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La bureaucratie et la corruption en Algérie, un frein à l'investissement

07-10-2020 14:24  Pr Abderrahmane Mebtoul

Le Président de la République se donne pour objectif de combattre la bureaucratie indissociable de la corruption,  dévalorisant le couple intelligence/ travail sur lequel doit reposer tout développement fiable et donc d'asseoir un Etat de droit. Ce rêve si cher à tous les Algériens sera t-il réalisé. S’il faille éviter les règlements de comptes inutiles et qu’une personne  est innocente jusqu’à preuve du contraire, (présomption d'innocence), l’on devra  différencier acte de gestion et corruption afin de ne pas  démobiliser les managers. Pourtant, le grand problème qui se pose actuellement est de  mobiliser les citoyens au moment où  certains  responsables aux plus hauts  niveaux ou leurs  proches ont été  impliqués dans les scandales, en soulignant avec force que la corruption socialisée devient un danger pour la sécurité nationale, menaçant les fondements de l’Etat.

1.-Bureaucratie, blocage des initiatives créatrices et corruption

Le  bureau comme  l’a montré le grand sociologue Max Weber est nécessaire dans toute économie mais il doit être au service de la société. Il est nécessaire au fonctionnement de toute économie  mais non fonctionner  comme en Algérie comme pouvoir bureaucratique qui fonctionne en vase clos, fondement  de rentes. Aussi, la  lutte contre le terrorisme bureaucratique  en Algérie  renvoie à la problématique aux dysfonctionnements des appareils de l’Etat, et son éradication   implique une bonne gouvernance  et pose la problématique d’une manière générale de cette interminable transition depuis de longues décennies, ni économie de marché concurrentielle, ni économise étatique. Ces dysfonctionnements enfante la  sphère informelle produit historique de l’extension de la bureaucratie rentière  qui tire sa puissance de l’existence même de cette sphère  tissant des réseaux diffus  de corruption n’étant   que la traduction de la faiblesse de la démocratisation du système économique et politique, donnant d’ailleurs du pouvoir  à ceux qui contrôlent l’information. Transparency International dans ses rapports 2000/2019  classe l’Algérie parmi les pays qui connaît un   taux de corruption  élevé . Par ailleurs,  les surfacturations et l’utilisation  de la distorsion  du  taux de change permettent  la fuite de capitaux  et en appliquant la méthode résiduelle de la Banque Mondiale l’évaluation dépasse les  100  milliards de dollars  entre 2000/2019  avec d’importants mouvements pour certaines périodes  fonction de la situation politique et socio-économique. A ces pertes pour le pays, , il faudrait ajouter   la fuite des produits hors des frontières  fonction de la distorsion des prix intérieurs et internationaux, renvoyant à la politique des subventions. La sphère informelle  ne s’applique pas  seulement aux catégories socio-économiques mais aux catégories sociales dont .la rumeur souvent dévastatrice, avec  la voie orale dominante en Algérie, alors que le monde avec la révolution d’Internet devient une maison de verre.  Or son intégration  est  urgente loin des mesures autoritaires (répressives)  qui produisent l’effet inverse,  et ce, afin de pouvoir favoriser une saine concurrence , l’émergence de la véritable entreprise créatrice e richesses et favoriser  les flux d’investissements nécessaires pour une croissance hors hydrocarbures condition de l’atténuation de la pauvreté et du chômage. Aussi si l’Algérie du XXIème siècle, veut s’insérer harmonieusement dans le concert  des Nations, la politique  économique et sociale au sein de l’espace euro méditerranéen et africain ( par le dialogue fécond des cultures)  devra avoir pour fondement la bonne gouvernance liée à la réhabilitation de l’entreprise, le  savoir par la maîtrise de la connaissance , la ressource humaine  étant l’élément déterminant.  Le nivellement par le bas  (populisme) est source de démotivation et l’antinomie même du développement durable. La marginalisation des compétences et l’exode des cerveaux dont le montant  en impact, chaque cadre formé coûtant plus de 200.000 dollars par unité   deviennent inquiétants. Car où en est la  réforme de l’école du primaire au supérieur en passant par la formation professionnelle,  dont la dévalorisation du  niveau devient alarmant ?  A cela s ajoute les scandales financiers  à répétition  qui touchent bon nombre de  secteurs que dévoile quotidiennement la presse nationale. Avec les déficits structurels de la majorité des entreprises publiques, plus de 70% des projets de l’ANSEJ ne sont pas rentables et impossibilité de rembourser les crédits avancés pour ses  promoteurs,  et les importants découverts d’une minorité de monopoleurs rentiers auprès des banques publiques, nous assistons  à des recapitalisation à répétition  des banques publiques qui  se chiffrent à plusieurs milliards de dollars US traduisant  l’inefficacité de la dépense publique, la mauvaise gestion et la corruption.  Ainsi la réforme bancaire, lieu de distribution de  la rente,  doit toucher fondamentalement  la nature du système et donc  la propriété et pas seulement la rapidité de l’intermédiation financière (aspect purement technique), rapidité qui paradoxalement  pourrait faciliter  des  détournements plus rapidement si l’on ne s‘attaque pas  à la racine du mal qui ronge le corps social. Ainsi se  pose la question  suivante : combien de banques ont-elles une comptabilité décentralisée selon  les  normes internationales, seules condition d’audits internes sérieux ? Il convient de se poser la question de savoir  si  l’on peut continuer dans cette voie hasardeuse, situation qui  menace le fondement de l’Etat lui-même et  la sécurité nationale

