On a pas fini de mesurerles conséquences du Coronavirus qui, loin de se limiter au niveau sanitaire,touche la société même dans ses repères les plus immuables et qui deviennentaujourd’hui source de polémique.
Il en va ainsi de la réouverture des mosquées pour les prières et du sacrifice dumouton, à l’occasion de l’Aid El Adha, deux questions ô combien sensibles quidivisent aujourd’hui la société entre ceux qui défendent le primat de lascience sur la foi, faisant valoir desarguments médicaux, pour dire «non » à la reprise des prières et l’égorgement du mouton et ceux qui défendent mordicusle maintien du dogme, en observant un maximum de précautions.
Signe de ce schisme sociétal : les appels quise multiplient ces derniers jours sur les réseaux sociaux pour un rassemblementnational en « faveur de la réouverture des mosquées », une initiativequi reste pour le moment virtuelle.
Lundi, c’est la très influenteAssociation des Oulémas, présidée par Cheikh Abderazak Guessoum, qui s’estprononcée en faveur du maintien du rituel, considérant que "leversement du montant du mouton sous forme d’aumône (Sadaka) n’a pas la mêmesignification spirituelle que le sacrifice ».
Le président de l’Association des Oulémas renvoiela balle aux autorités en leur demandant"d’organiser le marché du mouton avec une surveillance rigoureuse" et en veillant au respect des mesuresbarrières.
En début de semaine, le Conseil NationalIndépendant des Imams (CNII), avait appelé à la réouverture, au moins «de façon graduelle» desmosquées, estimant que sa requête était plausible, désormais.
Il en veut d’autant qu’il a accompagné sarevendication par une somme de propositions tendant à respecter les mesurespréventives de lutte contre le Covid-19 en vigueur.
Sur ce plan, le Conseil prône le maintien dela fermeture des salles d’ablution, celles réservées aux femmes,l’accomplissement de la prière dans les espaces ouverts des mosquées qui endisposent et sur tapis individuels, le retrait des livres saints et autreschapelets à usage collectifs ; le tout en observant un strict respect dela distanciation physique, autant que faire se peut.
S’agissant du sacrifice du mouton del’Aid, le Conseil se prononce aussi en faveur du maintien de lapratique, considérant qu’aucune donnée scientifique n’a établi dedémonstration que le rituel puisse contribuer à la propagation ducoronavirus.
Il se trouve que cet avis, aussi tranché enfaveur à la fois de la reprise des prières et du sacrifice de l’Aid el Adha, est auxantipodes de la position officielle incarnée d’abord par le ministère desAffaires religieuses et sa Commission de la Fetwa.
Ainsi, lors d’un récent passage à la radionationale, Youcef Bemehdi, ministre des Affaires religieuses avaitdéclaré que « la réouverture des mosquées est une décision relevant du Gouvernement etque c’est lui et lui seul qui est habilité à l’annoncer sur la base de l’avisde la Commission scientifique ».
« Les experts scientifiques qui connaissent la véritablesituation sanitaire ont confirmé que les conditions sanitaires actuelles nepermettent pas la réouverture des mosquées », expliquait-il, à l’appui deson propos.
Mohamed Belmehdi, tout en disant « comprendre l’impatience des fidèles àretourner dans les maisons de Dieu », met en garde « ceux qui perturbentle travail des autorités et des experts » et appelle à la vigilance.
La commission de la Fatwa, s’exprimant quant à elle au sujet dusacrifice du mouton, trouve qu’il « est encore trop top pourtrancher », considérant que « la situation sur la plan sanitaires esterratique ».
Un député du FLN, Abdelwahab Benzaim, avait proposé,il y a déjà quelques jours de renoncer cette année au sacrifice du mouton devantles risques que l’égorgement puisse servir d’amplificateur de la pandémie, suggérantde verser le montant de bête au fond de solidarité nationale dédié à laCovid-19.
Nous sommes encore à quinze jours de l’Aid ElAdha et la pandémie ne cesse de monter en puissance, avec un nouveau pic de 527cas positifs mardi 14 juillet.
Comme pour les examens scolaires où il avait tranché après avoir écouté à la fois les avis des pédagogues et des médecins, le président dela République est interpellé par cette polémiquesur la réouverture des mosquées et la sacrifice de l’Aid, afin d’éviter une Fitnadans un contexte politique inflammable.