Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a réitéré jeudi depuis El Bayadh que l’Algérie se «portait bien» et que l’armée est mobilisée de manière «permanente» pour assurer la «sécurité du pays et des citoyens algériens».
Ce constat est certainement sujet à plusieurs interprétations selon qu’on est au pouvoir ou simple citoyen. S’il est vrai que l’Algérie n’est heureusement pas en guerre -quoique…-, elle n’est pas non plus en paix au sens social du terme. La paix dans le monde moderne ne se limite plus à l’absence de conflits armés au niveau interne ou externe d’un pays. Elle traduit surtout le bien être d’un peuple où les gouvernés et les gouvernants évoluent dans une parfaite osmose et où chacun accomplit ses devoirs et obtient ses droits sans accrocs.
Selon cette conception, on ne peut pas dire aujourd’hui que notre pays est intégrable dans cette catégorie. Ce serait faire preuve de mauvaise foi et de mystification. Il n' y a qu’a voir le nombre de conflits sociaux qui éclatent chaque jour que Dieu fait et qui provoquent assez souvent des cycles d’actions-répression. De larges secteurs de la population éprouvés par les dures conditions de vie, débordent dans la rue pour se faire entendre faute d’avoir pu capter spontanément l’attention de ceux qui gouvernent. Les autorités ainsi prises en défaut de leur propre faillite, recourt généralement à la recette classique qui consiste à tenter de ramener l’ordre par la violence de la matraque.
Violence sociale
Ce corps à corps entre manifestants et forces de sécurité s’est imposé au fil des années comme l’unique moyen de «régulation» sociale en Algérie ; à tel point que ce comportement s’est banalisé. Les citoyens qui crient et manifestent ont compris qu’ils n’ont plus le choix pour se faire entendre sinon de «descendre» dans la rue quitte à commettre parfois des actes répréhensibles. Les autorités, elles aussi, pensent que le gaz lacrymogène, la matraque et l’interdiction sont l’unique moyen pour éviter les débordements.
Cette posture d’immense arène sociale où tous les coups sont permis est évidemment préjudiciable à la notion de république ou de citoyenneté.
Et l’addition de toutes ces confrontations plus au moins musclées, donnent une piteuse image du pays qui ne sait pas faire autre chose que réprimer les voix discordantes. Faut-il alors s’offusquer de ce classement peu glorieux de l’Algérie à la 119place sur 162 au niveau mondial en matière de paix ? Certainement pas.
La preuve par les chiffres
L’institut Global Peace Index (GPI-2013), établi par le Centre des études sur la paix et les conflits de l'Université de Sydney, n’est pas venu du néant. Il serait malvenu de le cataloguer dans la rubrique de la «manipulation» comme on a habitude de l’entendre çà et là.
Ce classement 2013 a été élaboré en se basant sur des facteurs liés aux «dépenses militaires, le degré de violence au sein de la société et les conflits armés internes ou avec d’autres Etats». En pointant juste derrière le Mali qui arrive à la 125e place, l’Algérie s’affiche dans une zone rouge indigne de ses potentialités, de la vitalité de sa jeunesse mais surtout de ses moyens financiers.
L’Algérie se porte bien par ce qu’elle n’est pas en guerre est quelque part une vérité certes. Mais elle se porterait sûrement mieux si les citoyens ne subissaient pas la matraque pour avoir élevé un peu la voix. L’indice de la paix civile se vérifie aussi dans les comportements de tous les jours où les agressions diurnes et nocturnes sont monnaie courante. C’est aussi et surtout cela qui fait qu’un pays se «porte bien» et non pas que ses soldats soient sur le pied de guerre à ses frontières.