Dans la nuit du 5 au 6 janvier 2018, une attaque massive de drones armés utilisés par des terroristes a eu lieu contre les bases russes en Syrie de Hmeimim et Tartous, a indiqué lundi le ministère russe de la défense. Depuis, d’autres précisions ont été diffusées. En tout, treize drones portant chacun une charge offensive ont été lancés à partir d’une distance d’une cinquantaine à une centaine de kilomètres semble-t-il. Les drones ont été repérés et “pistés” très vite après leur lancement, puis identifiés comme des attaques à proximité des deux bases. La riposte russe a annihilé l’entièreté de l’attaque.
Le guidage de six des drones a été intercepté et pris en charge par les défenses de guerre électronique russe, avec le résultat de trois engins qui se sont écrasés et trois autres contrôlés et guidés pour se poser sans dommages sur les bases russes. Les sept autres ont été détruits par des systèmes de tir mixte (canons/missiles) contre les objectifs rapprochés, les fameux Pantsir-C. L’ensemble, telle que l’opération de défense est décrite (voir par exemple ZeroHedge.com) représente une démonstration remarquable de l’utilisation coordonnée de tous les moyens moderne de défense antiaérienne et de contrôle de zone, – surveillance et repérage, électronique pure de défense et batteries sol-air à guidage électronique.
Nous avons consulté les plus mauvaises sources possibles, soit les sites russes RT et Sputnik.News, qui donnent des informations venues du ministère de la défense sur ces attaques, puis des commentaires, jusqu’à la nouvelle la plus récente d’un avion de surveillance et de contrôle électronique P-8 Poseidon en vol dans la région, à “distance opérationnelle”, durant toute l’attaque. Le P-8 passait par là mais il a beaucoup trainé (4 heures).
(Le ministère russe de la défense, comme il en prend de plus en plus l’habitude, n’est pas avare de détails, de supputations et d’hypothèses pour cette opération. La récupération d’au moins trois drones intacts, immédiatement photographiés pour notre édification, devrait permettre aux Russes de parvenir à de nouveaux constats techniques qui seront sans doute rendus publics.)
• Sur l’attaque elle-même, le ministère de la défense a précisé que les terroristes ont utilisé « des techniques modernes de guidage comme les coordonnées satellitaires GPS. […] Tous les drones auxquels les terroristes ont eu recours lors de cette attaque ont été munis de capteurs biométriques et de servomoteurs commandant les gouvernes de profondeur. Des détonateurs de fabrication étrangère ont été utilisés dans les engins explosifs improvisés attachés aux drones. »
Le commentaire du ministère insiste particulièrement sur cette aide qu’ont reçue directement les terroristes :
« Le fait que les terroristes aient eu recours à des drones témoigne qu’ils ont reçu des technologies permettant de commettre des actes terroristes par le biais de drones dans tout pays… […] Les techniques d’ingénierie auxquelles les terroristes ont eu recours lors de l’attaque contre des objectifs russes en Syrie n’ont pu provenir que d’un des pays possédant de hautes capacités technologiques qui assurent la navigation satellite et le largage d’engins explosifs improvisés conçus d’une manière professionnelle dans les coordonnées de destination. »
• L’expert russe en questions militaires et de terrorisme Igor Korotchenko a été consulté par Sputnik.News, notamment sur deux aspects de cette opération, sa signification générale et la question des moyens : « On peut dire que c’est une nouvelle page dans l’histoire du terrorisme international. Il est à noter qu’en Syrie, les drones ont été lancés d’une assez grande distance. Maintenant, c’est une menace réelle que tous les services spéciaux du monde devront prendre en compte. […] Aujourd’hui, des dizaines de pays produisent des drones. Il est […] peu probable que les terroristes aient organisé sans aide extérieure un raid massif de drones équipés d’engins explosifs improvisés. En outre, le mécanisme de largage de ces mini-bombes n’est pas arrivé tout cuit dans une assiette. »
