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L’Algérie de 2015/2020 réalisera t-elle sa transition économique ?

18-09-2014 19:34  Contribution

L’Algérie face une concurrence internationale de plus en plus acerbe doit impérativement réaliser à la fois sa transition économique et sa transition énergétique. Sans chauvinisme, elle en a les moyens pour peu que les fondements du développement du XXIème siècle soient mise en œuvre: la bonne gouvernance et la valorisation du savoir dans le cadre des nouvelles mutations mondiales.

1.- Il faut éviter l’illusion juridique bureaucratique en pensant qu’une Loi ou un changement d’organisation qui a un coût très lourd peut résoudre les problèmes d’ordre structurel. Nous assistons entre 1963 à 2014 à une instabilité juridique perpétuelle qu'à un changement de politique économique, facteurs liés, qui limitent les secteurs dynamiques et découragent les entrepreneurs publics et privés dans le cadre de l'allocation sectorielle d'investissement, les orientant vers les activités spéculatives. Lorsqu’un pouvoir agit bureaucratiquement, sans concertation et sans tenir compte de la réelle composante sociale, la société enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner en dehors de l’Etat officiel, se traduisant alors par un divorce croissant Etat/citoyens. On ne relance pas l’activité économique ou on protège la production nationale par décrets ou par volontarisme étatique, vision d’une mentalité bureaucratique rentière. Après plus de 50 années d’indépendance politique l’Algérie est toujours dépendante de ses ressources en devises à 97/98% de Sonatrach. Le secteur industriel représente moins de 5% du PIB et sur ces 5% 95% sont des PMI peu initiées au management stratégique) et 83% de la superficie économique est constituée de petits commerces/services. Le gouvernement doit se démarquer d’une vision culturelle largement dépassée des années 1970, tant sur le plan politique, économique qu’en matière diplomatique. Nous sommes en 2014 avec des mutations géostratégiques considérables entre 2014/2020 qui préfigurent de profonds bouleversements géostratégiques. Il s’agit d’éviter que les différentes réunions et séminaires soient un lieu de redistribution de la rente (parts de marché et avantages divers supportés par le Trésor public de ceux présents via la dépense publique) en fonction d’intérêts étroit L’objectif et de faire de la négociation collective le moyen privilégié de la maîtrise des évolutions socio-économiques de la société et des entreprises. Le dialogue est la seule voie pour trouver un véritable consensus, ce qui ne signifie nullement unanimisme, signe de décadence de toute société afin d’anticiper tout conflit préjudiciable aux intérêts supérieurs du pays avec des coûts faramineux. Pour une meilleure représentativité, les organisations patronales privées doivent avoir un cadre unifié et inclure d’autres organisations non présentes, parfois plus représentatives. Car le gouvernement ne peut négocier avec plus de 60 organisations qui doivent s’organiser en trois ou quatre grandes confédérations comme dans les pays développés, idem pour l’émiettement du patronat privé s’ils veulent devenir des forces sociales véritablement représentatives.

