La suprématie de la sphère réelle sur la sphère financière est la condition du développement. Pour le cas algérien, enjeu énorme de pouvoir, le grand défi, est d'autonomiser le système financier afin qu'il ne soit plus un acteur passif de la redistribution de la rente des hydrocarbures dans le sillage des sphères de clientèle.
1-Quel est l’origine des ressources bancaires?
Les exportations pour 97,6% entre 2009/2012 sont représentées par les hydrocarbures libellées en dollars, d’où l’importance d’être attentif aux fluctuations des taux de change au niveau international, les importations en euros avoisinant en moyenne 55/60%. Les hydrocarbures représentent l’essentiel des exportations et les importations pour les ménages, les entreprises publiques et privées avoisinant 70%, dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%. La persistance des déficits publics à travers l’assainissement de leurs dettes et l’appui à l’investissement), le manque de rigueur dans la gestion dont les lois de finances prévoient toujours des montants pour les réévaluations des couts des projets publics en cours de réalisation, a produit un système d’éviction sur l’investissement productif notamment du secteur privé . L’aisance financière artificielle grâce aux hydrocarbures par le passé a permis d’éponger une fraction importante de la dette publique intérieure et extérieure artificiellement par la rente des hydrocarbures. Devant être attentif pour toute analyse objective à la balance des paiements et non uniquement à la balance commerciale, 60 milliards de dollars de sorties de devises en 2016 pour une entrée de 29,5 milliards de dollars, et une sortie entre 55/60 milliards de dollars fin 2017 contre une entrée entre32/33 milliards de dollars fin 2017 devant analyser le montant poste assistance technique étrangère qui est passé de 4 milliards de dollars en 2004 à 10/12 milliards de dollars entre 2011/2016. Les réserves de change en nette baisse passant de 194 milliards de dollars fin 2017 à moins de 97 milliards de dollars fin 2017 sont dues à des facteurs exogènes et non signe du développement, composée des réserves de change à hauteur de 46% en dollars et à 42% en euros, le reste étant constitué d'autres monnaies étrangères à l'image de la livre sterling, le yen japonais et les DTS du FMI , (y compris l’emprunt de 5 milliards de dollars au FMI à environ un taux de 0,08%)
2- Quel est la structuration du système bancaire ?
Les banques algériennes n’arrivent pas à concurrencer sérieusement leurs consœurs marocaines et égyptiennes. Selon « d’African Business », de septembre 2010, pas d’évolution notable entre 2010/2017, dans son dossier « Africa’s Top 100 Banks 2010 », la répartition géographique des 40 banques nord-africaines retenues dans le classement comprend beaucoup plus les banques égyptiennes, marocaines et tunisiennes. Pour preuve, l’Egypte compte 12 établissements, la Tunisie 9, le Maroc 8 et l’Algérie 7 Les banques algériennes sont donc largement distancées s’expliquant selon ce rapport par la qualité des services et le faible niveau de leurs investissements qui n’ont pas permis de gagner en croissance. Le système financier algérien est dans l’incapacité d’autonomiser la sphère financière de la sphère publique, cette dernière étant totalement articulée à la sphère publique dont l’Etat est actionnaire à 100%, le privé local ou international étant marginal.. Après plus de deux décennies d'ouverture selon la déclaration des officiels, , le marché bancaire algérien selon le rapport de la banque d’Algérie, se compose de six banques publiques et de quatorze banques privées, mais ne devant pas confondre l'importance du nombre de banques privées actives en Algérie, puisque 90% du financement de l'économie algérienne dont 100% secteur public et plus de 77% secteur privé, se fait par les banques publiques avec une concentration au niveau des actifs de plus de 39% au niveau d'une seule banque, la BEA, communément appelé la banque de la Sonatrach. Seulement 10% du financement de l'économie sont pris en charge par les banques privées, avec une concentration de plus de 50% toujours pour les actifs pour trois banques. Paradoxe, si par le passé, les disponibilités financières dans les banques algériennes étaient importantes, les banques publiques croulant sous les liquidités oisives, ce n’est plus le cas depuis 2016 expliquant le recours au financement non conventionne, qui non maitrisé amplifiera le processus inflationniste et découragera tout investisseur potentiel La raison fondamentale est que le système financier algérien bureaucratisé (guichets administratifs) est déconnecté des réseaux internationaux, démontrant une économie sous perfusion de la rente des hydrocarbures, les banques prenant peu de risques dans l’accompagnement des investisseurs potentiels. De ce fait, le passage du Remdoc au crédit documentaire Crédoc, introduit par les lois de finances 2009/2010 , qui a été assoupli récemment, outre qu’il ne garantissait pas la traçabilité existante déjà au niveau du Remdoc, procédure normale sous d’autres cieux, est devenu d’ une efficacité limitée pénalisant bon nombre de PMI/PMI majoritaires en Algérie qui n’ont pas de couvertures financières suffisantes, et obligeant bon nombre de grandes entreprises publiques faute de management stratégique, à des surstocks coûteux. La bourse d’Alger, création administrative en 1996 est en léthargie, les plus grandes sociétés algériennes comme Sonatach et Sonelgaz n’étant pas cotées en bourse.
