Algérie 1

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L’entreprise algérienne face à un système financier à réformer

14-10-2017 07:34  Pr Abderrahmane Mebtoul

La suprématie de la sphère réelle sur la sphère financière est la  condition  du développement. Pour le cas algérien, enjeu énorme de pouvoir,  le grand défi, est   d'autonomiser  le système financier  afin qu'il ne soit plus un acteur passif de la redistribution de la rente des hydrocarbures dans le sillage des sphères de clientèle.

1-Quel est l’origine des ressources bancaires?  

Les exportations pour 97,6% entre 2009/2012  sont représentées par les hydrocarbures libellées en dollars, d’où l’importance d’être attentif  aux fluctuations    des taux de change au niveau international,  les importations en euros avoisinant  en  moyenne 55/60%. Les hydrocarbures  représentent l’essentiel des exportations et les importations pour les ménages, les  entreprises publiques et privées avoisinant 70%, dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%. La  persistance des déficits publics  à travers l’assainissement de leurs dettes et l’appui à l’investissement),  le manque de rigueur dans la  gestion dont les  lois de finances  prévoient toujours des montants  pour  les  réévaluations  des couts des projets  publics en cours de réalisation,  a produit un système d’éviction sur l’investissement  productif notamment  du secteur privé . L’aisance financière artificielle grâce aux hydrocarbures par le passé  a permis d’éponger  une fraction importante de la  dette publique intérieure et extérieure  artificiellement par la rente des hydrocarbures. Devant être attentif pour toute analyse objective  à la balance des  paiements  et non uniquement à la balance commerciale, 60 milliards de dollars de sorties de devises en 2016 pour une entrée de 29,5 milliards de dollars, et une sortie entre 55/60 milliards de dollars fin  2017 contre une entrée entre32/33 milliards de dollars fin 2017 devant analyser  le  montant poste assistance technique  étrangère qui est passé  de  4 milliards de dollars en 2004 à 10/12 milliards de dollars entre 2011/2016. Les réserves de change en nette baisse passant de 194 milliards de dollars fin 2017 à moins de 97 milliards de dollars fin 2017 sont dues à des facteurs exogènes et non signe du développement,  composée des réserves de change à hauteur de 46% en dollars et à 42% en euros, le reste étant constitué d'autres monnaies étrangères à l'image de la livre sterling, le yen japonais et les DTS du FMI , (y compris l’emprunt de 5 milliards de dollars au FMI à environ un taux de 0,08%) 

2- Quel est la structuration du système bancaire ? 

Les banques algériennes n’arrivent pas à concurrencer sérieusement leurs consœurs marocaines et égyptiennes. Selon  « d’African Business », de septembre 2010, pas d’évolution notable entre 2010/2017, dans son  dossier « Africa’s Top 100 Banks 2010 »,  la répartition géographique des 40 banques nord-africaines retenues dans le classement comprend beaucoup plus les banques égyptiennes, marocaines et tunisiennes. Pour preuve, l’Egypte compte 12 établissements, la Tunisie 9, le Maroc 8 et  l’Algérie 7   Les  banques  algériennes sont donc largement distancées   s’expliquant  selon ce rapport  par la qualité des services et le faible niveau de leurs investissements  qui n’ont pas permis de gagner en croissance. Le système financier algérien est dans l’incapacité  d’autonomiser la sphère financière de la sphère publique, cette dernière étant  totalement articulée à la sphère publique  dont l’Etat est actionnaire à 100%, le privé local  ou international étant marginal.. Après plus de  deux décennies  d'ouverture selon la déclaration des officiels, ,  le marché bancaire algérien selon le rapport de la banque d’Algérie,  se compose de six  banques publiques  et de quatorze banques privées, mais ne devant pas  confondre l'importance du nombre de banques privées actives en Algérie, puisque 90% du financement de l'économie algérienne  dont 100% secteur public et plus de 77%  secteur  privé, se fait par les banques publiques  avec une concentration   au niveau des actifs  de  plus  de 39% au niveau d'une seule banque, la BEA, communément appelé la banque de la Sonatrach. Seulement 10% du financement de l'économie sont pris en charge par les  banques privées, avec une  concentration  de plus   de 50% toujours pour les  actifs pour trois banques. Paradoxe, si par  le passé, les disponibilités financières dans les banques algériennes étaient  importantes, les banques publiques croulant sous les  liquidités oisives, ce n’est plus le cas depuis 2016 expliquant le recours au financement  non conventionne, qui non maitrisé amplifiera le processus inflationniste et découragera tout investisseur potentiel  La raison fondamentale  est que le  système financier algérien bureaucratisé (guichets administratifs)  est  déconnecté  des réseaux internationaux,  démontrant une économie sous perfusion   de la rente des hydrocarbures,  les banques prenant peu de risques dans l’accompagnement des investisseurs potentiels. De ce fait, le passage du Remdoc au crédit documentaire Crédoc,  introduit par les lois de finances  2009/2010 , qui a été assoupli récemment,  outre qu’il ne garantissait  pas la traçabilité  existante déjà au niveau du Remdoc,  procédure  normale sous d’autres cieux, est devenu d’ une efficacité limitée pénalisant bon nombre  de PMI/PMI  majoritaires en Algérie qui n’ont pas de couvertures financières suffisantes, et  obligeant bon nombre  de grandes entreprises  publiques faute de management stratégique, à des surstocks  coûteux. La bourse d’Alger, création administrative en 1996 est en léthargie, les  plus grandes sociétés algériennes comme Sonatach  et Sonelgaz n’étant pas  cotées en bourse.

