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Le sociologue Addi Lhouari dézingue «l’Etranger» Kamel Daoud

21-01-2020 13:30 

Le célèbre sociologue Addi Lhouari, vient de réagir vigoureusement au longarticle de l’écrivain journaliste Kamel  Daoud publié dans l’hebdomadaire français LePoint, dans lequel il annonçait presque la défaite du Hirak voire sa mort.

Une conclusion «provisoire» qui ne semble pas être du goût de son compatrioteAddi Lhouari qui y voit une sorte d’erreur d’appréciation de la part du jeuneécrivain à succès dont il a par ailleurs loué la causticité des chroniques dansLe Quotidien d’Oran.

 «L’œuvre de Camus n’a-t-elle pas trop marqué la destinée de Kamel Daoud quiétait l’homme révolté à Oran et qui est désormais perçu comme l’Etranger parles siens ?», cogne  le sociologue après avoir décortiqué lesarguments de Kamel Daoud développés dans le Point.

 PourAddi Lhouari, malgré  ses écrits pastrès catholiques sur l’Algérie, Kamel Daoud a pu conserver un lectorat et unpublic  qui lui est resté fidèle : «jusqu’à cequ’une dernière goutte fasse déborder le vase. »

Et cette goutte a été d’après luile dernier article dans lequel il décrétait de manière presque péremptoire quele Hirak était une «révolution perdue».

Commentaire acidulé d’Addi Lhouari : «Le problème de Kamel Daoudest qu’il n’a pas perçu qu’une critique de sa société et de ses composantesidéologiques n’est pas reçue de la même manière en Algérie et à l’étranger.Tous les pays tiennent à cette sorte de fierté qui limite l’autocritique àl’intérieur des frontières nationales. En France, il y a un mot en anglais quidésigne la critique de la France à partir de l’étranger ou par des étrangers :le French Bashing. C’est ce qui se passe chez les Algériens qui n’acceptent pasl’Algerian Bashing. Surtout que Kamel Daoud touche souvent à des questionssensibles liées au passé colonial. Qu’il le veuille ou non, il est devenu untrophée postcolonial exhibé par la droite européenne avec une volontéd’affirmer que les indépendances ont été un échec», écrit Addi Lahouari.

 Pis encore, il le compare au polémisteet raciste chroniqueur français, Eric Zemmour qui insinue sur les plateaux de télévision,que l’Algérie «aurait mieux fait de demeurer une colonie française».

 Ce qui amène le sociologue a la conclusion que pour de «nombreux» algériens, Daoud est perçu comme un «romancierqui a choisi son camp dans une guerre idéologique où le passé colonial se mêleaux enjeux hégémoniques du présent et de la géopolitique». 

  Zemmour-Daoud, même combat !

 Désigné comme un «hirakiste aigri», Lhouari  reprend des morceaux de la contribution de KamelDaoud dans laquelle il critique la contestation, l’accusant d’être «unmouvement radical urbain limité aux marches de la Grande Poste d’Alger».

 Il lui reproche également d’avoir sous-estimé la «solidité du régime quis’est re-légitimé avec le scrutin du 12 décembre en s’appuyant sur le monderural».

 Une posture qui a poussé Addi Lhouari a voir dans la démarche de KamelDaoud «toute proportion gardée, le syndrome de Messali Hadj qui, pendantdes années a formé des générations de militants à l’idée de l’indépendance, etqui les lâchera lorsqu’ils passent à l’action».

 Et au sociologue de déconstruire les arguments de l’écrivain : «Premièrement,l’absence des marches hebdomadaires dans les petites villes et villages nesignifie pas que le monde rural soutient le régime. Cette absence tient à desfacteurs politiques objectifs. Les régimes autoritaires contrôlent mieux lesvillages du fait de la densité de la population et du poids des notables quisurveillent les propos et faits et gestes de chacun. Les régimes autoritairesau Maghreb ont plus de ressources politiques dans les campagnes que dans lesvilles, avec l’exception notoire de la Kabylie unie contre le régime par larevendication de la langue amazigh. C’est ce que le politologue Rémy Leveau amontré pour le Maroc dans son livre intitulé « Le fellah marocain, défenseur dutrône ». La maîtrise politique de l’espace rural est plus aisée que celle del’espace urbain où la protestation rassemble des dizaines de milliers depersonnes à Alger, Oran, Constantine... L’atout du hirak est le nombre, et lesfoules incontrôlables sont à Bab el Oued et El Hamri et non à Masra ou Yellel.Cela ne veut pas dire que les habitants de ces deux bourgades de l’Ouest nesont pas en phase avec leurs cousins d’El Hamri et de Mdine Jdida qui parmilliers défilent tous les vendredis à Oran. Il est plus facile pour lesautorités de réprimer à Masra qu’à Mosta». 

 Transition faite, Lhouari pense contrairement à Daoud que le scrutin du 12décembre, «n’est pas une victoire politique du régime» mais bien son «échec».

Le sociologue lance au final une violente charge contre le journalistel’accusant par son texte, de «justifier» par anticipation la répression.

 «(…) Lorsqu’un romancier cesse d’être une conscience, il s’enlise dans lesdédales de l’idéologie. Mais plus grave encore, en affirmant que le Hirak aéchoué et que le régime a remporté sur lui une victoire, Kamel Daoud aurajustifié à l’avance la répression qui risque de s’abattre sur «cette minoritéqui occupe illégitimement les marches de la Grande Poste d’Alger».



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