• … Bref, si “nouvelle page” (de l’histoire du terrorisme) il y a, il n’est pas inintéressant de savoir qui a fourni le stylo et l’encre, et guidé la main pour l’écrire. Un fait bienvenu a été révélé, toujours par le ministère russe de la défense, sur la présence en vol, pendant toute la durée de l’opération, d’un avion de surveillance, de renseignement et de contrôle P-8 Poseidon. Cette présence est donc qualifiée de “drôle de coïncidence” : « Pourquoi durant la période de l’attaque de drones des terroristes contre les sites militaires russes en Syrie, y avait-il justement un avion de renseignement des Forces armées américaines Poseidon qui a patrouillé pendant plus de quatre heures à une altitude de 7.000 mètres au-dessus de la Méditerranée, [dans une zone] entre Tartous et Hmeimim ? »
• Enfin, toujours du ministère de la défense, il y a la mise en cause du commentaire du Pentagone aux premières nouvelles de l’attaque. A des questions concernant l’accès à ces technologies électroniques des drone offensifs, le porte-parole avait expliqué d’une façon assez leste, aussi sommaire que souriante et qui semblait prendre ses interlocuteurs pour des scribouillards assez primaires, que les terroristes avaient utilisé des technologies accessibles partout “sur le marché” (“facilement disponibles sur le marché”) : « De quelles technologies s’agit-il, où se situe ce “marché” et quels services spéciaux y vendent les données de renseignement spatial ? »
« “Simplement pour programmer les contrôles de gestion de drones […] et le largage des munitions par le système GPS, il est nécessaire d’avoir des savoirs acquis dans une bonne école d’ingénieurs d’un pays développé”, a souligné le ministère, avant d’ajouter que n’importe ne peut pas réussir à déterminer des coordonnées précises en se basant sur les données de renseignement. »
… Bref, toutes ces FakeNews (marque déposée) permettent de considérer avec bienveillance l’hypothèse que la très-très-grande puissance à laquelle tout le monde est évidemment conduit à penser se trouve bien entendu à la manœuvre, comme à son habitude, pour faire évoluer d’un cran les capacités de nuisance des terroristes, ou des supposés-“terroristes” dans ce cas comme dans tant d’autres. Elle semble même assez peu préoccupée de s’en dissimuler, comme le montre la présence du P-8 en patrouille opérationnelle, ou bien pense-t-elle comme elle en a l’habitude selon sa psychologie d’un exceptionnalisme exacerbé, se trouver par décret divin au-dessus de tout soupçon.
Nous dirions donc que, plutôt qu’à une « nouvelle page dans l’histoire du terrorisme international », nous sommes conviés avec cette affaire de drones attaquant les bases russes à la lecture d’une “nouvelle page” de la pseudo-“stratégie du chaos” de cette très-très-grande puissance. On peut à cette occasion, faire plusieurs remarques remontant aux origines de l’actuelle séquence (depuis 9/11), étant bien entendu que la connivence avec les terrorismes de tous poils remonte bien au-delà du 11 septembre, notamment dans l’histoire de la CIA parmi les divers services disponibles de la très-très-grande puissance pour ses entreprises.
Il est acquis aujourd’hui, par la narrative qui fut écrite après coup, que la “stratégie” déclenchée par 9/11 était bien celle d’une remise “en ordre” du monde, essentiellement du Moyen-Orient pour commencer. Les tenants de cette thèse s’appuient, notamment sur une vidéo fameuse du général Clark (en visite au Pentagone quelques jours après l’attaque) dont nous jugeons évidemment, – il suffit de bien suivre ce qui est dit, – qu’elle nous signifie exactement le contraire, savoir qu’il n’y avait strictement aucune stratégie au soir du 11 septembre et dans les jours qui suivirent, et les semaines etc. Qu’importe, les neocons s’employèrent, après-coup comme c’est leur spécialité, à donner a posteriori du sens à ce qui n’en avait aucun.
La “stratégie du chaos” fut donc développée parce qu’“il fallait bien faire quelque chose”, entraînant destruction sur destruction, et saccageant en fait des domaines sur lesquels les USA exerçaient une influence incontestable qu’ils gaspillèrent à grandes enjambées, pour la gloriole de la destruction et la fortune habituelle de leurs marchands de canon (“stratégie du chaos” ou pas, cette fortune était assurée). Le chaos qu’ils créèrent ainsi l’étaient essentiellement sur les domaines qu’ils contrôlaient, jusqu’à se mettre en position vulnérable et à voir effectivement cette influence entrer dans une phase d’érosion fatale à partir d’août-septembre 2013 et la reculade d’Obama devant la perspective d’une attaque de la Syrie.
