Témoignage recueilli par Amine Bouali
Après 55 jours de confinement strict, l’Italie qui a été le premier pays européen à prendre cette mesure de salut public, a procédé, ce lundi 4 mai, à un déconfinement prudent de sa population, notamment en permettant à plus de 4, 4 millions de travailleurs de reprendre le chemin du bureau, du chantier ou de l'usine mais en respectant strictement les gestes-barrières indispensables en ces temps difficiles de Covid19.
Depuis ce lundi 4 mai, les parcs ont rouverts dans la péninsule, mais les restaurants, les cafés, les salons de coiffure ont gardé portes closes. Pas d'école non plus pour les 8,5 millions d'élèves italiens ni de virée à la campagne ou à la plage pour les familles. Mais les Italiens pouvaient enfin aller faire du vélo ou courir, se promener avec leurs enfants. Les gens pouvaient aussi se déplacer pour rendre visite à des proches sans quitter toutefois leur région.
Pour M. Amirouche Noureddine, un Algéro-Italien qui habite à Bologne, au nord de l’Italie, par ailleurs président d’une association d’aide aux enfants non-voyants algériens, dénommée « Une canne pour l’Afrique », ce lundi 4 mai a été une journée très particulière. « À Bologne, ma ville d’adoption, raconte-t-il, il y avait beaucoup de voitures sur les routes car les gens évitent toujours de prendre les transports en commun. Ceux-ci fonctionnent mais à capacité réduite et il faut obligatoirement y porter un masque de protection. Dans les bus, il y a une place où on peut s’assoir et une autre où il y a un petit carton qui mentionne qu’elle doit rester vide. Les billets de transport sont achetés uniquement sur internet ou bien dans des distributeurs automatiques. Partout, il y a des contrôles : les policiers te demandent où tu vas ? Par exemple, moi quand je sors le matin pour aller travailler, je dois avoir une attestation pour rejoindre mon travail, avec toutes les informations obligatoires (mon nom, mon domicile, mon employeur, etc...). Les agents de l’ordre prennent cette attestation, ils mettent ces données dans leur computer et ils vérifient que tout est en règle ».
« Ce lundi 4 mai, à Bologne mais aussi dans toute l’Italie, il y avait des sportifs partout, des personnes qui faisaient du footing ou du vélo. Mais on ne peut faire du sport qu’en individuel. Devant les supermarchés, les queues étaient plus longues que durant les semaines de confinement. Il y’en avait même devant les vendeurs de journaux. Mais chacun portait un masque (y compris les enfants) souvent des gants, et chacun respectait la distance sociale ».
« Dans les rues, il y avait pourtant un sentiment étrange. C’était peut-être la même chose partout en Italie. Les gens étaient moins stressés qu’avant mais ils semblaient fatigués. Je ne sais pas si tu as vu les vaches sortir après l’hiver. En hiver, on enferme les vaches dans l’écurie et elles ne sortent pas durant des mois. Elles restent confinées et quant le printemps arrive, on les fait sortir. Alors, elles semblent désorientées, elles ont l’air perdues et l’allure un peu drôle. Voilà, les Italiens, aujourd’hui, ils étaient un peu comme ça! ».
A partir de ce lundi 4 mai, l’Italie est passée de la phase 3 à la phase 2 de confinement, mais cette phase 2 sera plus sévère encore, s’agissant des contrôles. «Dorénavant, nous confie M. Amirouche Noureddine, les 4, 4 millions d’Italiens qui ont repris le travail doivent contrôler chaque matin leur température, c’est une obligation ! Si tu as 37,5 de fièvre, tu restes chez toi et tu appelles ton employeur et ton médecin. Toute les entreprises ont une personne devant l’entrée qui mesure la fièvre aux employés. Si quelqu’un a 37, 5 de fièvre, il
rentre chez lui ! Certains patrons ont créé des groupes-WhatsApp, chacun de leurs employés est tenu de prendre sa température, tous les matins avant de quitter son domicile, puis d’envoyer une photo de son thermomètre avec la bonne température à son employeur pour prouver qu’il est en bonne santé. Qui, dans de tels circonstances, a envie de tricher ? Toutes les entreprises remettent à leurs employés, avant qu’ils rejoignent leur poste de travail, 2 masques ainsi que des gants puis ils se lavent les mains avec un liquide hydro-alcoolique. Les Italiens ont peur. Ils ont eu plus de 29 000 morts. C’est terrible ! Mais les chiffres sont en baisse. Ce lundi 4 mai, à Bologne, on a enregistré 159 cas et 24 décès, 174 personnes sont mortes ces dernières 24 heures dans toute l’Italie. C’est très bas par rapport à il y a un mois. Là, on va avoir 15 jours d’essai. Ensuite le gouvernement va faire les comptes et soit, il va alléger le déconfinement, soit il va serrer à nouveau les vis ».
L’Italie, troisième économie de la zone Euro, devrait connaître, cette année, une récession de 8 à 10%, et des millions de travailleurs italiens risquent de perdre leur emploi.