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Jour de Ramadhan à Tlemcen

13-06-2017 10:35  Amine Bouali

 A Tlemcen, durant le mois de Ramadhan, l'un des terrains de chasse traditionnels des voleurs à la tire, est le marché des fruits et légumes du centre-ville ainsi que les rues commerçantes et surpeuplées de la Kissaria et de Derb Sidi Ahamed. Le champ de "compétence" et les heures d'activité de ces O.S. d'un genre spécial (des "ouvriers spécialisés", appelons les ainsi) ont de tout temps été flexibles et adaptés aux circonstances. Mais une vigilance policière accrue durant le mois de Ramadhan de cette année, a déjoué apparemment leurs mauvais plans.                          

Le marché des fruits et légumes de Tlemcen ressemble à un véritable chaudron où s'entasse une foule bigarrée, pressée et presque exclusivement masculine. La bâtisse, restaurée il y'a une quinzaine d'années, est construite sur deux niveaux et date de 1904. Dans une aile du rez-de-chaussée, se trouve une poissonnerie qui est reliée par un étroit corridor à une salle occupée par une vingtaine de marchands de fruits et légumes installés dans autant de box. Ce rez-de-chaussée est d'ordinaire moins encombré par les clients que l'étage supérieur et donc moins convoité par les "ouvriers spécialisés", mais les prix pratiqués y sont plus élevés.

Au premier étage du marché couvert, des marchands de fruits et légumes et des bouchers occupent respectivement environ 80 étals construits en dur. C'est presque au coude à coude que les Tlemceniens, en particulier durant le Ramadhan, font leur marché tout en surveillant de près leurs poches, de crainte d'avoir à pâtir des mauvaises pensées des fameux "ouvriers spécialisés". 

Progressivement au fil des années, les rues jouxtant le marché couvert de Tlemcen (notamment celles qui se trouvent à son flanc nord), ont été squattées par des marchands ambulants (ils sont aussi ambulants pour échapper à la police).  

À chaque mois de carême, une épidémie de commerce s'empare de jeunes et moins jeunes inactifs. Après tout, ne suffit-il pas d'un petit carton posé à même le sol et n'importe quoi à vendre dessus, pour avoir le privilège de payer des impôts ? Des gamins poussent des brouettes remplies de coriandre, de persil et de menthe fraîche. D'autres proposent pour 50 dinars des sachets contenant environ une vingtaine de gousses d'ail, des plaquettes d'œufs à 13 dinars l'unité et des "âram" de quatre citrons pour 100 ou 150 dinars (selon que les citrons ressemblent, en calibre, à des billes ou des melons). 

Un ou deux gosses s'aventurent dans l'épicerie fine et essaient de fourguer, entassés dans des cageots, des sachets d'amandes d'un kilo à 1500 dinars ainsi que des bouteilles d'huile d'olive à 600 dinars le litre.                          

Plus bas, sur la place d'El Medress, des jeunes débrouillards ont ouvert des boulangeries en plein air, spécialisées dans le pain de campagne. Très prisée durant le mois de Ramadhan, la galette de pain de seigle (ou "matlouee") et le pain dit "frena" coûtent pas moins de 50 dinars. 

Les prix des fruits et légumes sont restés stables, ce début juin, comparés aux Ramadhan précédents. Au marché couvert de Tlemcen, le kilo de tomates est vendu autour de 35 dinars, celui de la pomme de terre à 50 dinars. La viande de veau est cédée à 950 dinars le kilo, la sardine à 300. Nombre de Tlemceniens véhiculés préfèrent, durant ce mois de Ramadhan, faire leur marché chez les fellahs des alentours, qui proposent les produits de leur récolte à meilleur prix, carrément au bord des routes. Mais nourrir sa famille reste un "métier" difficile. Partout, le sachet en plastique règne en maître pour contenir les achats dans les commerces. Au musée local des souvenirs, la "hanediaâ" (foulard) et le couffin en "doum" (palmier nain) de nos parents ont rejoint le filet à provisions du colon.                                         

Neuf fois sur dix, si une bagarre éclate, c'est juste un fumeur invétéré qui supporte mal son sevrage de nicotine. D'après un sondage express réalisé en ville, les pickpockets sont restés plutôt sages cette première moitié du mois de Ramadhan à Tlemcen, malgré quelques tentatives vite annihilées par la police. Ont-ils eu peur de "casser" leur carême s'ils se mettaient à chiper à droite à gauche ?




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