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L’Algérie de 2013 face aux enjeux géostratégiques mondiaux : pas d’économie, pas de partis politiques et une diplomatie mitigée

13-01-2013 18:48  Contribution

Quelle est la place de l’Algérie face aux nouvelles mutations géo stratégiques mondiales, problématique qui engage la sécurité nationale, telle est l’objet de cette présente contribution en trois parties complémentaires : l’Algérie en 2013 a-t-elle une économie ; les pouvoirs successifs ont-ils construit un Etat de droit depuis l’indépendance politique ; quelle est l’efficacité de la diplomatie algérienne face aux conflits régionaux notamment au Mali ?

1.-En 2013 l’Algérie n’a pas d’économie

Après 50 années d'indépendance, l'économie algérienne se caractérise par 98 % d'exportation d'hydrocarbures à l'état brut et semi-brut et l'importation de 70 à 75 % des besoins des ménages et des entreprises qu'elles soient publiques ou privées. Sonatrach c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach a engrangé entre 2000 et 2012 environ 600 milliards de dollars. Cela a permis le remboursement de la dette extérieure par anticipation, la constitution des réserves de change, qui sont une richesse virtuelle, clôturés à fin 2012 à environ 200 milliards de dollars y compris les DTS, non compris les réserves d’or, dont 86% placées à l’étranger à un taux fixe de 3% pour 83%, les 3% de DTS à moins de 1% . Et par voie de conséquence la dépense publique, le président de la République ayant annoncé au dernier trimestre 2011 que 500 milliards de dollars seront mobilisés entre 2004-2014. A ce jour aucun bilan n'a été réalisé. Mais le fait important malgré ces dépenses colossales, le taux de croissance moyen entre 2004-2012 est de 3 %.

On peut démontrer facilement que le taux officiel de 5/6% hors hydrocarbures l’est à lus de 80% via la dépense publique et que les entreprises compétitives représentent moins de 20% dans le PIB. Cela montre une disproportion entre ces dépenses et les impacts économiques ce qui se répercute sur la situation sociale qui deviendrait explosive en cas de chute brutale des cours des hydrocarbures. Cette dépense publique sans précédent depuis l’indépendance politique situation n’a pas permis véritablement d’asseoir une économie productive. Cette masse monétaire sans contreparties productives est une des explications fondamentales du retour accéléré e l’inflation quia clôturé entre 9/10% fin 2012 au taux officiel mais sans les subventions généralisées sans ciblage et pour une paix sociale fictive , ,ce taux dépasserait les 15%, les transferts sociaux ayant été clôturés fin 2012 à plus de 18 milliards de dollars toujours grâce à la rente des hydrocarbures. Le rapport, publié à Genève le 5 septembre par le Forum économique mondial de Davos, a passé au crible les 144 pays les plus importants économiquement dans le monde et rétrogradé l'Algérie de trois places. Elle figure à la 144e place, c'est-à-dire à la dernière pour l'innovation.

Parmi les cinq, sur les seize facteurs, qui entravent le développement économique en Algérie figurent les lenteurs bureaucratiques (1), l'accès au financement (2), la corruption (3), l'absence d'infrastructures (4) et le manque de main-d'œuvre qualifiée. L’enquête de l'ONS d'août 2012 révèle que le tissu économique national est fortement dominé par les micro-unités dont les personnes physiques à 95 % (888 794) alors que les personnes morales (entreprises) représentent seulement 5 %, soit 45 456 entités. Par ailleurs 83% du tissu économique global est dominé par le commerce avec une concentration pour le commerce de détail et l’industrie dominée par les micros unités sans véritables management stratégique est en déclin avec moins de 5% dans le produit intérieur brut.

Facteur important, 3,9 millions d'Algériens travaillent dans l'informel qui contrôle 40% de la masse monétaire en circulation, 65% des segments des produits de première nécessité. Cette faiblesse de l’accumulation du capital productif se traduit par l'incapacité d'absorption du marché du travail qui n'arrive plus à suivre le flux de main-d'œuvre en quête d'emploi. Nous assistons à des discours contradictoires sur le taux de chômage. La population active dépasse les dix millions en 2012 et la demande d'emploi additionnelle varierait entre 300.000 à 400.000 personnes par an. Pour le ministère du Travail, le taux de chômage est en nette régression l'estimant à 9 % pour 2012. Le 1er septembre 2012, l'ONS annonce que la population en sous-emploi par rapport au temps de travail est estimée à 1 718 000 occupés en 2011, soit un taux de sous-emploi de 17,9 %.En fait nous avons des taux de croissance, des taux d’inflation et des taux de chômage officiels artificiels posant la problématique de la véracité du système d’information officiel biaisant la politique socio économique, les pertes pouvant se chiffrer en milliards de dollars.

