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Jour de l'Achoura à Tlemcen

01-10-2017 14:51  Amine Bouali
Ce dimanche 1er octobre (dixième jour du mois de Muharram) c'est la fête de l'Achoura. Comme tous les ans, à pareille occasion, une grande fièvre s'empare du centre-ville de Tlemcen et dès 9 heures du matin, une véritable marée humaine va se déverser sur les rues piétonnières de la Kissaria et de Derb Sidi Hamed telle une coulée de lave sur les pentes d'un volcan. Achoura est un jour de piété mais aussi de commerce.

La veille, des dizaines de jeunes ont passé une grande partie de la nuit à la belle étoile. Chacun d'eux avait squatté un petit espace le long de ces deux rues commerçantes, avec l'intention d'y bâtir tôt le lendemain, une "boutique en carton". L'occupation des emplacements disponibles les plus stratégiques (par exemple entre deux portes de magasins construits en dur ou au carrefour de deux ruelles) a été précédée certainement d'âpres discussions ou parfois de disputes.

Combien de tonnes de marchandises vont aller approvisionner durant ce jour de l'Achoura, ces souks improvisés du centre-ville de Tlemcen; des "montagnes" de produits sorties d'on ne sait quelles cavernes d'Ali Baba; acheminées par on ne sait quels moyens de transport ? Pour ne pas se laisser déborder par le dynamisme (ou le sans-gêne) des commerçants "informels", beaucoup de négociants "officiels" finiront par dresser devant leurs boutiques des étals de fortune pour tenter de liquider leur stock d'invendus à des prix "défiant toute concurrence".

Ce dimanche, la traversée de la Kissaria et de Derb Sidi Hamed ressemble à un véritable parcours du combattant mais seule la peur du pickpocket incitera les moins téméraires à rebrousser chemin. Des villages alentour, de nombreuses familles sont venues à Tlemcen pour faire leurs emplettes. "Selaât el-youm, méchi koul youm!" ("les bonnes affaires de ce jour ne sont pas celles de toujours!") clame dans un portevoix un vendeur de pantoufles fabriquées en Chine.

La plupart des vendeurs ont investi dans des créneaux porteurs comme l'habillement ou les produits cosmétiques de bas de gamme. Néanmoins, certains jeunes affichent un esprit novateur et proposent à la vente des gadgets inutiles mais très bon marché, tels des couteaux miniatures pourvus de manches en plastique (conçus spécialement pour éplucher, avant d'être jetés, pas plus de trois carottes ou navets) ou encore des sortes d'aiguilles qui servent à recoudre "chez soi" les semelles des vieilles chaussures.

Tous ces camelots jurent leurs grands dieux proposer les prix les plus intéressants d'Algérie, avant d'aller faire la queue, à l'heure du déjeuner, chez un gargotier, pour dévorer une tranche de "karantita" (ou "karantika") brûlante. Ce dimanche matin de l'Achoura, les terrasses des cafés seront bondées plus qu'à l'ordinaire, les femmes beaucoup plus présentes au centre-ville, tandis que les vrais et les faux mendiants iront réclamer de boutique en boutique et dans chaque maison, "hâk rabi" (la part de Dieu).

Place du "Maoukkaf", en bas de la Kissaria, étalés sur des nappes posées à même le sol, des monticules de henné rappellent aux plus âgés des Tlemceniens, les fêtes de l'Achoura de jadis, lorsque les mères de famille faisaient à cette occasion, provision de henné et de ghassoul et préparaient un couscous avec de la viande boucanée  (kâddid). Il était également de coutume, ce jour-là, que les femmes se fassent couper une mèche de leurs cheveux pour une raison qui nous paraitrait, de toute façon, énigmatique.

On dit aussi que certaines familles "chorfas" (de la descendance du prophète-paix et bénédiction soient sur lui-) originaires du village voisin de Aïn El-Hout, évitaient de célébrer un mariage durant la journée de l'Achoura qu'elles assimilaient à une période de deuil. Ces pratiques ont aujourd'hui disparu mais elles ont longtemps entouré d'une auréole de beauté et de magie profanes, cette fête religieuse.

Non mentionnée dans le Coran, l'Achoura commémore pour les Chiites l'assassinat en l'an 680 de Husseïn, fils d'Ali ibn abi Talib (le quatrième calife de l'Islam) dans la ville irakienne de Karbala. Pour les Sunnites, c'est une fête qui est rattachée au souvenir de plusieurs prophètes, rappelle l'obligation de s'acquitter de l'aumône rituelle ("zakat") et durant laquelle il est recommandé de jeûner.


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