3- D’autres modes de financement pour dynamiser le tissu productif
Il ya lieu donc de lever la rigidité de la gestion, les banques privilégiant l’importation au détriment des producteurs de richesses. Ce qui suppose d’autres modes de financement, sans bien entendu renier les instruments classiques, afin de dynamiser les projets facteurs de croissance dont le retour du capital est lent. Le crédit bail qui est en fait une sous traitance dans l'achat de biens et la gestion de prêts, peut être considéré comme un substitut de l’endettement tant des entreprises que des particuliers écartées des formes traditionnelles d’emprunt en raison de leur risque. Les petites et moyennes entreprises (PME) jouant un rôle vital dans le développement économique, par l’accroissement de la concurrence, la promotion de l’innovation et la création d’emplois, sont souvent confrontées à plusieurs défis en matière de croissance, qui varient des environnements macroéconomiques peu favorables aux barrières administratives et à la bureaucratie. Toutefois, le plus grand obstacle demeure peut-être leurs capacités limitées à avoir accès aux services financiers. Les financements bancaires à long terme habituels sont généralement inaccessibles pour les PME, faute de garanties, ce qui rend les actifs mobiliers peu sûrs pour l’accès au crédit. Cette situation, ajoutée au niveau élevé des coûts de transaction liés à l’obligation de vigilance, amène les banques commerciales à continuer de privilégier les prêts aux marges, les entreprises bien établies. Dès lors, le crédit bail pourrait être un complément comme moyen de financement pour certains biens d’équipements en particulier pour les entreprises plus petites qui n’ont pas une tradition de crédit ou qui ne disposent pas des garanties requises pour avoir accès aux formes habituelles de financement. Comme d’ailleurs, il faudrait songer à impulser le marché de la finance islamique qui a bien résisté à la crise mondiale qui est appelé à croître. D’'ailleurs certains savants musulmans ont pu émettre l'idée du cycle de d'investissement concernant la durée de détention d'un titre de société intervenant par exemple dans le domaine agricole qui correspond au temps nécessaire pour semer, récolter et commercialiser, la décision de vente du titre étant alors justifiée par une véritable stratégie d'investissement mesurée par le retour sur investissement post cycle de récolte. L’objectif de la finance islamique est de promouvoir l'investissement dans des actifs tangibles, les investissements devant être adossés à des actifs réels, le banquier ne devant pas être seulement prêteur mais co-investisseur et partenaire du projet financé, ses revenus correspondant à une quote-part des résultats issus du projet financé, permettent d'atténuer le risque selon le principe des 3P (Partage des Pertes et Profits) ?
3.-Un autre mode de gouvernance et politique économique qui favorisent le climat des affaires
« L'Algérie a un répit de seulement trois ans pour changer de cap »(1) notamment pour améliorer sa gouvernance centrale et locale condition de l’amélioration du climat des affaires. Car le climat des affaires ne s’améliore pas comme le montre la majorité des rapports de la Banque mondiale Doing Business de 2010 à 2016, Dans ce classement relatif aux meilleures conditions d'entreprendre dans le monde, l'Algérie est classée à un niveau dérisoire pour le lancement d'une entreprise, pour l'obtention d'un crédit, pour l'obtention d'un permis de construire, pour les procédures de facilitation d'exportation accordées aux PME, en matière d'application des contrats, pour les procédures de paiement des impôts, et pour la protection des investisseurs. Cela explique, en plus du changement perpétuel de cadre juridique, en dehors des hydrocarbures, la faiblesse de l’investissement direct étranger porteur, la dominance de la tertiarisation de l’économie- petits commerce/service (83% du tissu économique) et la part dérisoire de moins de 5% du secteur industriel ans le produit intérieur brut traduisant le dépérissement du tissu productif. L’actuelle gouvernance caractérisée par la bureaucratisation (le terrorisme bureaucratique) de la société algérienne, avec la faiblesse de la morale et donc d’un Etat de droit qui enfante la sphère informelle spéculative, bloque les initiatives créatrices. L’on assiste à des subventions désordonnées sans ciblage. Parallèlement la distribution de la rente sans contreparties productives pour une paix sociale éphémère l’avant projet de loi de finances 2018 augmentation la pat des transferts sociaux et subventions par rapport à2016., Le Fonds monétaire international (FMI) dans un rapport alarmant ,que sans réformes structurelles l’épuisement des réserves de change est