Selon Radio France Internationale (RFI), le Nord-Niger et en particulier la ville-carrefour du trafic des migrants, Agadez, compte quelque 5 000 à 6 000 passeurs, transporteurs et rabatteurs, qui vivent du trafic des migrants. Ce sont donc des dizaines de milliers de migrants qui sont pris en charge par ces trafiquants et qui remontent vers le nord, en particulier vers l'Algérie, qui s'est retrouvée confrontée en quelques mois à un véritable transfert de populations subsahariennes.
Interrogé par RFI, Mohamed Bazoum, le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique du Niger, indique que depuis fin 2016, une loi réprime le trafic des migrants et souligne que depuis cette date, les statistiques indiquent très clairement qu’elle a eu un impact très positif.
Le ministre en veut pour preuve que quelque 200 passeurs ont été arrêtés et inculpés, mais 72 ont été finalement condamnées, pour le moment. Et vous en avez encore d’autres qui restent en prison en attente de jugement, ajoute t-il.
Sur les complicités dans l'administration, le ministre a indiqué que plusieurs gendarmes et policiers ont été révoqués. "C’est pire qu’une condamnation pour eux" précise le ministre.
Concernant la reconversion des passeurs, transporteurs et rabatteurs, qui se chiffrent en milliers de personnes qui vivent de ce trafic, le ministre nigérien indique que son pays "essaie d’entreprendre avec nos partenaires à La Valette, à la Conférence de La Valette [2015], le président de la République [Mahamadou Issoufou] a présenté un plan de reconversion. Un fonds fiduciaire d’urgence a été mis en place à cet effet. Il y a le projet de développement classique, notamment la promotion de l’agriculture, de l’élevage, du commerce. Nous, nous avons une centrale électrique qui va être construite à Agadez, qui est une centrale hybride, ce sont des projets, je vous ai dit, classiques. Nous avons surtout en urgence des petits projets qui théoriquement concerneraient à terme 5 000 personnes et qui visent à donner, à offrir des opportunités d’activité à toutes les personnes qui sont impliquées dans le trafic illicite et qui en vivent de façon directe ou indirecte. Nous avons déjà une phase pilote qui aura concerné 400 personnes, puis à partir de l’évaluation que nous en ferons, nous l’étendrons, le cas échéant. Et nous pensons que nous aurions des ressources à même de toucher 5 000 personnes en théorie".
Interrogée par la radio sur le scepticisme de certains humanitaires quant aux "contrôles renforcés", alors que les passeurs empruntent de nouvelles routes qui échappent à toute surveillance, le ministre indique que "sur la région d’Agadez, je ne vois pas comment on pourrait contourner les axes sur lesquels nous avons accru notre contrôle, parce que la géographie vers la Libye se présente sous une forme telle qu’il est difficile d’échapper à nos postes de contrôle en les contournant littéralement, en ayant d’autres chemins qui conduiraient à la Libye. Mais évidemment nous n’aurons jamais assez de moyens, même sur les axes que nous contrôlons, pour assurer un contrôle absolu. Il y a toujours par conséquent des choses qui passent à travers les mailles de notre filet. Nous ne sommes pas naïfs".
Enfin, le ministre a récusé les statistiques de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), qui avait précisé qu'il y avait avant quelque 5 000 migrants par semaine à Agadez, mais qu'il y en aurait aujourd’hui quelque 5 000 par mois.