2.- Le pouvoir ne repose pas sur de véritables partis politiques

Je me limiterai aux partis du pouvoir et leurs annexes, l’opposition étant marginalisées accentuée par des conflits de leaderships. Selon Benjamin Constant, la notion de parti politique possède deux définitions. La première, d'ordre idéologique, est presque synonyme de faction : il s'agit, d'une réunion d'hommes qui professent la même doctrine politique. La seconde, d'ordre institutionnel, le tient pour un élément essentiel du jeu démocratique, consistant à saisir le parti politique en tant que forme politique, structure d'organisation de la démocratie. Dans les démocraties modernes, les partis politiques ont un rôle politique très important. Le principe est de permettre à des individus ou groupes partageant des objectifs similaires de s'allier pour promouvoir un programme commun Pour pouvoir perdurer et donc avoir le temps de se construire un électorat et un programme politique, les partis doivent se structurer et construire un certain nombre de règles permettant de définir le système de prise de décisions. On trouve généralement un président ou secrétaire général, ainsi qu'un comité directeur.

On distingue les sympathisants, qui constituent l'électorat traditionnel du parti, des adhérents, militants qui s'investissent directement dans la vie du mouvement. Les luttes actuelles à partir notamment des deux partis du pouvoir le parti du FLN qui continue après des décennies d’indépendance d’instrumentaliser à des fins étroits partisans un sigle propriété de tout le peuple algérien, et le parti RND qui n’est qu’ailleurs qu’un appendice de l’ancien parti du FLN et ce avec tous leurs satellites dites organisations vivant des subventions de l’Etat, montrent clairement que l’Algérie après 50 années d’indépendance politique n’a pas de partis politiques mais des appareils aux ordres. Même la forme régissant le règlement intérieur de ces partis n’est pas respecté ce qui discrédite l’Algérie auprès tant de l’opinion algérienne qu’internationale. On parle de coup d’Etat scientifique, se concentrant sur des conflits des personnes, sans programmes précis et en oubliant même les militants. Si l’on veut faire partir un dirigeant que l’on le fasse au sein de structures définies.

On le constate à travers ces achats à coup des centaines de millions de centimes, voire des milliards, point de preuve, toute se traite en cash, lors des dernières élections législatives et locales avec un taux de participation par rapport aux inscrits en déclin, traduisant le divorce Etat citoyens et l’opportuniste de e nomadisme politique, que certains qualifient de militants touristes. Mais que représentent-ils par rapport au 37 millions d’Algériens ? En fait nous avons des appareils bureaucratiques comme ces micros partis crées artificiellement qui se réveillent qu’au moment de certaines élections, comme moyen de décors n’ayant pas d’impacts sur la société, soumis donc à des zones d’influence de pouvoir. Il en est de même des syndicats rentes et de la société civile qui existe mais désorganisée expliquant ces révoltes sporadiques à travers toutes les régions du pays. L’absence d’une élite organique agissante en Algérie capable d’élaborer des idées structurantes et peser par ses analyses sur les tendances et les choix majeurs qui fondent et marquent le lien social se fait donc cruellement sentir. Ce vide culturel a des incidences sur la décrédibilisation de la politique ce qui réduit l’influence de l’élite politique qui avec la tendance actuelle de son discours est disqualifiée.

D’où l’importance au moment où l’on parle de nouvelle constitution de la refondation de l’Etat, pour ne pas dire sa fondation comme entité civile, qui passe nécessairement par une mutation profonde de la fonction sociale de la politique. Cela suppose en Algérie que le pouvoir bienfaisant ou de bienfaisances inaugurées comme contrat politique implicite par les tenants du socialisme de la mamelle afin de légitimer l’échange d’une partie de la rente contre la dépendance et la soumission politique et qui efface tout esprit de citoyenneté active, ce pouvoir doit céder la place à un pouvoir juste, justicier et de justice. C’est la norme du droit qui reprend sa place pour légitimer le véritable statut de la citoyenneté. La gouvernance bonne ou mauvaise prend sa source de l’esprit des lois et non des fantaisies chatouilleuses. Le passage de l’Etat de « soutien » à l’Etat de droit est de mon point de vue un pari politique majeur car il implique tout simplement un nouveau contrat social et un nouveau contrat politique entre la Nation et l’Etat .Dès lors, la question centrale qui se pose est la suivante : est ce que les pouvoirs politiques algériens successifs ont- ils édifié un Etat et d’abord et qu’est ce qu’un Etat tenant compte de l’influence d e l’internationalisation ( la mondialisation) et des équipements anthropologiques qui peuvent modeler comme système politique inhérent à chaque situation socio anthropologique.