3- D’autres modes de financement pour dynamiser le tissu productif  

Il ya lieu donc de lever   la rigidité  de la gestion, les banques  privilégiant  l’importation au détriment des producteurs de richesses.  Ce  qui suppose d’autres modes de financement, sans bien entendu  renier les instruments classiques,  afin de dynamiser les projets  facteurs de croissance dont le retour du capital est lent. Le  crédit bail  qui est en fait  une  sous traitance dans l'achat de biens et la gestion de prêts, peut être considéré  comme un substitut de l’endettement  tant des   entreprises que des particuliers  écartées des formes traditionnelles d’emprunt en raison de leur risque. Les petites et moyennes entreprises (PME) jouant un rôle vital dans le développement économique, par l’accroissement de la concurrence, la promotion de l’innovation et la création d’emplois,  sont souvent confrontées à plusieurs défis en matière de croissance, qui varient des environnements macroéconomiques peu favorables aux barrières administratives et à la bureaucratie. Toutefois, le plus grand obstacle demeure peut-être leurs capacités limitées à avoir accès aux services financiers. Les financements bancaires à long terme habituels sont généralement inaccessibles pour les PME, faute de garanties, ce qui rend les actifs mobiliers peu sûrs pour l’accès au crédit. Cette situation, ajoutée au niveau élevé des coûts de transaction liés à l’obligation de vigilance, amène les banques commerciales à continuer de privilégier les prêts aux marges, les entreprises bien établies. Dès lors, le crédit bail  pourrait être un complément comme moyen de financement  pour certains  biens d’équipements en particulier pour les entreprises plus petites qui n’ont pas une tradition de crédit ou qui ne disposent pas des garanties requises pour avoir accès aux formes habituelles de financement. Comme d’ailleurs, il faudrait songer  à   impulser le  marché de la finance islamique  qui a bien résisté  à la crise mondiale  qui est  appelé à croître. D’'ailleurs certains savants musulmans ont pu émettre l'idée du cycle  de d'investissement concernant la durée de détention d'un titre de société intervenant par exemple dans le domaine agricole  qui correspond  au temps nécessaire pour semer, récolter et commercialiser, la  décision de vente du titre  étant  alors justifiée par une véritable stratégie d'investissement mesurée par le retour sur investissement post cycle de récolte. L’objectif de la finance islamique est de promouvoir  l'investissement dans des actifs tangibles, les investissements devant  être adossés à des actifs réels, le  banquier ne devant pas  être  seulement prêteur mais co-investisseur et partenaire du projet financé, ses revenus correspondant  à une quote-part des résultats issus du projet financé, permettent d'atténuer le risque  selon  le  principe des 3P (Partage des Pertes et Profits) ?

3.-Un autre mode de gouvernance et politique économique  qui favorisent le climat des affaires

« L'Algérie a un répit de seulement trois ans pour changer de cap »(1) notamment pour améliorer sa gouvernance centrale et locale condition de l’amélioration du climat des affaires. Car le  climat des affaires  ne s’améliore pas comme le montre  la majorité des   rapports de la Banque mondiale Doing Business de 2010 à 2016, Dans ce classement relatif aux meilleures conditions d'entreprendre dans le monde,  l'Algérie est classée à un niveau dérisoire  pour le lancement d'une entreprise,  pour l'obtention d'un crédit,  pour l'obtention d'un permis de construire,  pour les procédures de facilitation d'exportation accordées aux PME,  en matière d'application des contrats,  pour les procédures de paiement des impôts, et  pour la protection des investisseurs. Cela explique, en plus  du changement perpétuel de cadre juridique,  en dehors des hydrocarbures,  la faiblesse  de l’investissement direct étranger porteur, la dominance de la tertiarisation de l’économie- petits commerce/service  (83% du tissu économique)  et la part dérisoire de moins de 5% du secteur industriel ans le produit intérieur brut traduisant le dépérissement du tissu productif. L’actuelle gouvernance  caractérisée par la  bureaucratisation (le terrorisme bureaucratique)  de la société algérienne, avec la faiblesse  de la morale et donc  d’un Etat de droit  qui enfante la sphère informelle spéculative,  bloque les initiatives créatrices. L’on assiste à des subventions désordonnées sans ciblage. Parallèlement la distribution de la rente  sans contreparties productives pour une  paix sociale éphémère  l’avant projet de  loi de finances 2018 augmentation la pat des transferts sociaux et subventions par rapport à2016.,  Le Fonds monétaire international (FMI) dans un rapport alarmant ,que sans réformes structurelles l’épuisement des réserves de change est inévitable. Il prévoit un taux de croissance du PIB réel de l'Algérie à 1,5% pour l'année 2017 et 0,8% pour 2018  et l’AIE ne prévoit pas un relèvement substantiel  du cours du pétrole pour 2018., tout au plus une stabilisation,  Avec un  PIB  en décroissance  entre 2017/2018 reconvertis en dollars, inférieur au taux de croissance démographique , le taux de chômage incluant les sureffectifs dans les  entreprises publiques, les administrations et  les empois temporaires, dépasserait  13% et sera une des causes essentielle  du retour à l’inflation, produit du mode d’accumulation du système  rentier,  vecteur de concentration du revenu national  au profit de couches rentières, source de tensions sociales.. Qu’en sera-t-il, aussitôt épuisé les ressources d’hydrocarbures, la consommation intérieure risquant d’avoisiner les exportations actuelles entre 2025/2030)  au moment où la population dépassera   50 millions horizon 2030