2.- L’objectif stratégique est de réhabiliter l’entreprise, qu’elle soit publique, privée ou étrangère, en adaptant les règles aux normes internationales et son fondement, le savoir, sur une économie de plus en plus mondialisée. Cela doit s’inscrire dans des stratégies pour segments de filières internationalisées afin de créer une économie productive à forte valeur ajoutée, ne devant pas, en ce XXIe siècle, du fait des nouvelles technologies, avoir une vision matérielle, l’industrie se combinant avec les services. La recherche tant théorique qu’appliquée, avec un équilibre entre les sciences exactes et les sciences humaines, est fondamentale pour impulser de nouvelles filières industrielles. Pour paraphraser le langage militaire qui différencie tactique et stratégie, le gouvernement, et c’est sa mission essentielle, se doit d’avoir une vision stratégique et non d’agir sur la conjoncture à partir d’une tactique. Des actions coordonnées et synchronisées dans le temps exigeront le courage de réformer vite et massivement, non des replâtrages conjoncturels différant les problèmes dans le temps, mais de profondes réformes structurelles, passant par une réhabilitation de la planification et un management stratégique. Ainsi, au-delà de l’État, l’ensemble des acteurs de la société doivent être mobilisés si l’Algérie veut renouer avec une croissance durable hors hydrocarbures. Comment ne pas rappeler que les pays ayant entrepris avec succès des réformes, notamment les pays émergents, se sont appuyés sur une mobilisation de l’opinion. La nécessité de réformer s’impose à l’Algérie, et ce, malgré des dépenses monétaires sans précédent par une accumulation de résultats économiques mitigés, de crises sociales ou de crises politiques. La croissance forte peut revenir en Algérie, mais elle suppose la conjugaison de différents facteurs : une population active dynamique, un savoir faire, un goût du risque et des innovations technologiques sans cesse actualisés, un combat contre toute forme de monopole néfaste, une concurrence efficace, un système financier rénové capable d’attirer du capital et une ouverture à l’étranger en intégrant la diaspora. Pour s’inscrire dans la croissance mondiale, l’Algérie doit d’abord mettre en place une véritable économie de la connaissance, développant le savoir de tous, de l’informatique au travail en équipe, de l’arabe, du français à l’anglais, du primaire au supérieur, de la crèche à la recherche. Elle doit ensuite faciliter la concurrence, la création et la croissance des entreprises par la mise en place de moyens modernes de financement, (la refonte du système financier devient urgent devant devenir un véritable partenaire des entreprises), la réduction du coût du travail et la simplification des règles de l’emploi. Elle doit favoriser l’épanouissement de nouveaux secteurs clés, dont le numérique, la santé, la biotechnologie, les industries de l’environnement et les services à la personne. Simultanément, il est nécessaire de créer les conditions d’une mobilité sociale, géographique et concurrentielle afin de permettre à chacun de travailler mieux et plus, de changer plus facilement d’emploi en toute sécurité, renvoyant à un e formation de qualité permanente.

3.- Les réformes passent fondamentalement par une démocratie vivante, une stabilité des règles juridiques et une équité, des politiques parlant de justice sociale. La conduite d’ensemble de ces réformes ne peut ni être déléguée à tel ou tel ministre ni mise entre les mains de telle ou telle administration. Elle ne pourra être conduite que si, au plus haut niveau de l’État, une volonté politique forte les conduit et convainc les Algériens de leur importance. D’où, avec l’ère d’Internet, la nécessité d’une communication active transparente et permanente. Ensuite, chaque ministre devra recevoir une « feuille de route » complétant sa lettre de mission et reprenant l’ensemble des décisions relevant de sa compétence. Au regard de l’importance des mesures à lancer et de l’urgence de la situation, le gouvernement devra choisir le mode de mise en œuvre le plus adapté à chaque décision : l’accélération des projets et des initiatives existantes, le vote d’une loi accompagnée, dès sa présentation au Parlement, des décrets d’application nécessaires à sa mise en œuvre. Pour les urgences, mais seulement, des décisions par ordonnance pourront être utilisées. Pour mener à bien ces réformes, l’État et les collectivités locales doivent être très largement réformés. Il faudrait réduire leur part dans la richesse commune, concentrer leurs moyens sur les groupes sociaux qui en ont réellement besoin, faire place à la différenciation et à l’expérimentation, évaluer systématiquement toute décision a priori et a posteriori. La croissance partagée par un sacrifice également partagé exige l’engagement de tous, et pas seulement celui de l’État, en organisant les solidarités devant concilier efficacité économique et équité par une participation citoyenne et un dialogue productif permanent. La nature du pouvoir doit changer, supposant une refonte progressive de l’Etat par une réelle décentralisation autour de grands pôles économiques régionaux, impliquant non un Etat gestionnaire mais un Etat régulateur, conciliant coûts sociaux et coûts privés, tout en étant le cœur de la conscience collective.

4.- Le retour à la confiance est le facteur essentiel du développement futur de l’Algérie devant éviter tant la sinistrose que l’autosatisfaction source de névrose collective face à la dure réalité économique et sociale supposant une autre gouvernance fondée sur un Etat de droit, une lutte réelle contre la corruption qui se socialise, constituant un danger pour la sécurité nationale, et, donc, une moralité sans faille pour ceux qui dirigent la Cité. L’essentiel de l’action est entre les mains des Algériens, qui devront vouloir le changement et partager une envie d’avenir, apprendre davantage, s’adapter, travailler plus et mieux, créer, partagé, oser. Ce ne sera qu’à ces conditions que les Algériens réapprendront à envisager leur avenir avec confiance, préféreront le risque à la rente, libéreront l’initiative, la concurrence et l’innovation. Le principal défi du XXIe pour l’Algérie sera la maîtrise du temps ; le monde ne nous attend pas et toute nation qui n’avancera pas reculera forcément. L’Algérie est liée à l’Accord l‘Association ave l’Europe signé le 01 septembre 2005 et dont le dégrèvement tarifaire sera zéro en 2020. L’Algérie aura-t-elle à cette date renouée avec la croissance et donc des entreprises publiques et privées compétitives en termes de cout-qualité tenant compte de la dure concurrence internationale? Qu’en sera-t-il si l’Algérie adhère à l’organisation mondiale du commerce,(l’OMC) représentant 85% de la population mondiale et 97% des échanges mondiaux avec les récentes adhésions de l’Arabie Saoudite et la Russie, processus irréversible contenu dans le programme du président de la république, si l’Algérie ne veut pas s’isoler des relations internationales?