2.-  Gestion et contrôle des entreprise et des services collectifs

Tant pour les entreprises que les  services collectifs, le problème du contrôle est limité du fait de l’effritement du système d’information. Concernant la gestion des entreprises, l’objectif est  d'établir le pont entre la comptabilité nationale et la comptabilité de l'entreprise en mettant en relief un agrégat important celui de la valeur ajoutée. Or, l'expérience montre souvent des amortissements exagérés par rapport aux normes internationales pour des unités comparables, le gonflement de la masse salariale qui éponge la valeur ajoutée l'absence d'organigrammes précis des postes de travail par rapport au processus initial, gonflement démesuré des frais de siège qui constitue un transfert de valeur en dehors de l'entreprise avec prédominance des postes administratifs, comptabilités à prix courants de peu de signification ne tenant pas compte du processus inflationniste. Et comme au niveau macro-économique la production est production de marchandises par des marchandises nous sommes dans le brouillard pour tester les performances individuelles surtout  en absence de comptes de surplus phvsico-financiers à prix constants qui peuvent aider à suppléer à ces déficiences. Aussi s'agit de bien spécifier les facteurs internes à l'entreprise des facteurs externes. Car beaucoup   de  gestionnaires  rejettent  la  responsabilité  sur  les  contraintes d'environnement ? mais oublient d'organiser leur entreprise. Concernant le contrôle et la  gestion des services collectifs et de ‘l’administration, s’impose la rationalisation des choix budgétaires. S’est-on interrogé une seule fois par des calculs précis le prix de revient des services  du chef du Gouvernement, des différents Ministères et des wilayates et APC, de nos ambassades (car que font nos ambassades pour favoriser la mise en œuvre d’affaires profitables aux pays ?), du coût des différents séminaires, et réceptions et commissions  par rapport aux services rendus à la population algérienne ?  Ces dépenses  constituent  un transfert de valeur que paye la population qui est  en droit,  en Démocratie,   de demander l’opportunité et la qualité du service rendu., étant devenu impérieux de proposer aux responsables de ces activités des instruments d'analyse appropriés, différents de ceux de l’entreprise, pour améliorer leur gestion. Cela est lié à deux conditions essentielles : d’une part, fixer clairement les objectifs permettant d'atteindre l'optimum et d’autre part  définir clairement les moyens pour les atteindre. Si cela est aisé dans la sphère marchande concurrentielle que l'on peut imager  par une fonction de production, dans les services- collectifs existent des difficultés. Au niveau des objectifs : ils sont souvent multiples et imprécis. Ainsi, par exemple, au niveau de l'éducation, une politique d'éducation ne définit pas seulement son contenu pédagogique mais- également ses retombées économiques, sociales, culturelles voire politiques à moyen et long terme. Ainsi, les objectifs sont diversifiés. En ce qui concerne les moyens : il n'est pas aisé de calculer avec précision les effets exercés de la combinaison des différents facteurs de production mis en oeuvre. Par exemple, au niveau de la santé, la bonne santé d'un ménage ne dépend pas seulement des soins médicaux mais aussi des conditions de logement, d'hygiène, d'éducation. Dans ce cadre, les travaux d’analyse, des coûts / avantages sociaux, les techniques américaines du Planning programming budgetary system (PPBS) ou françaises, technique de la rationalisation des choix budgétaires reposant sur la décomposition des dépenses publiques par objectifs aux moindres coûts, sont d'un apport appréciable pour les audits sur les services collectifs afin de tester de leur efficience. Il s'agit au sein de sous-sections compartimentées de définir une fonction -objectif permettant d’atteindre l’optimum sous réserves de contraintes tant internes qu’externes. A ce titre il convient de se poser  la question  de l’efficacité des transferts sociaux devant cerner   clairement les liens entre les perspectives futures de l’économie algérienne et les mécanismes  de redistribution devant assurer la cohésion sociale, alors que la généralisation sans ciblage donne l’impression  d‘une redistribution passive de la rente des hydrocarbures sans vision stratégique. Dans ce cadre,  de la  faiblesse de la vision stratégique globale,  le  système algérien tant salarial  que celui de la protection sociale est diffus , et  la situation actuelle,  plus  personne ne sait qui paye et qui reçoit, ne connaissant  ni  le circuit des redistributions entre classes d'âge,  entre générations  et encore moins bien les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine.  Or,  le principe tant de l’efficacité économique que de justice sociale , pour éviter le divorce Etat/citoyens  exige que l’on résolve  correctement  ces problèmes fondamentaux à partir de  mécanismes transparents.

