Le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel a affirmé jeudi que les solutions aux problèmes du Moyen Orient, notamment en Syrie et en Iran, étaient "politiques" et non "militaires". Pour le vice-président Joe Biden, l'attitude prudente de l'administration américaine est liée aux erreurs commises lors de l'invasion et l'occupation de l'Irak en 2003.
Les solutions aux problèmes du Moyen Orient, notamment le conflit en Syrie ou la perspective d'un Iran doté de l'arme nucléaire, sont "politiques, pas militaires", a estimé jeudi le secrétaire américain à la Défense Chuck Hagel, lors d'un discours devant le Washington Institute for Near East Policy, un groupe de réflexion de Washington.
Dans ce cadre, le rôle des Etats-Unis est "d'aider à influer sur le cours des événements" aussi bien par des moyens diplomatiques, économiques, humanitaires, que militaires "en coordination avec nos alliés", a ajouté le chef du Pentagone, un ancien du Vietnam depuis réticent à engager l'armée américaine dans des conflits. Dans son intervention, au cours de laquelle il s'est gardé de brandir toute ligne rouge à l'intention des régimes syrien et iranien, Chuck Hagel a argué que la Syrie et l'Iran constituaient des problèmes pour toute la région.
L'escalade de la violence en Syrie menace de déborder de ses frontières, un problème accru par les stocks d'armes chimiques du régime, tandis que le soutien iranien à Bachar al-Assad, au Hezbollah ainsi que son programme nucléaire créent une "menace claire" pour les Etats-Unis et toute la région, a-t-il noté.
"Nous devons répondre à ces défis communs par la force de coalitions d'intérêts communs, qui comprennent Israël et nos autres alliés dans la région", a plaidé le ministre, de retour d'une tournée qui l'a récemment mené dans l'Etat hébreu, en Egypte, en Jordanie, en Arabie saoudite et aux Emirats, traditionnels alliés de Washington au Moyen Orient. Quant aux Etats-Unis, ils doivent "s'engager avec discernement", selon lui.
"Cela requiert une perception claire de nos intérêts nationaux, de nos limites, ainsi qu'une compréhension des complexités de cette région du monde imprévisible, contradictoire et pourtant porteuse d'espoir", a-t-il expliqué
Les leçons de l'invasion en Irak
Pour le vice-président Joe Biden, si l'administration américaine actuelle est extrêmement prudente dans le dossier syrien, c'est essentiellement parce qu'elle a à l'esprit les erreurs commises à son sens lors de l'invasion et l'occupation de l'Irak en 2003. Assurant dans un entretien au bimestriel Rolling Stone que l'équipe du président Barack Obama avait restauré l'image des Etats-Unis dans le monde, Joe Biden a aussi expliqué que "nous ne voulons pas tout gâcher comme la précédente administration (de George W. Bush) l'a fait en Irak, en disant armes de destruction massive".
Le gouvernement américain a évoqué pour la première fois il y a deux semaines le probable recours du gouvernement syrien à son stock d'armes chimiques, mais Barack Obama a affirmé que les preuves n'étaient pas encore suffisament solides pour déterminer qu'une "ligne rouge" avait été franchie par le régime de Bachar al-Assad.
C'est a priori la première fois qu'un haut responsable de l'exécutif américain établit aussi clairement le lien entre la décision d'envahir l'Irak il y a dix ans et l'attitude actuelle de Washington face à la Syrie, où la révolte contre le régime Assad qui a éclaté il y a deux ans s'est transformée en guerre civile. Le conflit a coûté la vie à plus de 70.000 personnes selon l'ONU.
Mardi, Barack Obama avait défendu la stratégie adoptée par son gouvernement dans ce dossier, où des élus du Congrès l'ont pressé d'adopter une ligne plus dure en donnant son feu vert à la livraison d'armes aux rebelles ou à l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne. "Je ne prends pas de décisions sur la base de perceptions. Je ne peux pas réunir de coalitions internationales autour de perceptions. Nous avons essayé cela dans le passé, au fait, et cela n'a pas tellement bien fonctionné", avait-il ajouté, dans une allusion évidente à l'invasion de l'Irak.
Kerry presse Assad de partir
De son côté, le secrétaire d'État américain John Kerry, qui enchaîne depuis trois jours des rencontres sur la Syrie, a répété jeudi lors d'une visite à Rome que le président Bachar al-Assad ne pourrait pas faire partie d'un gouvernement de transition.
Toutes les parties en présence travaillent "pour mettre en place un gouvernement de transition issu d'un consensus, ce qui signifie clairement pour nous que le président (Assad) ne participera pas à un gouvernement de transition", a déclaré John Kerry à la presse avant de rencontrer le chef de la diplomatie jordanienne, Nasser Judeh.
Le gouvernement de Damas a quant à lui annoncé jeudi qu'il répliquerait immédiatement et durement à toute nouvelle attaque d'Israël contre son territoire, au moment où le mouvement libanais Hezbollah assurait que son allié syrien lui livrerait de nouveaux types d'armes.
Les autorités syriennes ont par ailleurs salué le rapprochement américano-russe en faveur d'une solution politique au conflit en Syrie, en se disant confiant en la fermeté de la position de Moscou, même si Washington insiste sur un départ négocié du président Bachar al-Assad.
Dans le même temps, à la suite de la récente initiative américano-russe, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a convaincu le médiateur Lakhdar Brahimi de rester à son poste de médiateur. (Reuters)