Des adeptes de la Tariqa Karkariya, sont arrivés du Maroc en Algérie pour une siyaha (pèlerinage) au mausolée de Sidi Lakhdar Ben Khelouf, à Mostaganem et à la zaouia de la Tariqa Alâwiyya dans la même ville. Ils ont été rejoint par une petite poignée de nationaux adeptes de cette confrérie soufie.
A cause de leur tenues rapiécées (muraqa'a) en damiers et bariolées, ces «fuqara» (pauvres) de la confrérie Karkariya ont été vilipendés par des journaux ignorants qui les ont pris pour des envahisseurs, alors que d'autres ont cherché des explications politiques, comme Echourok, qui écrit que «la karkariya est un instrument des (services de) renseignements (marocains) pour semer l’anarchie». Un avis partagé par la chaîne privée Dzair TV, qui soupçonne la confrérie d’être «le nouvel outil du Makhzen pour infiltrer l’Algérie».
Un autre journal, quant à lui, note que la Tariqa Karkariya fait partie de «ces pratiques néfastes, judicieusement exploitées par certains pays qui tentent, par le biais d'un salafisme rampant, de ruiner les efforts de l'Algérie pour son émancipation et son développement». Alors que précisément ce sont les salafistes issus de l'idéologie wahabite qui combattent les adeptes du soufisme.
Ce journal écrit même, sans rire, craindre que les adeptes n’en profitent pour «se faufiler dans les zones oranaises et présahariennes, où les mentalités sont plus aisément perméables à ce genre de discours».
L’association des Oulémas Musulmans en Algérie, par la voix de Touhami Majouri, le responsable de communication de l’association, explique que le Maroc «tente de pénétrer en Algérie à travers le côté religieux." Et d'ajouter que "le ministère des affaires religieuses a encore du travail dans la formation des imams pour que nous puissions arrêter ce danger sectaire qui menace le pays."
Ces discours médiatiques sont à quelques exceptions près les mêmes discours que ceux tenus au Maroc contre le Cheikh Khaled Bentounès, victime dans ce pays d'une campagne de diffamation, accusé d'être un instrument du pouvoir algérien pour faire main basse sur la trentaine de zaouias appartenant pourtant à la Tariqa Al Alâwiyya, dont il est le guide spirituel.
Par ailleurs, il est à noter que la pratique des visites des mausolées de Saints est très courante dans les pays musulmans et en particulier au Maghreb. Cheikh Khaled Bentounès, précisément, tous les ans (depuis 33 ans) au mois de juillet, entame avec les foukaras une marche en direction de Jbel A'lam, dans la province de Larache à moins de 80 km au sud-est de Tanger, pour célébrer le moussem annuel du saint soufi Moulay Abdeslam Ben M’Chich, Cheikh des Jbala, celui-là même qui initia Abou Hassan al-Chadhili au soufisme. Durant ce même mois de juillet, Cheikh Bentounès fit également avec les foukaras une visite au mausolée du Cheikh Hamza de la Tariqa Boudchichiya à Ahfir à coté de Oujda.
La Tariqa Karkariya, à l'instar de toutes les Tourouqs (voies), issues du soufisme (mysticisme) prône le vivre ensemble, récuse la violence et appelle à la paix. Chaque Tariqa a son style et ses pratiques mais toutes convergent vers le centre (Dieu).
Chemin de sagesse, le soufisme incarne celui de l’ouverture, du respect et de la fraternité. Il consiste en un enseignement vivant, transmis de maître à disciple, dont l’origine remonte au prophète Muhammad et à ses compagnons. C'est une voie d’éducation personnelle et de connaissance intérieure.
Certains maîtres soufis ont été de grandes figures spirituelles au rayonnement universel. Parmi les plus connus, nous pouvons citer l’imam al-Ghazâlî, Abd al-Qâdir Jilani, Djalâl ud-Dîn Rûmî, l'Emir Abdelkader, (plus connu en guerrier qu'en soufi de la Tariqa Kadiriya), Abou Hassan al-Chadili, Mohieddine Ibn Arabi, Djunaid, Sidi Abderrahmane, Sidi Abou Madiane, Ahmed Tidjani, Cheikh Mustapha al-Alawi...