5.- Retarder les réformes ne peut que conduire à une lente désintégration, un appauvrissement, une perte de confiance en l’avenir où certains scénarios prévoient une chute des recettes entre 2017-2020, limitant dès lors l’investissement de Sonatrach avec l’épuisement inéluctable de la rente des hydrocarbures (pétrole 2020-2025- gaz traditionnel horizon 2030), et ce, au moment où la population avoisinera 50 millions d’habitants. Tant qu’il y a la rente, la fuite en avant est la distribution de revenus sans contreparties productives, sacrifiant le développement du pays et les générations futures, rentrant dans le cadre d’une stabilité statique suicidaire. Comme rappelé précédemment, la part insignifiante du tissu productif, les importations massives de produits agricoles comme en témoigne la chute de 30% de la production de blé en 2014 par rapport à 2013, mais plus de 100% par rapport aux années 2008/2009, la production étant estimée en 2014 à 32 millions de quintaux contre plus de 62 entre 2008/2010, montrent clairement que l'économie algérienne dépend des aléas climatiques et des fluctuations du cour des hydrocarbures qui échappent à la décision intérieure et donc la faiblesse du management stratégique de la majorité des secteurs. Le pouvoir algérien, mais aussi la majorité de la population dont le revenu est fonction à plus de 70% de la rente des hydrocarbures doivent savoir qu'une nation ne peut distribuer que ce qu'elle a préalablement produit, que l’avenir de l’emploi et de leur pouvoir d’achat n’est plus dans l’administration et les emplois rentes qui voilent le taux réel du chômage, mais dans les segments productifs. Comme les subventions à répétition mal ciblées et mal gérées (25 milliards de dollars) et 60 milliards de dollars avec les transferts sociaux gonflant artificiellement les revenus et comprimant artificiellement le taux d'inflation, vont devenir de plus en plus insupportables. Toute nation qui n’avance pas recule forcément étant toujours en dynamique n’existant pas de situation statique. L’Algérie face une concurrence internationale de plus en plus acerbe doit impérativement réaliser à la fois sa transition économique et sa transition énergétique et sans chauvinisme. Sans chauvinisme, elle en a les moyens, pour peu que les fondements du développement du XXIème siècle soient mises en œuvre: la bonne gouvernance et la valorisation du savoir dans le cadre des nouvelles mutations mondiales. Mais c’est la dernière chance pour notre pays devant profiter de cette manne financière des 195 milliards de dollars de réserves de change richesses virtuelles qu’il s ‘agit de transformer en richesses réelles: ou l’Algérie réalise une transition réussie entre 2015/2020, ou elle sera sous développée pendant de longues décennies. Cela pose donc le problème de sécurité nationale. Car à terme, l’Algérie n’aura plus les moyens financiers de préparer les réformes attendues, et vivra sous l’emprise de la peur et voyant partout des menaces, là où les autres ne verront que de la chance. Puisse notre pays, grâce à ses femmes et hommes de bonne volonté, traverser la crise multidimensionnelle à laquelle elle est actuellement confrontée et devenir un acteur actif dans le concert des nations notamment au sein de la région euro-méditerranéenne et africaine (1).

Professeur des Universités expert International Dr Abderrahmane MEBTOUL

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(1)-L’Algérie face aux défis de la mondialisation- ouvrage collectif sous la direction du professeur Abderrahmane MEBTOUL deux (2) -volumes 500 pages -Casbah Edition Alger 2006- regroupant économistes- sociologues, ingénieurs et juristes où les problèmes de la transition politique, sociale et économique ont été analysées.

*Contribution exclusive pour Algérie1.



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