Loin des soubresauts qui agitent actuellementen sourdine les différents centres décisionnels au sommet de l'Etat, sur fond de succession vaseuse, Chakib Khelil est monté ces dernières semaines en cadence, enenchaînant conférence sur conférence.
A Boumerdès, Tizi-Ouzou, Béjaia, sesdernières haltes, après un précédent tour de plusieurs wilayas, l’ex ministrede l’énergie martèle systématiquement le même message, les mêmes éléments delangage qui, mis bout à bout, s’apparentent à un projet économique clé en main.
Sous couvert d’académisme, sansdoute pour ne pas prêter le flanc aux charges politiques que ne manquent pas deprovoquer ses conférences, Chakib Khelil attaque au marteau pilon les dogmes etautres vaches sacrées du modèle économique actueldont il prédit un collapsus inéluctable.
La fameuse loi 51/49, qui définitle cadre réglementaire des IDE, il n’hésite pas à la qualifier de « catastrophique »,avec chiffres à l’appui sur le caractère « dérisoire » desinvestissements étrangers dans notre pays, comparé, à la Tunisie, le Maroc ouencore l’Egypte.
« Quelqu’un qui vient avecson propre argent, son know how technique et managériale ne peut pas se résoudreà l’idée d’être minoritaire dans un projet d’investissement avec un compatriotemajoritaire par le seul fait d’être algérien, ça ne marche pas comme ça »,a-t-il argumenté devant les étudiants de l’université de Boumerdés.
Selon Chakib Khelil, l’Algérieest un pays à fort potentiel d’attractivité pour les investissements étrangers,mais encore faut-il faire sauter le verrou dogmatique du 51/49 en y mettantplus de souplesse et de flexibilité. Une manière de rappeler que l’on « attrapepas les mouches avec du vinaigre ».
Les services sont également dansle collimateur de l’ex homme fort du secteur de l’Energie qui réclame leurprivatisation, du moins une partie. Leurs mauvaises performances actuelles, leursdysfonctionnements en matières de prestation, qui nourrissent l’insatisfactiondes citoyens, plaident pour leur ouverture aux investisseurs privés pour créerde la concurrence, de la compétitivité, tout en soulageant l’Etat dont lesmoyens seront de plus en plus réduits.
S’agissant des prestationssociales de l’Etat, Chakib Khelil, faisant chorus avec d’autres hommespolitiques et économistes postule la nécessité absolue d’une révision radicaledu système des subventions. « Paradoxalement,le système actuel profite plus aux populations à fort pouvoir d’achat, qu’aux frangesnécessiteuses » dit-il encore en plaidant pour un changement de paradigme.
Sur ce plan, le gouvernement partage la même analyse. Des experts multiprofils sont détachés au Premier ministère et travaillent depuis des mois à lamise en place du nouveau logiciel. Mais force est de constater que, pour lemoment, on n’a pas encore vu des volutes de fumée blanche s’élever du Palais duGouvernement. Sans doute y verrat-onplus clair après la présidentielle dont la tenue ne doit pas s’encombrer derisques de turbulences sociales.
Mais la mesure la plus radicalede Chalib Khelil concerne le volet financier, plus singulièrement l’argent de l’informelqui représente selon lui, le tiers de la masse financière globale du pays. Après avoirfait le constat que toutes les tentatives du gouvernement de ramener cetteargent dans les circuits formels ont fait choux blanc, malgré toutes les assurancesdonnées aux porteurs de ces capitaux dormant, il ne propose rien moins qu’un changementde monnaie nationale.
C’est une mesure coercitive, quiobligera les acteurs de l’informel à bancariser leurs bas de laines, certes,mais elle n’est pas sans risques de troubles politiques. De nombreux citoyens, par convictions religieusesou par défiance à l’égard de la bureaucratie étatique, préfèrent stocker leurargent dans des sacs de plastique chez eux en ayant cette sérénité de pouvoir endisposer en toute latitude.
Mais avec cet air de ne pas y toucher,de ne pas se soucier de ce qui se passe actuellement sur le front politique, ChakibKhelil n’est-il pas en train de faire leVRP de son modèle économique, avec cette arrière-pensée de se poser déjà enalternative pour l’après présidentielle. Difficile en effet de croire que ses « conférencesacadémiques » soient uniquement dictées par le souci de la coquetterieintellectuelle.