inévitable. Il prévoit un taux de croissance du PIB réel de l'Algérie à 1,5% pour l'année 2017 et 0,8% pour 2018 et l’AIE ne prévoit pas un relèvement substantiel du cours du pétrole pour 2018., tout au plus une stabilisation, Avec un PIB en décroissance entre 2017/2018 reconvertis en dollars, inférieur au taux de croissance démographique , le taux de chômage incluant les sureffectifs dans les entreprises publiques, les administrations et les empois temporaires, dépasserait 13% et sera une des causes essentielle du retour à l’inflation, produit du mode d’accumulation du système rentier, vecteur de concentration du revenu national au profit de couches rentières, source de tensions sociales.. Qu’en sera-t-il, aussitôt épuisé les ressources d’hydrocarbures, la consommation intérieure risquant d’avoisiner les exportations actuelles entre 2025/2030) au moment où la population dépassera 50 millions horizon 2030
Conclusion
La transition d’une économie de rente à une économe hors hydrocarbures, dans le cadre de la mondialisation, suppose donc un profond réaménagement des structures du pouvoir assis sur la rente à un pouvoir se fondant sur les couches productives et le savoir. La suprématie de la sphère réelle sur le système financier algérien, est un enjeu énorme de pouvoir, le grand défi, est de l’autonomiser et non être un acteur passif de la redistribution de la rente des hydrocarbures. mais il ne faut pas être utopique, Sonatrach sera encore pour longtemps l'Algérie et l'Algérie sera Sonatrach d'où l'importance d'un nouveau management stratégique de cette société stratégique (2) Le compromis des années 2017/2020/2030 devra donc concilier l’impératif de productivité et la cohérence sociale, les principes d’une société ouverte et le devoir de solidarité, en un mot l’efficacité et l’équité. Car, il faut éviter toute ambiguïté, l’égalité n’est pas celle du modèle de l963-2017 mais recouvre la nécessité d’une transformation de l’Etat gestionnaire à l’Etat régulateur, par la formulation d’un nouveau contrat social, renvoyant au débat sur la refondation de l’Etat. Évitons toute sinistrose, si ces conditions sont remplies , adaptation aux nouvelles mutations mondiales loin des utopies du passé reposant le développement uniquement sur la rente des hydrocarbures, , bonne gouvernance, valorisation du savoir, l ’Algérie, fortes de ses importantes potentialités pour une économie diversifiée, peut devenir un pays pivot et facteur de stabilité pour la région méditerranéenne et africaine .. Sans cela toute déstabilisation de l’Algérie, comme que je le soulignais dans une interview à l’American Herald tribune aurait des répercussions géostratégiques sur toute la région.
(1)- Pr Abderrahmane Mebtoul « l'Algérie a un répit de seulement trois ans pour changer de cap » quotidien international financier français latribune.fr 19 septembre 2017- American Herald Tribune 28 décembre 2016- « M. Abderrahmane Mebtoul: Toute déstabilisation de l'Algérie aurait des répercussions géostratégiques sur tout l'espace méditerranéen et africain »
(2)-Voir Pr A. Mebtoul pour un nouveau management stratégique de Sontrach HEC Montréal Canada 2010- notre intervention Forum Mondial du Développement durable Paris 13 mars 2017 sur les axes de la transition énergétique de l’Algérie - Audit réalisé sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul assisté des cadres de Sonatrach et du Ministère de l’Industrie et de l’Energie sous le tire « l’impact du pole d’Arew 10 volumes 1080 pages MIE Alger 1976. -Audit réalisé sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul assisté des cadres de Sonateach, d’experts indépendants et du Bureau d ‘Etudes Ernest Young « le prix des carburants dans un cadre concurrentiel « Ministère Energie 8 volumes 780 pages –Alger 2008. -Audit réalisé sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul assisté de 20 experts nationaux et internationaux « pétrole et gaz de schiste, opportunités et risques « Premier ministère Alger janvier 2015 11 volumes 980 pages ou nous avons mis en relief pour plus d'attractivité ,l'importance d'une révision de la loi des hydrocarbures notamment sa partie fiscale , maintenant la règle des 49/51% pour les grands gisements et une minorité de blocage pour les petits gisements
Abderrahmane MEBTOUL Expert International professeur d’Université en management docteur d’ Etat (1974) et diplômé » de l’Institut supérieur de gestion de Lille- France - (1973)Ancien président du Conseil algérien des privatisations (1996/2000) - directeur central des études économiques et premier conseiller –magistrat- à la cour des Comptes (1980/1983) -Directeur d‘Etudes –Ministères Energie/Sonatrach 1974/1979-1990/1996-2000/2007-Expert au conseil économique et social 1997/2008