Plan d’action global conjoint (JCPOA), comme on l’appelle officiellement. Le JCPOA a été ratifié par le Conseil de sécurité de l’ONU après que l’Iran et les six puissances mondiales l’ont signé en juillet 2015. La Russie et la Chine ont également déclaré qu’il ne peut y avoir de retour en arrière sur l’accord. Les Européens le disaient aussi – au moins jusqu’à cette semaine avant le revirement embarrassant de Macron. Il sera très intéressant de voir ce que Merkel dira à ce sujet lorsqu’elle arrivera à Washington plus tard dans la semaine.
Ce que la rencontre entre Trump et Macron montre cette semaine, c’est que le président français n’est rien d’autre qu’un bon petit toutou. On l’a peut-être abreuvé, en grande pompe et avec tous les honneurs, de discours fleuris sur le fait qu’il était « l’allié le plus ancien de l’Amérique ». Mais en pratique, le show des deux leaders puissants qui se tiennent côte à côte n’est que de la communication ringarde. Mais c’est aussi ce qui fait de Macron un supplétif particulièrement dangereux pour Trump. L’homme politique français est évidemment prêt à faire n’importe quoi pour flatter Washington.
La prétention de Macron à diriger l’Europe est une illusion pernicieuse. Certains médias l’ont même qualifié de « conseiller occulte de Trump » – laissant entendre que le jeune président français avait une influence à la Svengali** sur son aîné étasunien. Dans les jours qui ont précédé le barrage de missiles illégaux des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France contre la Syrie, le 14 avril, c’est vers Macron que Trump s’est tourné pour discuter des mesures à prendre.
Macron aurait transmis à Trump les « renseignements français » sur l’atrocité chimique présumée du 7 avril à Douma, près de Damas. Macron aurait également entortillé Trump pour qu’il ordonne les frappes militaires la semaine suivante. Il est maintenant clair que l’incident des armes chimiques du 7 avril était une provocation sous faux drapeau mise en scène par des militants soutenus par l’Occident. En d’autres termes, les « renseignements » français étaient soit erronés, soit plus probablement inventés. Mais le résultat a été que les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France ont commis un grave crime de guerre en attaquant la Syrie.
C’est pourquoi Emmanuel Macron devrait nous flanquer la chair de poule. Il est prêt à dire n’importe quoi pour séduire le président américain afin d’améliorer son standing international et celui de sa nation coloniale has-been. Son langage corporel exubérant trahit son aspiration à devenir un homme d’État sur la scène internationale.
Macron, comme son « papa » américain, a décidé de déchirer unilatéralement un traité international conclu avec l’Iran, par d’autres puissances mondiales et l’ONU. Afin de justifier sa mauvaise foi et sa reculade scandaleuses, Macron relaie la calomnie de Trump sur le fait que l’Iran commandite le terrorisme, déstabilise la région et développe illégalement des missiles balistiques. Macron dit qu’il faudra conclure un « nouvel accord » avec l’Iran, pour réduire la présence iranienne en Syrie, et soi-disant au Yémen et au Moyen-Orient.
Le « conseiller occulte » n’est pas un leader européen indépendant qui a des principes. C’est un arriviste prêt à flatter les pires instincts de Trump et à profiter de son ignorance pour son profit personnel. Même si pour cela il faut envenimer les conflits en Syrie et au Moyen-Orient.
*Bromance est un mot-valise anglais composé de l’abréviation de brother (bro), voulant dire frère, et de romance qui signifie idylle en français
** Svengali est un personnage de fiction du roman Trilby de George du Maurier, paru en 1894. Hypnotiseur, Svengali incarne l’archétype du personnage maléfique manipulateur, capable d’amener les gens à faire ce qu’il désire.
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