En Algérie, l’Etat reste une entité assabienne qui périclite comme le signifie Ibn khaldoun quand son âge politique tire à sa fin dont la cause fondamentale est l’immoralité (corruption) qui tend à dominer toutes les structures de tout pouvoir. Aussi, la refondation de « l’Etat algérien » passe nécessairement par la refondation de son esprit (philosophie) et ses lois (règles) pour qu’elles deviennent un Etat droit. La refondation de l’Etat ne doit pas être comprise comme une négation de notre identité mais comme une nécessité que les mutations et les enjeux d’aujourd’hui imposent dépassant et de loin l’aspect technique de la politique, touchant en réalité le fondement de la République. Aussi dans le cadre de cette refondation politique, l’Algérie ne peut revenir à elle- même que si les faux privilèges sont bannis et les critères de compétences, de loyauté et d’innovation sont réinstaurés comme passerelles de la réussite et de la promotion sociale et limiter l’action de l’immoralité et de la assabia (relations tribales et de clientèles) facteurs de la décadence de toute société. Les résurgences identitaires et tribales peuvent conduire à un comportement conservateur surtout qu’à un certain temps ils ont jouit de privilèges importants qui les poussent progressivement à former des lobbys discrets, mais efficaces de blocage aux réformes. D’où l’importance de certaines fonctions électives ou nominations à des postes clefs ou les candidat y voient un moyen de s’enrichir et enrichir leurs soutiens...

C’est dans ce cadre qu’il faille revaloriser le savoir et donc la compétence qui n’est nullement synonyme de poste dans la hiérarchie informelle, ni de positionnement dans la perception d’une rente. La compétence doit se suffire à elle-même et son efficacité et sa légitimité se vérifient surtout dans la pertinence des idées et la symbolique positive qu’elle ancre dans les corps et les acteurs sociaux. La compétence n’est pas un diplôme uniquement mais une conscience et une substance qui nourrissent les institutions et construisent les bases du savoir. Sans cela, les grandes fractures sont à venir et la refondation de l’Etat serait vidée de sa substance ne pouvant réaliser les aspirations d’une Algérie arrimée à la modernité tout en préservant son authenticité. La refondation de l’Etat ne saurait se limiter à une réorganisation technique de l’autorité et des pouvoirs. Elle passe par une transparence totale et une clarté sans nuance dans la pratique politique et les hommes chargés par la Nation de la faire. Car la gouvernance est une question d’intelligence et de légitimité réelle et non fictive.

La refondation de l’Etat algérien, pour une véritable moralisation de la société passe par un nouveau mode de gouvernance dont le fondement est la liberté au sens large pour une société participative et citoyenne tenant compte de notre anthropologie culturelle historiquement datée comme en témoigne les différents cycles de civilisations depuis que le monde est monde. Car, c’est seulement quand l’Etat est droit qu’il peut devenir un Etat de droit. Quant à l’Etat de droit, ce n’est pas un Etat fonctionnaire, qui gère un consensus de conjoncture ou un duplicité provisoire, mais un Etat fonctionnel qui fonde son autorité à partir d’une certaine philosophie du droit d’une part, d’autre part, par une assimilation consciente des besoins présents de la communauté et d’une vision future de ses perspectives. L’Algérie qui a souffert dans sa chair avec plusieurs centaines de milliers de morts sans compter les destructions massives entre 1990/2000 a besoin d’un réel changement et de véritables partis politiques, le pouvoir étant le pouvoir et l’opposition grâce au est nécessaire au pouvoir lui-même pour se corriger, grâce au dialogue constructif permanent, la rente des hydrocarbures n’étant pas éternelle devant s’épuiser horizon 2020/2030 au moment où la population algérienne sera de 50 millions. Il s’agit d’éviter ces créations artificielles de partis et ‘associations et de lois qui ne correspondent pas à l’état de la société, l’Algérie ayant les meilleurs lois du monde mais rarement appliquées ce qui renvoie à la nécessaire mutation systémique.