Cette décision d’Obama d’août-septembre 2013 était sensée, mais comme toute la stratégie US était invertie, elle agit comme un accélérateur de cette inversion. C’est à partir de ce tournant que les USA, qui avaient déjà une activité soutenue dans ce domaine, se lancèrent à corps perdu dans le soutien aux divers composants du terrorisme, pour tenter de le manipuler contre des adversaires qu’ils s’étaient eux-mêmes créés (l’Iran, la Syrie et la Russie ne demandaient, autour de 2001, qu’à coopérer avec les USA, en acceptant plus ou moins leur influence dominante par le biais de la globalisation américanisée).
C’est de ce point de vue que l’utilisation massive des drones pour la première fois par des terroristes sortis des grandes universités et des instituts secrets de la CIA, avec l’aide affectueuse d’un P-8 de renseignement et de contrôle de l’US Navy, constitue “une nouvelle page”. C’est de ce point de vue que l’on comprend que la “stratégie du chaos” a enfin un sens : tenter de dissimuler la déroute des USA en tentant de frapper indirectement ceux (les Russes) qui les ont remplacés ; tenter d’instaurer un chaos-nouveau, un “chaos de défense”, sur la situation de chaos qu’ils ont eux-mêmes provoquée.
L’apparition des drones terroristes dont nul ne peut ignorer la provenance suggère elle-même des effets potentiels importants, notamment pour notre décompte, de trois ordres :
• La mise en évidence de plus en complète de la duplicité des USA, – déjà évidente dans diverses opérations, notamment à partir de la création de Daesh ; cette fois avec des systèmes d’armes offensifs dont les Russes notamment on beau jeu d’annoncer qu’ils constituent un tournant opérationnel stratégique de grande importance.
• La mise en évidence opérationnelle, à assez bon compte parce que les drones sont parmi les cibles les moins difficiles à toucher, de la précision et de l’efficacité mortelle de la défense aérienne des Russes est un avantage russe incontestable dans cette affaire, surtout lorsqu’il s’agit de l’élimination ou de la “capture” de tous les participants à une attaque de masse de cette sorte. Ceux qui doutent des capacités militaires russes en tireront les conclusions qu’ils veulent, avec les habituelles pirouettes de dialectique, le fait n’en reste pas moins d’une réelle puissance. Ce facteur purement opérationnel renforce un facteur politique essentiel : une contribution significative, avec son effet dissuasif rendant toute la Syrie et d’une façon générale une grande partie du Moyen-Orient dépendant de la puissance russe.
• D’une façon plus générale enfin, la dotation du monstre qu’ils (les USA) ont créé (le terrorisme) de systèmes d’armes de plus en plus sophistiqués, constitue une politique de renforcement qualitatif significative. Dans le cas de ce système d’arme aussi symboliquement effrayant qu’opérationnellement dévastateur qu’est le drone, le geste de renforcement a un très fort impact politique. Pour ce qui est de cet impact politique, nous parlons moins ici de l’évolution des terroristes que du soutien américaniste à l’évolution des terroristes qui apparaît comme un fait de plus en plus avéré, comme une réalité qu’il devient pathétiquement impossible de continuer à tenter de dissimuler. Outre les habituels “ennemis”, “axes du mal” divers à la sauce washingtonienne, ce sont désormais des pays alliés, comme les pays européens notamment, qui peuvent arriver à la conclusion qu’ils sont visés par une menace extrêmement graves que les USA alimentent directement.
… Lorsque nous en serons à ce point de dévastation de l’influence US jusqu’à quasiment passer pour un ennemi aussi dangereux de pays “allié”, nous saurons alors que la “stratégie du chaos” est devenue une véritable stratégie pour les USA. Naturellement, il s’agit d’une stratégie de l’autodestruction d’une puissance mondiale transformée en centre de gangstérisme et de piraterie, ayant choisis comme moyen d’action, outre les sempiternelles sanctions, le terrorisme sous toutes ses formes. Rien ne semble devoir arrêter la chute des USA dans le trou noir de l’autodestruction. C’est une réelle bonne nouvelle, une de ces FakeNews capables de faire trembler le Système sur ses bases.(De Defensa.org)