En résumé, l’on doit se poser la question-suivante :  est ce que des textes juridiques suffisent pour combattre le fléau de la corruption  qui ronge  le corps social ? Car , la lutte  contre la mauvaise gestion et la corruption   renvoie à  la rationalisation de l’Etat dans ses choix en tant qu’identité de la représentation collective  Cela n’est pas une  question de lois vision  bureaucratique  et d’une culture dépassée, l’expérience en  Algérie montrant clairement  que les  pratiques sociales quotidiennes  contredisent   le juridisme. Aussi, la problématique du contrôle  permanent durant la phase de la nouvelle politique économique algérienne implique le passage d'une économie à dominance  étatique centralisée  à  une  économie  décentralisée impliquant l’ensemble des acteurs économiques et sociaux, loin de toute injonction administrative de type bureautique étouffant l'épanouissement des énergies créatrices. La dilution des responsabilités à travers la mise en place de différentes commissions par le passé témoignent de l'impasse du contrôle institutionnel en dehors d'un cadre cohérent, où les règlements de comptes  peuvent  prendre  le  dessus.  Mai avant la lutte contre la corruption passe par un changement des mentalités  rentières et  la moralisation de la société  impliquant  la refondation de l’Etat  et donc une mutation profonde de la fonction sociale de la politique..Pour une Algérie nouvelle, le pouvoir de bienfaisance inauguré comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l’échange d’une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politique et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir de justice. La refondation de l’Etat ne saurait se limiter à une réorganisation technique de l’autorité et des pouvoirs, passant  par une transparence totale  dans la pratique politique des femmes et  hommes chargés de gérer Nation  Aussi, la refondation de l’Etat, passe par un nouveau mode de gouvernance et la valorisation du savoir dont le fondement est la liberté, au sens large, pour une société participative et citoyenne tenant compte de notre anthropologie culturelle historiquement datée, comme en témoignent les différents cycles de civilisations depuis que le monde est monde.

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Docteur Abderrahmane MEBTOUL, Professeur d’Université, Expert comptable de l'Institut supérieur de gestion de Lille France,  Expert International  Directeur  des Etudes Economiques  Premier Conseiller à la Cour des Comptes 1980/1983.



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