3.-La diplomatie algérienne et le conflit au Mali

Un ancien ambassadeur algérien à Madrid a mis en relief très justement que la diplomatie algérienne n’a pas fait sa mue malgré la compétence de bon nombre de diplomates se croyant encore aux années 1970 avec la confrontation des blocs. Pour ma part lors d’un déplacement aux USA, j’ai tiré la leçon lors d’une audience avec une grande responsable au département du trésor US à Washington. J’avais émis cette hypothèse naïvement que l’Algérie devait tirer profit des divergences entre la France et les Etats Unis d’Amérique. Elle m’avait répondu clairement «Monsieur Mebtoul, il y a parfois des divergences tactiques de court terme mais aucune divergence stratégique entre les Etats Unis d’Amérique et la France et plus globalement avec l’Europe ». Depuis dans mes analyses j’en ai tiré la leçon. Pour le cas du mail, il ne fallait pas être un grand analyste pour savoir en nous en tenant avec nos voisions frontaliers que le Niger, le Mali, allaient s’aligner sur la position de la France. Nous ne parlerons pas de la Lybie, de la Tunisie et de la Mauritanie qui ne s’opposeront en aucune manière à la vision US/Europe.

Cela aurait été une erreur de croire qu’au conseil de sécurité il y aurait une opposition de la Russie et de la Chine qui ont avalisé d’ailleurs l’intervention militaire française, n’ayant pas d’intérêts stratégiques dans la région, et également pour des raisons internes ne voulant pas être confrontées à des mouvement extrémistes islamistes en Tchétchénie en Russie et des centaines de milliers de musulmans en Chine. Incontestablement la position diplomatique algérienne a subi un sérieux revers qui risque de se répercuter sur son influence déclinante en Afrique, ayant depuis le début du conflit opté pour le dialogue avec les islamistes dits modérés. Mais les puissances occidentales reconnaissent que rien ne peut se faire durablement sans l’Algérie qui est une grande puissance militaire. D’autant plus que ce conflit peut avoir des répercussions sur la sécurité intérieure de l’Algérie notamment toute la zone Sud où sont concentrés les principaux gisements pétroliers et gaziers sans compter que bon nombre de familles notamment Touaregs du Sud ont des liens étroits souvent familiaux avec les familles au niveau du Sahel et notamment au mali .D’ailleurs tout cela pose la problématique de l’intégration du Maghreb pont entre l’Europe et l’Afrique afin de faire de cette zone une région tampon de prospérité , le terrorisme se nourrissant fondamentalement de la misère en se livrant au trafic de tous genres, rançons , drogue, armes ect…..

 

En résumé, quel serait l’impact de notre diplomatie sans la rente des hydrocarbures où existent des liens entre la bureaucratie, la sphère informelle et la logique rentière ? L’illusion du bureaucrate n’est –il pas de vouloir gouverner par décret la société majoritaire en s‘appuyant sur des réseaux minoritaires ? Aussi, il est étonnant qu’au moment où les grandes puissances se concentrent sur la crise économique, que l’on assistera entre 2015/2020 à de profonds bouleversements géostratégiques que la guerre est à la porte des frontières de l’Algérie menaçant sa sécurité et que l’on se livre à des luttes d’appareils sclérosants et désolants. Toute la société algérienne étant sous perfusion de la rente, et l’essentiel est comment aller vers la refondation de l’Etat et le développement socio –économique dans le cadre des nouvelles mutations, posant les liens dialectiques et complémentaires entre les rôles de l’Etat et du marché. Pour terminer je citerai le diplomate algérien Lakhdar Brahimi : « notre génération a fait son temps. Le changement profond sans exception, est inéluctable. Vouloir perpétuer par certains régimes le statut quo en étouffant les libertés ne peut mener qu’à la violence qui pendra des formes différentes selon le pays ». Espérons pour les intérêts supérieurs de l’Algérie que l’année 2013 voit une reconfiguration politique allant vers un Etat de Droit, condition sine qua non d’un développement durable.

 Dr Abderrahmane MEBTOUL, professeur des Universités Expert International en management stratégique

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NB 6 Voir la contribution du professeur Mebtoul Institut Français des Relations Internationales Paris France octobre 2010 chapitre « l’OTAN et la stratégie euro-méditerranéenne »



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