Conclusion

La transition d’une économie de rente à une économe hors hydrocarbures, dans le cadre de la mondialisation,   suppose donc un profond réaménagement des structures  du pouvoir  assis sur la rente à un pouvoir  se fondant  sur les couches productives  et le savoir.  La suprématie de la sphère réelle sur le système financier algérien,  est un enjeu énorme de pouvoir,  le grand défi, est de  l’autonomiser et non être un acteur passif de la redistribution de la rente des hydrocarbures. mais il ne faut pas  être utopique, Sonatrach sera encore pour longtemps l'Algérie et l'Algérie sera Sonatrach d'où l'importance d'un nouveau management  stratégique de cette société stratégique (2)  Le   compromis des années 2017/2020/2030 devra donc concilier l’impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d’une société ouverte et le devoir de solidarité, en un mot l’efficacité et l’équité. Car, il faut éviter toute ambiguïté, l’égalité n’est pas celle du modèle de l963-2017 mais recouvre la nécessité d’une transformation de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur, par la formulation d’un nouveau contrat social, renvoyant au débat sur la refondation de l’Etat. Évitons toute sinistrose, si ces conditions sont remplies , adaptation  aux nouvelles mutations mondiales loin des utopies du passé reposant le développement uniquement sur la rente des hydrocarbures, , bonne gouvernance, valorisation du savoir, l ’Algérie, fortes de ses importantes potentialités pour une  économie diversifiée,   peut devenir un pays pivot et facteur  de stabilité pour la région méditerranéenne et africaine .. Sans cela toute déstabilisation de l’Algérie, comme que je le soulignais  dans une interview à l’American Herald tribune  aurait des répercussions géostratégiques sur toute la région. 

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(1)- Pr Abderrahmane Mebtoul « l'Algérie a un répit de seulement trois ans pour changer de cap » quotidien international financier français latribune.fr 19 septembre 2017- American Herald Tribune 28 décembre 2016- « M. Abderrahmane Mebtoul: Toute déstabilisation de l'Algérie aurait des répercussions géostratégiques sur tout l'espace méditerranéen et africain »

(2)-Voir Pr A. Mebtoul pour un  nouveau management stratégique de Sontrach HEC Montréal Canada 2010- notre intervention  Forum Mondial du Développement durable Paris 13 mars 2017  sur les axes de la transition énergétique de l’Algérie   - Audit réalisé sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul  assisté des cadres de  Sonatrach et du Ministère de l’Industrie et de l’Energie  sous le tire « l’impact du pole d’Arew   10 volumes  1080 pages MIE Alger 1976. -Audit réalisé sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul assisté des cadres de Sonateach, d’experts indépendants  et du Bureau d ‘Etudes  Ernest Young «  le prix  des carburants dans un  cadre concurrentiel «  Ministère Energie   8 volumes 780 pages –Alger 2008-Audit réalisé  sous la direction  du professeur Abderrahmane Mebtoul  assisté de 20 experts nationaux  et internationaux « pétrole et gaz de schiste, opportunités et risques  « Premier ministère Alger janvier 2015  11 volumes 980 pages ou nous avons mis en relief pour plus d'attractivité ,l'importance d'une révision de la loi des hydrocarbures  notamment sa partie fiscale , maintenant la règle des 49/51% pour les grands gisements  et une minorité de blocage  pour les petits gisements 

Abderrahmane MEBTOUL Expert International professeur d’Université  en management  docteur d’ Etat (1974) et diplômé » de l’Institut  supérieur de gestion de Lille- France - (1973)Ancien président du Conseil algérien des privatisations (1996/2000) - directeur  central des études économiques et premier conseiller –magistrat-  à la cour des Comptes (1980/1983) -Directeur d‘Etudes –Ministères Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1996-2000/2007-Expert au conseil économique et social 1997/2008



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